mon avis, qui n’engage que moi :
en pente raide de neige, on est encordé de près, 2-3m grand max, sinon vaut mieux pas s’encorder (on retient pas la chute encordé plus loin), mais c’est rarement sur une pente à 45° que tu vas trouver une crevasse, sauf la rimaye au départ qui mérite un assurage fixe avec le piolet, voire une broche si c’est possible etc…
Une règle générale à bien se mettre dans la tête : on ne retient pas une chute en crevasse d’un de ses compagnons si on est encordé à 2-3m de distance, à moins d’un bon coup de bol, car on part aussitôt avec celui qui tombe dès que le pont pète…En effet, souvent au moment où le pont lache, l’autre gars continue d’avancer s’il est derrière, du mou se fait un peu sur la corde et dès qu’elle se retend ça te tire sans que tu puisses controller la situation. T’es happé par le vide avant même que t’ai dit « ouf ».
Les crevasses dangereuses, celles masquées avec des ponts, sont souvent dans les ruptures de pentes à 20-25° voire 30, rarement au-dessus…sinon c’est des grosses crevasses, et des séracs, c’est beaucoup moins sournois, en général ça pose pas de problème, puisque tu les vois, tu peux anticiper.
Il y a aussi des crevasses à pont de neige, sur un plat avant une rupture de pente, celle-là sont en général les plus sournoises, car bien sur, tu ne présages pas forcément de la rupture de pente. Toi, tu es sur le plat, tu ne vois que le plat, mais le glacier en dessous, lui il est déjà en train d’amorcer la rupture de pente!!
Or à 10-20-30°max en neige le risque principal n’est pas le dévissage donc tu sors la corde essentiellement pour les crevasses, de ce fait, tu peux te permettre un encordement long, qui sera toujours tendu, pour pouvoir réagir à temps…
10m entre les 2 alpinistes, c’est le minimum, mais sur le plat ne pas hésiter à sortir les 15m…et la garder tendue, c’est à dire qu’elle ne doit pas se ballader et tortiller sur le sol.
Au moment où un pont cède, si la corde est tendue, et avec la distance, la corde, par rupture de charge, vient se heurter directement à la lèvre de la crevasse:
-l’enjeu est de faire en sorte qu’elle s’y coince, si ce n’est pas déjà fait. Pour ça, quand on se sent tirer, il faut se baisser le plus possible et tirer la corde vers le sol et vers soi, comme si on l’avalait avec virulence.
C’est à dire qu’il ne faut pas que « tenir » simplement la corde, mais vraiment la tirer vers soi de toutes ses forces, et en se baissant le plus possible vers le sol, pour abaisser l’angle jusqu’à ce que ça coince. Plus l’angle est bas, plus tu tires fort vers toi, plus elle a de chance de se coincer…
Avec 15m de corde, qui a été tendue au départ et qui est freinée fortement par l’angle de rupture de charge sur la lèvre, en général ça finit par marcher, un peu comme ils le font dans l’exercice de proba des guides…
Avec la pression sur l’angle de la lèvre,la corde creuse une sorte de tranchée dans la neige et se bloque dedans mais bon c’est facile à dire!!!
Ensuite, une fois coincée, tu bloque et tu fais un amarrage avec le piolet, le plus vite possible.
Tout ce que je peux confirmer là-dedans c’est qu’en situation réelle de mouflage avec accidentés, je peux vous assurer que la corde n’arrêtait pas de se coincer sur la lèvre de la crevasse à cause de la rupture de charge…J’ai du foutre un piolet, puis un baton car ça coulissait mieux, la surface étant moins abrasive!!!
Autre remarque : dans bon nombre de situation, le pont ne lache pas d’un coup, le gars passe une jambe au travers avant que le pont lache, c’est là qu’il faut réagir, c’est à dire ne pas attendre en tenant simplement la corde, mais en enrayant tout de suite en la tirant vers soi et vers le sol jusqu’à ce que ça coince ou bien qu’on arrive à extirper le gars s’il n’est pas encore tombé dedans!
cette dernière situation m’est arrivée à 2 reprises au dome de la Sache en 2005, le glacier était mal regelé, la neige piégeuse, dès que le pont commencait à céder sous mon père devant, je tirai la corde vers moi comme une brute et comme ça, il était extirpé avant que le pont lache…on était encordé à 12m je crois…ce jour-là il faisait 30° à midi à la Gurraz à 1600m. Depuis je ne vais plus sur glacier quand c’est mal regelé dès le départ ou quand c’est chaud comme ça. Je refuse d’office. On vient en montagne pour se faire plaisir avant tout.