Posté en tant qu’invité par l’Urbain:
Casquette, lunettes de soleil dernier cri, couleur de peau à ne jamais trouver de travail, chien d’attaque. Raphy dénote un peu sur le paysage. A sa vue, le randonneur moyen s’accroche à son appareil photo numérique et regarde intensément ses pieds. Raphy, quand il sort en montagne, non seulement il se demande ce qu’il fout là, mais en plus tout le monde se demande ce qu’il fout là.
C’est déjà toute une affaire de l’embarquer, avec son chien, hors de la ville. Il faut prendre rendez-vous. Enfin, je ne m’en suis pas trop mal sortis, puisque c’est bien la quatrième fois que je le sors, cette année. Et, cette fois-ci, pour faire un peu d’escalade. Les dalles du Charmant Som. Raphy et son chien sont tellement indissociables, que si Raphy s’en sort, le chien devrait y arriver. A moins que ça ne soit le contraire.
Arrivés en bas, pas de bol, il y a du monde. Un père de famille et ses deux enfants. Ils ont tout le matériel : sangles à profusion, dégaines, casque, même des coinceurs… Avec nos jeans-Tshirt-baskets, nous ne faisons pas très sérieux. Je compte sur le chien pour les dissuader de nous engueuler.
Le chien, il s’en fout que ce soit côté PD. Il gambade dans les dalles du bas, on a peine à le rattraper.
Quand nous dépassons la cordé, bien ficelée à un relais, je sens bien que nous sommes en train de ruiner toute une pédagogie. Le pauvre père à dû expliquer en long, en large et en travers à ses enfants qu’il fallait s’encorder, poser des protections, grimper prudemment, et voilà deux abrutis qui montent de concert, sans corde, avec un chien par dessus le marché.
Au dessus, juste sous la sortie, les dalles se redressent et sont moins fracturées. Le chien découvre brutalement qu’il ne tient plus. Il découvre tout aussi brutalement que, quand il ne tient plus, il se casse la gueule. Le pauvre fait peine à voir : il s’élance, rippe, et je dois le plaquer au sol à plusieurs reprises pour l’empêcher de dégringoler jusqu’en bas. Ses petites pattes commencent à saigner.
Je m’inquiête pour Raphy, qui arrive en soufflant.
Un peu de stratégie. Raphy passe devant, puis vient le chien, et je ferme la marche. Raphy tire, je pousse, le chien est bien encadré. Il se débat, le III+, c’est pas son truc. En bas, le père est rassuré. Il prie de toutes ses forces pour qu’on se casse la gueule, ça serait très instructif pour les enfants.
Mais il y a un dieu pour les abrutis et leur chien, et finalement Raphy se rétablit au dessus du dernier mur raide. Un dernier coup de pied aux fesses, et le chien sort à son tour. Ne nous reste plus qu’à rejoindre le sommet. Dix minutes plus tard, c’est chose faite, et le chien de Raphy rentre dans l’Histoire de l’alpinisme canin.