Retenir une chute en crevasse

Bonjour à tous
La question que je me pose, c’est jusqu’à quel pente, en montée, le premier de cordée peut retenir le second si ce dernier chute dans une crevasse. Ou bien, ce qui est à peu près équivalent, jusqu’à quel point le second peut retenir le premier si ce dernier chute dans une crevasse, mais en descente.
Etant donné que les ouvrages ne disent pas toujours la même chose, j’attends surtout des témoignages de gens à qui c’est déjà arrivé. Ont-ils réussi à retenir leur compagnon? Sur une cordée de 2, de 3, ou plus ?

Merci d’avance pour vos réponses.

Ca dépend de beaucoup de choses, pas seulement du degré de pente : la différence de poids entre les 2 alpinistes, la distance d’encordement, la tension de la corde au moment de la chute, la force de celui qui est en position de retenir celui qui tombe etc.

Ce que je peux te dire, pour l’avoir constaté de visu lors d’exercices, c’est qu’en traversée, dans une pente à 45°, avec 3-4 mètres d’encordement, en étant prévenu donc vigilant, tu ne retiens pas systématiquement un 2nd qui dévisse.

C’est d’ailleurs pour cette raison que je ne m’encorde jamais en terrain neigeux peu raide. Chacun sa m…

Je me suis jadis amusé à tester la chose en neige molle dans le descente de la Tour Ronde : celui du dessous prêt à retenir la chute de celui du dessus, piolet planté. Avec deux mètres d’élan le dessous arrêtait le dessus, à trois mètres celui du dessous était arraché. On s’arrêtais en se mettant en culing, puis en plaçant en même temps nos piolets en piolets-ramasse en comptant un deux trois …
Avec un pendule ça doit être du même genre, voir pire à cause de la torsion. Moralité, en traversée en neige, il vaut mieux manoeuvrer pour qu’il y en ait un en dessous de l’autre, avec corde très courte. Enfin bon, il parait qu’il est possible de rattraper dynamiquement quelqu’un en faisant qq pas dans la pente avant de se recaler, mais j’ai jamais pratiqué, même en exercice.
Ça dépend encore si on a ou pas les crampons …

Henri

Je n’ai pas de réponse, mais quelques éléments de réflexion.

Mes seuls essais sont des exercices à skis, à plat. J’ai tenu sans problème un homme adulte, mais à mon avis ce n’est pas très représentatif d’une situation réelle, parce que je savais qu’il y aurait chute.
A l’exercice suivant, la fille qui m’a retenu a tenu aussi, mais c’était plus progressif, et je suis descendu par à-coups de plusieurs mètres.
S’il y a assez de place, je pense qu’un bon skieur vigilant a des chances de tenir, parce que les carres de skis accrochent bien tout en permettant un freinage dynamique.

A pied, si la chute en crevasse est un simple enfoncement de la neige dans la fente de la crevasse, ca tiendra sans problème quelle que soit la pente (cas le + courant, heureusement !).
S’il s’agit d’une rupture brutale de la corniche, le 2nd va se casser la gueule, et devra s’arrêter avec son piolet comme pour une chute en pente raide. Résultat non garanti, fonction de la situation (corde tendue ? assez longue ? plantage rapide et efficace du piolet ?).

J’ai un témoignage dans mon entourage. Si je me souviens bien : zone plate (?), le chuteur était un homme, et l’assureur était une fille. Elle n’a rien tenu du tout, la descente s’est fait progressivement et ne s’est arrêtée que parce qu’il y avait un pont de glace au bon endroit. 2m + bas, l’assureuse faisait le grand saut…

mon avis, qui n’engage que moi :

en pente raide de neige, on est encordé de près, 2-3m grand max, sinon vaut mieux pas s’encorder (on retient pas la chute encordé plus loin), mais c’est rarement sur une pente à 45° que tu vas trouver une crevasse, sauf la rimaye au départ qui mérite un assurage fixe avec le piolet, voire une broche si c’est possible etc…

Une règle générale à bien se mettre dans la tête : on ne retient pas une chute en crevasse d’un de ses compagnons si on est encordé à 2-3m de distance, à moins d’un bon coup de bol, car on part aussitôt avec celui qui tombe dès que le pont pète…En effet, souvent au moment où le pont lache, l’autre gars continue d’avancer s’il est derrière, du mou se fait un peu sur la corde et dès qu’elle se retend ça te tire sans que tu puisses controller la situation. T’es happé par le vide avant même que t’ai dit « ouf ».

Les crevasses dangereuses, celles masquées avec des ponts, sont souvent dans les ruptures de pentes à 20-25° voire 30, rarement au-dessus…sinon c’est des grosses crevasses, et des séracs, c’est beaucoup moins sournois, en général ça pose pas de problème, puisque tu les vois, tu peux anticiper.
Il y a aussi des crevasses à pont de neige, sur un plat avant une rupture de pente, celle-là sont en général les plus sournoises, car bien sur, tu ne présages pas forcément de la rupture de pente. Toi, tu es sur le plat, tu ne vois que le plat, mais le glacier en dessous, lui il est déjà en train d’amorcer la rupture de pente!!

Or à 10-20-30°max en neige le risque principal n’est pas le dévissage donc tu sors la corde essentiellement pour les crevasses, de ce fait, tu peux te permettre un encordement long, qui sera toujours tendu, pour pouvoir réagir à temps…

10m entre les 2 alpinistes, c’est le minimum, mais sur le plat ne pas hésiter à sortir les 15m…et la garder tendue, c’est à dire qu’elle ne doit pas se ballader et tortiller sur le sol.

Au moment où un pont cède, si la corde est tendue, et avec la distance, la corde, par rupture de charge, vient se heurter directement à la lèvre de la crevasse:
-l’enjeu est de faire en sorte qu’elle s’y coince, si ce n’est pas déjà fait. Pour ça, quand on se sent tirer, il faut se baisser le plus possible et tirer la corde vers le sol et vers soi, comme si on l’avalait avec virulence.
C’est à dire qu’il ne faut pas que « tenir » simplement la corde, mais vraiment la tirer vers soi de toutes ses forces, et en se baissant le plus possible vers le sol, pour abaisser l’angle jusqu’à ce que ça coince. Plus l’angle est bas, plus tu tires fort vers toi, plus elle a de chance de se coincer…
Avec 15m de corde, qui a été tendue au départ et qui est freinée fortement par l’angle de rupture de charge sur la lèvre, en général ça finit par marcher, un peu comme ils le font dans l’exercice de proba des guides…

Avec la pression sur l’angle de la lèvre,la corde creuse une sorte de tranchée dans la neige et se bloque dedans mais bon c’est facile à dire!!!
Ensuite, une fois coincée, tu bloque et tu fais un amarrage avec le piolet, le plus vite possible.

Tout ce que je peux confirmer là-dedans c’est qu’en situation réelle de mouflage avec accidentés, je peux vous assurer que la corde n’arrêtait pas de se coincer sur la lèvre de la crevasse à cause de la rupture de charge…J’ai du foutre un piolet, puis un baton car ça coulissait mieux, la surface étant moins abrasive!!!

Autre remarque : dans bon nombre de situation, le pont ne lache pas d’un coup, le gars passe une jambe au travers avant que le pont lache, c’est là qu’il faut réagir, c’est à dire ne pas attendre en tenant simplement la corde, mais en enrayant tout de suite en la tirant vers soi et vers le sol jusqu’à ce que ça coince ou bien qu’on arrive à extirper le gars s’il n’est pas encore tombé dedans!

cette dernière situation m’est arrivée à 2 reprises au dome de la Sache en 2005, le glacier était mal regelé, la neige piégeuse, dès que le pont commencait à céder sous mon père devant, je tirai la corde vers moi comme une brute et comme ça, il était extirpé avant que le pont lache…on était encordé à 12m je crois…ce jour-là il faisait 30° à midi à la Gurraz à 1600m. Depuis je ne vais plus sur glacier quand c’est mal regelé dès le départ ou quand c’est chaud comme ça. Je refuse d’office. On vient en montagne pour se faire plaisir avant tout.

Merci pour vos réponses. Je ne savais pas que le risque de chute en crevasse était plus faible sur du 45° que sur du 20°.