Question après effondrement cloches de l'enfer vallon du diable

Posté en tant qu’invité par pierre-alain2:

Salut,
Le 25 et le 26 décembre, j’étais dans le vallon du diable pour grimper. Le 25, on part pour voir un peu les conditions en se méfiant particulièrement des avalanches de fond bien entendu. On grimpe les deux premières longueurs des larmes du chaos. Quelques morceaux de glace nous tombent dessus de temps en temps. Rien de bien méchant. On décide cependant de redescendre et d’aller dans le prix de la consolation ou le couloir supérieur semblerait stopper ces chûtes. Conditions grimpables mais glace très très pourrie.
Redescente l’après-midi. Nombreuses coulées de lourde en versant sud. Malgré l’inversion de température conséquente pas de bruit suspect en versant nord. Les lignes « difficiles » sont formées. Entre autres les cloches de l’enfer et la verge du démon.
Le soir à l’hôtel de la cordée les températures baissent. Je me dis que si c’est négatif au parking le lendemain ça pourrait être jouable dans les cloches de l’enfer. Réveil le lendemain -2 °C à saint christophe, - 3° au parking. Ca a l’air pas si mal. Il a neigé 5 cm pendant la nuit, ça m’arrange pas mais c’est pas grand chose. On repart, nouveaux bruits en versant sud, ça continue à purger et avec le soleil qui pointe son nez (départ parking 8h30) les dernières structures du versant sud se désagrègent. On remonte la trace de la veille, avec la neige tombée et son effet isolant aucun regel bien entendu. J’opte pour la rage de vivre (cascade en 4) départ de droite. Un peu tôt en saison pour aller faire du raide dans les cloches (effet mouille-cul également!). On se prépare. La première longueur est assez bien formée mais goûte pas mal. Les conditions n’ont pas l’air meilleures que la veille au niveau de la glace. Juste avant de partir dans la première longueur, gros bruit et grosse avalanche de lourde sur notre gauche qui descend jusqu’à la rivière. On plie les gaules en quatrième vitesse et on descend jusque dans le fond du vallon. Là en se retournant ce sont les cloches qui se sont effondrées et ont fait partir l’avalanche. Des frigos sont présents à 50 m de la rivière. On rentre à saint christophe en ayant grillé une cartouche.
La question : j’aurais pensé qu’avec le froid de retour la structure se serait consolidée, une nuit n’est pas suffisante? pas de neige sur la structure qui a donc dû subir le froid? le gros redoux l’avait-il pourrie jusqu’au coeur? Plein de questions sur la tenue de ces structures pourtant assez larges au pied. Si quelqu’un a un lien vers des explications exhaustives…
Voilà, si quelqu’un peut et a le temps d’éclairer ma lanterne…

Pierre-Alain

Si je me souviens bien, de récentes études ont montré qu’un froid brutal fragilisait la glace en la contractant trop brutalement. Faudrait retrouver l’article.

Une partie des résultats sur le site de la fondation Petzl :

[quote]La glace se dilate lorsqu’on la réchauffe, et se contracte lorsqu’on la refroidie. Une colonne free-standing, sous l’effet d’un refroidissement important, aura alors tendance à se raccourcir, ce qui est impossible du fait des points d’attache en haut et en bas. La mise en tension verticale de toute la structure qui en résulte peut suffire à déclencher la rupture brutale et l’effondrement de la cascade, particulièrement lors de chute de température instantanée !

Ce scénario de « mort subite » a été observé sur Shiva Lingam en 2008 : après un refroidissement d’une quinzaine de degrés dans la nuit, le lendemain matin le free-standing n’existait plus !

Paradoxalement, les stalactites seront à priori moins sensibles à ces effets de contraction thermique, car elles ne sont ancrées à leur base : elles pourront se déformer plus librement sous l’effet d’un refroidissement et donc limiter la mise en tension. Toutefois, des fissures pourraient apparaître, en particulier lors de la frappe d’un grimpeur avec ses piolets.[/quote]
http://www.fondation-petzl.org/cristal-de-glace-itineraire-scientifique-au-coeur-des-cascades-de-glace-1
Bon, après, je sais pas si les cloches sont du free standing, mais ça peut expliquer un peu le phénomène.

Edit : encore un morceau :

[quote]Si les froids intenses sont favorables à la formation des cascades de glace, ils ne sont pas forcément favorables à la grimpe. Des refroidissements brutaux engendrent des efforts de tension dans les structures (contraction thermique de la glace) qui peuvent déclencher leur effondrement, en particulier les free-standing. De plus, une glace froide sera fragile, c’est à dire favorable à la propagation des fractures, avec la possibilité d’un effondrement déclenché par le grimpeur lui-même.
Les structures de type stalactite ou cigare sont à priori un peu moins sensibles à ce type de conditions.[/quote]

Très instructif ce lien petzl !
Bon après dans la situation vécue par pierre-Alain on ne peut pas spécialement parler de froid intense.
Par contre j’opterai quand même pour la thèse de la dilatation contraction qui a fragilisé la structure de la glace avec des températures oscillants entre le 0.
Je crois les conditions en ce moment sont mauvaises que ce soit pour l’escalade sur glace comme pour le ski de rando alors ben il ne nous reste plus que les yeux pour pleurer.

Dit-il en ayant les calanques à proximité :smiley:

Posté en tant qu’invité par Excès de neige:

Les cloches reposent sur une belle dalle shisteuse à 40°.
Avec la neige du début de saison, il n’est pas anormal que le pied du cigare ne soit pas stable.
Un coque de glace a du se former sur de grosses quantités de neige et à la fin, le cigare a joint.
Avec le redoux, le cigare a essayé de s’assoir un peu et la base a du glisser…
J’ai déjà expérimenté il y a 15 ans le même phénomène sur la même cascade ainsi qu’aux Galans, avec les même conditions météo.
C’est pas top en ce moment, soyons patients…

Posté en tant qu’invité par pierre-alain2:

Merci pour les réponses… j’avais déjà été voir le truc de petzl. J’ai choppé également un très bon truc du « secours en montagne » (j’ai plus le lien mais avec « conditions effondrement cascade » vous devriez trouver). J’espérais que le froid aurait redonné de la stabilité à la glace. La veille au parking, je joue avec une stalactite (bien jaune), 1 m de long, 20 cm à la base, elle se casse facilement puis se rompt avec les vibrations en trois morceaux. Les cloches, c’est du free standing, forme en triangle inversé, elles touchaient de 3 m à la base, 6 m au sommet, pas de lignes de ruptures au contact avec le caillou en haut.
J’aurais été plus en forme, avec deux trois trucs un peu plus raides dans la besace, j’y serais allé… le but est juste de comprendre comment faire pour ne pas réitérer ce type de (presque) connerie. Le hasard, la chance, c’est bien mais c’est pas suffisant…

Pierre-Alain

Posté en tant qu’invité par pierre-alain2:

Pas vu le message précédent… ok pour l’explication. C’est vrai qu’il y avait beaucoup de neige au départ (petite longueur au départ des larmes par exemple). J’ai pas été au pied des cloches pour voir vraiment l’attache. Merci pour l’explication donc.
… on va attendre un peu en effet.

avec le redoux et la glace qui a fondu (comme tu dis, glace pourrie), il faut bien plus qu’une journée de froid pour que la glace se reconsolide/solidifie !

Merci pour le témoignage.
N’hésitez pas à saisir une sortie pour rendre compte des conditions de glace, et alerter sur votre mésaventure.

Ce serait sympa, Excès de Neige, de compléter l’itinéraire avec ces infos sur la stabilité de la structure: /routes/54844/fr/le-veneon-vallon-de-la-selle-ou-du-diable-les-cloches-de-l-enfer :wink:

[quote=« Rupicapra rupicapra, id: 1461517, post:3, topic:129114 »][/quote]

Sans compter comme c’est chiant pour ancrer ses piolets quand la glace est trop froide !
Rien ne vaut une bonne glace sorbet dégoulinante.

humm, je préfère une glace dure que sorbet :confused:

Tome 2 de Alpinisme hivernal en Dauphiné S Escandee et J Weiss Chartreuse et Vercors
page 13 un chapitre sur les risques objectifs en cascades de glace.Quelques pistes de lecture du milieu.
En résumé: quelques jours de températures douces sont assez défavorables car peuvent entrainer des décollements du socle rocheux par ruissellement d’eau (chaude) à l’interface roche/glace avec des risques importants de déstabilisation.Des refroidissements brutaux vont former une carapace sous tension,dure , fragile, favorable à la propagation de fissures, notamment à l’occasion des coups de piolets; qui pourront alors déclencher un effondrement brutal de la structure. Plus une glace est froide, plus elle est sous tension et favorable à la propagation de fractures.
Enfin , certaines configurations ne permettent pas à la glace qui se forme de s’accrocher sur le rocher, ellle ne fait que s’empiler sur sa base, qui grossit , et s’alourdi…jusqu’a l’éventuelle surcharge qui fait toout effondrer…(faire en sorte que ce ne soit pas le grimpeur…)
En conclusion , ce qu’ils disent…(Seb Escande et J Weiss les auteurs ) mieux vaut pour grimper sereinement en cascade, éviter les épisodes de variations brutales des températures,que ce soit lors d’épisodes de foehn, ou lors d’arrivée d’un front froid; et profiter des périodes de temps plus stable.
Prenez soins de vous !!!l’hiver n’est pas terminé.

L’excellent livre Glaces, art, expériences et techniques, de Manu Ibarra et Jérôme Blanc-Gras: www.manu-ibarra-alpineguide.com.

J’oubliais: une étude d’Alberto Bianchi pour l’UIAGM, de décembre 2004, intitulée Frozen waterfalls: how they develope, how they collapse.

ça envoie du gros délire ça? :lol: