Au départ c’est un récit taper un peu vite, juste pour avoir des souvenirs de ces vacances (pas d’appareil photo). J’en tire un extrait pour illustrer mes propos tenus dans cette discussion.
Quelque chose cloche, et ce n’est pas la glace de la première longueur. Non, ce qui cloche, c’est qu’il n’y ait personne. Normalement, cette cascade est prise d’assaut par le premier quidam venu. Peut être sont-ils tous en train de préparer le réveillon. Enfin quand même, les Formes du Chaos, on n’a cessé de me répéter que c’était surfait.
Le temps de s’équiper, une cordée débarque au pied. Équipés, eux le sont déjà, prêt à l’attaque. Ils nous grillent donc, en toute cordialité, la priorité. C’est donc pour nous le moment d’attaquer… Le saucisson.
Mathieu est du genre vorace. Dès qu’il peut manger il englouti. Le saucisson ne fera pas le malin devant ce ventre. Eh moi ! Du coup je m’occupe du thé de la même façon. Je regarde nos prédécesseurs batailler dur dans la partie finale de la première longueur tout en délovant les cordes.
Tout est prêt, encordé, assuré je m’élève. La glace est très sculptée. Des marches, rien que des marches, mais raides. Aucun besoin réel de taper. La glace vierge en Oisan, elle n’est pas à Ceillac, mais ça on le savait. Elle porte les stigmates des nombreux assauts journaliers qu’elle subit. Escalade magnifique, plaisante. Des ressauts raides imposent dans les deux premières longueurs de beaux mouvements. Le chaos est adoucit, organisé par le passage de l’homme. Les crabes mangent les choux-fleurs et les méduses. Une glace goût minéral.
Mathieu s’extrait difficilement des petits ressauts raides. Je commence à me figer au relais. L’escalade est un peu technique, un peu raide pour ce débutant initié. Mais il persévère, et ce avec brio. Il viendra à bout des premières difficultés sans aide substantielle de ma part, sans chutes. Mais son succès est chronophage. Il fatigue.
Troisième longueur. Relais dans la grotte. Ambiance ! Nos prédécesseurs se sont fait piéger par la glace fine. Le chaos coule sous une cloche très fine. Je m’élance sur cette cloche. Pour y arriver, le crux en impose. Raide et long comme on aime. Je commence à avoir de bonnes poussées d’adrénaline. Mon faible équipement m’oblige à écarter les points, à engager. Que c’est bon.
Derrière moi, le chaos, pas juste ses formes, mais le vrai. Je suis au relais. Mathieu progresse lentement. Le chaos le rattrape. Il ravage ce pauvre crux fin par de violent coup de piolets inutiles, jette maladroitement des blocs sur mon compagnon.
L’assaut est lancé. Le chaos affronte le chaos. De là naît le monde, l’homme, la surpopulation, le capitalisme et la crise par des raccourcis un peu glacé.
Quatre cordées dans le crux. Deux au dessus. Une en dessous. Mathieu se bloque. Accroché à ses piolets, figé par la vision de ce monstre qui progresse en laissant ces traces derrière lui. Nous laissons filer le big bang bruyant et peu avenant.
La cloche n’a pas cédée. Elle est mutilée, trouée, mais elle tient encore debout. Le plaisir, lui, n’est plus là, emporté par cette déferlante. On grimpera sans grande motivation deux longueurs de plus. Mathieu est fatigué, anéanti. Trop difficile pour lui. J’aurai du m’en douter, mais j’étais tellement attiré.
La forêt est là. Mais le chemin de descente introuvable. Le chaos fait place à la pénombre. Nous devons redescendre. Mathieu ne veux plus monter même les deux ou trois dernières longueurs. Chercher vainement le chemin de descente. Rien. Plutôt que de se perdre dans la forêt on décide la descente en rappel. Idée stupide, erreur de jeunesse, ça, ça va rigoler au bistrot.
Dans les deux cas ce sera difficile. Pas de frontale non plus, laissée dans le sac au pied de la cascade. Quel con, quand je vous ai dit qu’on aller rire ! La nuit nous englouti. Mathieu n’est plus vraiment opérationnel. Il ne gère plus rien, complètement déconnecté. Moi de mon côté je dois assurer ma descente, la sienne, l’équipement des rappels et le rappel des cordes.
La nuit toutes les cordes sont noires. Mathieu est un peu somnambule. Intérieurement je craque, surtout quand au deuxième rappel la corde reste bloquée, gelée dans le maillon. Là j’ai besoin d’aide. A deux, on arrive, par un va et vient, a décoller la glace de la corde.
Mathieu assure, il est bel et bien présent contrairement à ce que je pensais. Ça me rassure. La corde tombe enfin à nos pieds, une vraie femme (oui j’en rajoute, et alors, c’est moi qu’écrit).
La descente peut enfin continuer. La nuit la glace est lisse. Mais les formes du chaos sont ce qu’elles sont, chaotiques. Mathieu sans ses lunettes, qui pis est, est maltraité par la cascade. Et elle prend son pied on dirait.
Vivant, au pied ! Le stress retombe. Mathieu est soulagé mais n’apparaît pas plus bouleversé que cela, presque serein. Étrange ? Non c’est Mathieu.
Moi j’ai faim. 31 décembre. Journée Chaotique. Frédéric est prévenu de notre retard. On arrive au chalet. Ils sont tous à l’apéro, bien sapé.
S’il y a une chose de sapé chez moi c’est bien mon moral. Un but pour finir l’année.
Un but dans les Formes du Chaos.
Mais bon le réveillon n’aurait pas été mieux accroché à un relais. Peut-être l’an prochain. La fête peut commencer toute faite de belgitude queyrassine. Un régal !