Posté en tant qu’invité par l’Urbain:
Ploc plic
Il vient de partir.
Ploc plic plac ploc
Je le vois descendre un moment, puis il disparait derrière un bombement.
Ploc ploc plic plic plac pluc ploc ploc
Je suis tout seul dans la grotte.
plocplocplocplocplocplocplocplocplocplocploc
Temps de chiote.
Le marin de la bande l’avait prédit. « La fissure d’Ailefroide ? Sans moi. Vous allez vous prendre une rincée ». On était donc partis à quatre, et après trois-quatre longueurs, la pluie s’était installée. Bien au sec au fond de la fissure, on avait attendu que ça s’arrange, mais ça ne s’était pas arrangé. Ce qui s’était arrangé, c’était la pénétration de l’eau dans la fissure. Il était temps de se prendre la rincée.
Pour aller plus vite, et compte tenu du fait qu’on avait bien l’intention d’y revenir dès le lendemain, on a décidé d’enchainer les deux premiers rappels en laissant sur place la corde de 100m. Un beau noeud en haut, un beau noeud à mi parcours, un beau noeud en bas, et tout le monde descend à la queue-leu-leu. Ne restera qu’un petit rappel. Gain de temps : 30mn. Vu la pluie, c’était pas négligeable.
Quand il faut prendre son tour, je ne suis pas pressé. C’est ma première sortie de l’année, je ne vais pas me précipiter en bas à la première pluie. On est bien, là, à respirer l’air pur. Un an que j’attends ça. Allez-y, allez-y, je vous rattrape. Ils ne s’étaient pas fait prier.
Et voilà, je suis seul, et je regarde le bombement, derrière lequel le dernier vient de disparaitre. Y’a un truc rouge qui vole au vent. Ils ont oublié une sangle ? Je ramasserais ça en descendant.
La montagne a disparu. Noyée dans la pluie. La pluie. On ne voit plus qu’elle, n’entend plus qu’elle, ne sent plus qu’elle. C’est le marin qui doit rigoler. On se croirait en Bretagne. Je mangerais bien une crêpe.
Je m’ébroue. Il serait peut-être temps d’y aller. Voyons voir… Oui, la corde est toute molle.
Bon alors le huit, la corde, d’accord, bon, dans le mousqueton à vis, la vis, oui c’est bon, tac le prussik, voilà, voyons voir le noeud sur le relais, mmmm, ça bouge pas, bon ok, allez c’est partis on y va.
La sangle, n’oublie pas la sangle sur le bombement.
Ha oui, c’est vrai, la sangle.
Hooop, hoop…
Tiens, non, c’est pas une sangle… glups…
Maman, viens voir, la corde fait une drôle de tronche.
plocplocplocplocplocplocplocplocplocploc
La gaine est partie sur plusieurs centimètres. Qu’ils sont petits, ces jolis fils blancs. C’est la première fois que je les vois.
plocplocplocplocplocplocplocplocplocplocplocplocploc
Il me semble évident que cet accroc n’était pas là lors du passage de mon prédecesseur. Je l’aurais entendu gueuler. Donc, ça frotte.
plocplocplocplocplocplocplocplocplocplocplocplocplocplocplocploc
Je m’approche à pas de loup. Fais délicatement passer l’âme dans le huit. La gaine coulisse, juste un peu, pour me narguer.
plcplcplcplcplcplcplcplcplcplcplcplcplcplcplcplcplcplcplcplcplcplcplcplcplcplcplcplcplcplcplcplcplcplcplcplc
Bon sang, et cette foutute pluie qui ne veut pas s’arrêter.
Si ça continue je vais finir trempé.
Tiens, voilà, c’est malin, ça me coule dans le dos.
[%sig%]