Randonnée en Kirghizie

Bonjour

De retour d’une randonnée alpine de 8 jours en Kirghizie, sur les deux vallées de l’Alamedin et de l’Issyk-Ata (Ala-Too Kirghize, proche Bishkek), voici quelques conseils et constatations pour clarifier la situation afin que personne ne soit déçu de retour au pays. En effet je passe mon temps à faire la promotion du pays, à éditer des informations sur des circuits de randonnées et de montagne en Kirghizie. Et l’on pourrait s’imaginer que je vend une carte postale de rêves en occultant les réalités d’une aventure plus ardue que prévue. Les montagnes kirghizes ce n’est pas les Alpes ni les Pyrénées, la montagne est sauvage et rude, la plupart du temps sans rien ni personne. Autant dire que c’est bien là une partie de son charme.

Mais il y a des contreparties, à part les loups qui n’attaquent pas les hommes, mais qui infestent la région de l’Ala-Too Kirghize, il n’y a pas de bêtes sauvages dangereuses, d’ailleurs on en voit que très peu car le territoire montagneux est immense. Autant dire que l’on a guère de chance de tomber nez à nez avec un léopard des neiges ! Les ours c’est surtout dans les grandes forêts de l’Ouest du Tien-Shan en frontière avec l’Ouzbékistan. De ce point de vue, la montagne est moins dangereuse qu’aux Etats-Unis ou au Canada, ou au Japon à Hokkaïdo.

Voici donc quelques unes de mes constatations réalisées un peu « à chaud »:

  • les chemins en haute montagne ne sont pas du tout balisés en Kirghizie : pas d’indications de direction, pas de cairn, chemins hasardeux, essentiellement empruntés par les animaux : domestiques ou sauvages
  • dès la fin du mois d’août tous les troupeaux sont redescendus, à proximité des villages (4-5 km tout au plus), donc aucune présence humaine au dessus de 2500-3000 m
  • il ne faut pas compter sur une assistance quelconque, sauf si l’on a les moyens de communication adéquates mais plus cher, comme le téléphone satellitaire
  • il commence à faire plus froid, donc il faut les vêtements adéquates, et toute l’autonomie pour réaliser un bivouac
  • il n’existe pas d’infrastructure d’hébergement dans l’immense majorité des vallées, là encore autonomie du bivouac
  • cela implique donc de porter un sac à dos qui pèse au minimum dans les 17 kg rien que le matériel bivouac+vêtements+chaussures haute montagne, et compter la nourriture en plus
  • toute la nourriture et le gaz doivent être acheter avant, car aucune possibilité de ravitaillement en route

Une fois tout cela bien pris en considération, on peut partir sereinement.

Les topos de la randonnée sur 80 et les ascensions des 4000 seront bientôt sur le site

Henri Lévêque

Merci pour toutes ces précisions très intéressantes et fort utiles, comme d’habitude.
Il est dommage que ça soit rentré dans un forum éphémère plutôt que dans un article, où on pourrait les retrouver bien plus facilement plus tard, car les discussions à venir feront inévitablement descendre ce fil dans la liste des discussions…
/articles/107051/fr/aide-article

Bonjour, je suis en train de rédiger les topos de la randonnée et de l’ascension des divers sommets. Ce sont ces comptes rendus qui demeureront pérennes et les plus utiles à la communauté.

Que la modération me laisse donc le temps de les écrire alors que je viens à peine de rentrer. Je pense qu’il y a suffisamment de polémique naissante sur le site pour qu’elle y porte son regard en général fort diligent !

[quote=« csv [mod] »|2212648]
on pourrait les retrouver bien plus facilement plus tard[/quote]

la modération douterait-elle des remarquables capacités de recherche du site camptocamp !

Henri Lévêque

Voici ma sortie et les premières photos

/outings/804806/fr/col-d-alamedin-trek-de-la-vallee-d-alamedin-a-la-vallee-nord-de-l-issyk-ata-col-alamedin-col-issyk-a

pour l’instant les photos de la remontée de la vallée de l’Alamedin, demain je met les photos de la descente de l’Issyk-Ata

A bientôt

Henri Lévêque

Passionnant, ton truc ! Et merci…

Sans l’eau ni la nourriture mais avec les chaussures (pourquoi elle ne sont pas aux pieds ?), j’arrive à 10kg en comptant large (c’est à dire en surestimant le poids), avec du bon matos et en étant confort (duvet -10°C, tente 2 places, doudoune -10°C, vêtements de rechange pour la nuit, etc).
Et pour la bouffe, c’est 600 à 700g par jour, donc là ça monte très vite !

Mais je compte également : les pompes de montagne de haute altitude, je marche avec des chaussures plus légères, les crampons, le piolet, un coupe vent et certes mon duvet est vieux et lourd mais il tient à plus froid que -10°c, en plus il y a le réchaud, deux recharges de gaz qui sont pleines au départ, il fait froid en kirghizie. Ce n’est pas de la rando dans les alpes je le répète, et en plus je combine avec de l’alpinisme …

Moi ce que j’en dit c’est juste une estimation basée sur pas mal d’année de montagne. Après je suis peut-être un bourricot
Henri Lévêque

Merci Henri pour ce nouveau compte rendu très détaillé ! Ça a l’air bien sympa par la-bas!

[quote=« Bubu, id: 1864878, post:6, topic:170232 »]

Sans l’eau ni la nourriture mais avec les chaussures (pourquoi elle ne sont pas aux pieds ?), j’arrive à 10kg en comptant large (c’est à dire en surestimant le poids), avec du bon matos et en étant confort (duvet -10°C, tente 2 places, doudoune -10°C, vêtements de rechange pour la nuit, etc).
Et pour la bouffe, c’est 600 à 700g par jour, donc là ça monte très vite ![/quote]

Ah le poids du sac, tout est question de compromis! Avec ou sans piolet/crampon? Petit APN ou reflex? Combien d’éléctronique? (GPS etc.) Quelle taille la pharmacie? Quel type de réchaud pour quelle altitude? Avec ou sans papier/crayon? livre? Le MUL c’est bien, mais -surtout seul- le confort et les souvenirs matériels qu’on ramène ça compte aussi. Vaste débat, à chacun ses choix.

Perso, 17kg pour une semaine de pure autonomie avec matos alpi je trouve ça correct! Cet été pour un trekks en autonomie totale au Ladakh je suis parti avec 15kg tout compris, et j’avais fait l’impasse sur le matos alpi …

17kg, c’est sans l’eau ni la bouffe !

Ah mais dans les 10kg je compte des pompes d’alpi (1,8kg, pour des glaciers tout plats en été pas besoin de pompes hivernales).

J’ai aussi compté une veste grotex et le réchaud + casserole, mais j’ai oublié le gaz. Pour 7 soirs et 1 personne avec de l’eau à 5°C, une bombonne de 250g suffit (350g en tout). Si on veut (beaucoup) de sécurité, on peut prendre une bombonne de 500g entamée.
J’ai aussi oublié les crampons et le piolet. Pour des glaciers tout plat ou presque, des crampons et piolet alu (éventuellement à pointes acier) suffisent, ça ajoute 750g.
Donc un peu plus de 11kg, je te le fais à 12kg en étant large. :slight_smile:

Bonjour

C’est bien Bubu, t’es le roi de la statistique et du Benchmarking grande randonnée. Tu as pris le temps de tout bien peser. Maintenant en avant marche, et allonge le pas …

Henri Lévêque

Non, je me contente d’avoir un sac 2 fois plus lourd que les MUL…
C’est aussi pour éviter de faire fuir ceux qui voudraient aller en Kirghizie : ce n’est pas en annonçant qu’il faut au minimum un sac de 23kg (avec la bouffe et l’eau) pour faire de la rando sur une semaine dans cette région que tu vas attirer du monde…

Bonjour,

moi qui connait un peu ce pays, le post est justement fait pour que les gens réalisent précisément dans quel endroit, ils vont randonner et les contraintes qui s’impose à eux. Moi je ne suis pas une agence de voyage qui vend du rêve, je suis un bénévole qui fait ardemment la promotion de la Kirghizie pour sa nature grandiose mais en toute objectivité, soit là où il n’existe pas d’infrastructure touristique ! (Je peux m’en désoler mais c’est un fait !).

Par exemple pour les randonnées à cheval dans le pays, n’importe quelle agence ne vas pas te dire que les participants vont tous choper la tourista parce que l’eau dans les jaïloos n’est pas propre, car c’est un lieu d’élevage intensif et que c’est le cadet des soucis des Kirghizes (pour l’instant) de veiller au prescription sanitaire de base (et ils en sont eux-même les victimes au cours de l’été), l’état sanitaires des populations locales s’étaient détériorée grandement après l’indépendance (ca s’améliore petit à petit depuis …).

Je préfère présenter la réalité afin d’éviter justement que les futurs voyageurs soient déçus de retour au pays et en face une mauvaise publicité en réaction, c’est encore pire. Et ce faisant je pense même que j’aide les agences qui proposent des activités montagne en Kirghizie ne serait-ce qu’en filant des informations à tout bout de champ …

J’ajoute que la Kirghizie est pour l’instant une terre d’exploration, y compris en randonnée, où chacun peut encore à sa modeste façon grimper des sommets faciles au dessus de 4000 jamais gravis. Et çà même si c’est pas un exploit, ça peut faire rêver pas mal d’alpinistes occidentaux, et c’est toujours ça de pris pour l’économie du pays. En terme d’infrastructure c’est tout simplement le jour et la nuit entre la Suisse et la Kirghizie (pour ne citer que ce pays) car la Suisse elle a commencé son investissement touristique en montagne aux alentours de 1870-1880. Il suffit juste de compter les années depuis.

Par ailleurs j’ai fini de poster toutes les photos de la randonnée sur 8 jours (une trentaine de plus)

A bientôt

Henri Lévêque

à bientôt pour d’autres posts, j’envisage de parler de la poubelle des camps du Pic Lénine (photos à l’appui)

Je ne possède pas ton expérience, mais en kirghizie je n’ai pas eu l’impression de débarquer dans un désert hostile.
Il y a quand même des cartes topo, des autobus et taxis collectifs partout, du réseau mobile presque partout, une nourriture proche de nos habitudes culinaires, et un accueil et une honnêteté remarquables. Je m’étais sentie autant dépaysée, et surtout bien plus encore difficulté en Tunisie en 2005 qu’en kirghizie en 2014.

Se souvenir que l’eau de rivière en zones d’élevage doit être bouillie devrait être une évidence. Quant au contenu du sac à dos, il ne nécessite rien de plus ou de moins que pour une sortie équivalente dans le nord des alpes, si ?
Pour moi, la seule différence à garder en tête, c’est l’engagement lié à l’absence de refuges et de secours.

Ps: la poubelle du Lénine, je suis tombée dessus par hasard en redescendant, le lendemain du « push », après avoir bu suffisamment de vodka pour ne pas suivre la trace vers le cb.

J’en ai pleuré, et cette image me revient en tête régulièrement.
À noter que toutes les agences ne jettent pas leurs déchets de la sortes. Pamir expédition (central asia travel) organise même un concours de redescente de déchets, avec une expé et du matériel pour les gagnants.

Bonjour Hedera et autres posteurs

ben voilà tout est dit, et mon post finalement ne sert qu’à rappeler cela, sinon toute la route vers le camp de base du Pic Lénine: Bishkek-Osh-Sary-Tash est la plus fréquentée. La vallée du Ferghana est également très peuplé, mais ailleurs c’est quand même le grand vide, normale le pays est vaste, peu peuplé et victime d’un exode rural depuis la chute de l’Union Soviétique. La montagne est par ailleurs essentiellement fréquenté en été par les éleveurs, l’automne et le froid étant plus précoce tout le monde redescend pour se rapprocher des lieux d’hivernage. C’est encore une évidence mais tellement plus net que dans les alpes où les troupeaux fréquente l’alpage encore jusque mi-novembre ces dernières années (j’ai même vu un 5 décembre les dernières vaches descendre sous le Cornet de Roselend). Impensable en Kirghizie !

Par contre je vais pas gloser sur les détails techniques du poids ou de la composition du sac, chacun son truc après tout, et les discussions techniques entre alpinistes infantiles m’ont toujours gonfler à un point. Il faut juste relire mon post et oublier l’histoire des 17 kg et le reste sans être forcément consensuel me semble raisonnable de rappeler, même quand cela semble être des évidences.

Autre exemple : qui connaît le vallon du Salyk affluent de l’Alamedin qui mène aux parois les plus dures de l’Ala-Too kirghize avec le Pic Kyrgyzstan et le Pic Usichonka, toutes les voies sont minimum d’entrée à D, et le plus souvent TD et ED, une zone totalement désertée maintenant alors qu’elle connaissait son heure de gloire dans les années 70-80 ! J’en ai parlé à Vladimir pour qu’on retrouve des topos et rédige un petit compte rendu au cas cela intéresserait des grimpeurs en mal d’exploit.

Henri Lévêque