Premières

Posté en tant qu’invité par yann:

Bien toutes les mêmes… ; )

Yann

Posté en tant qu’invité par l’Urbain:

Bon, j’en rajoute pas beaucoup, mais c’est l’occasion de vous laisser avec un suspense à couper le souffle.
Rien qu’à l’idée que vous n’en dormiez pas de la nuit, je gémis de bonheur.


Redescendre ?
Jamais !
Un Urbain ne renonce pas. Il s’obstine. C’est même à ça qu’on le reconnait (et ce qui provoque, inexorablement, l’extinction de toute la lignée).
Contraint et forcé, je me vois dans l’obligation de réfléchir.
C’est un peu douloureux, la machine est grippée, mais c’est efficace puisque j’en arrive finalement à la conclusion que je suis en bout de corde.
Bigre.
Après un long moment de reflexion supplémentaire, je réalise qu’il faut absolument que j’arrête de tirer sur la corde, pour laisser mon camarade déséquiper le relais.
On progresse.
Après une longue attente, en effet, je sens enfin que la corde est libre.
Y’a pas à dire, quand même, je suis un génie, un devin, enfin, un truc trop fort.

Profitant de ma liberté retrouvée, je parviens enfin jusqu’au lieu de mes désirs : une terrasse, une fissure, plus qu’à installer le relais.
La tâche n’est pas aisée (prononcer « pas zézée », belle consonnance en z, évocatrice de terrain glissant, je suis poête à mes heures - prononcer « mézeurs »).
En effet, la fissures sus-mentionnée est bien mince. Seuls les coinceurs microscopiques parviennent à s’y introduire. Comme si cela ne sufisait pas, ce bougre de Johann, ignorant tout de ma situation, continue de progresser. J’essaie de mettre un coinceur, j’avale, je ré-essaie, j’avale, j’essaie de mettre un nouveau coinceur, j’avale, je remet le premier coinceur qui s’est fait la malle, j’avale, etc… Au final, le résultat n’est pas terrible : je suis obligé de garder le fragile édifice sous tension, sinon, tout se casse la gueule. Bon, tu me diras, dans le temps, ils s’assuraient à l’épaule. Pas si mal que ça, finalement, mon premier relais. Je m’accroche tout de même fermement à la corde, on ne sait jamais.
Johann arrive en bordure de couloir. S’aperçoit brusquement qu’il n’y a rien pour le retenir en cas de chute. S’arrête. Je l’encourage du mieux que je peux (« Poltron ! Mauviette ! Qu’est-ce que t’attends ? »).
En rampant, il parvient finalement sans casse au bout de ce passage problématique. Sans casse ? Oui, enfin, sans tomber. Mais son moral est en miettes. Ses genoux tremblent. Son coeur, en pleine tachycardie, joue une version syncopée de « Sympathie for the devil » - le long passage de percussions du début.
Pour lui éviter un infarctus, je lui cache du mieux que je peux le simulacre de relais.
« Clong », font les coinceurs, en tombant par terre.

S’en suit une disussion animée, colorée, pleine de mots chatoyants, évocateurs des meilleurs moments de la première guerre mondiale : avancée rapide de l’armée allemande, déroute française, bataille de la Marne, guerre de position émaillée d’offensives couteuses en vies humaines, Verdun, la Somme… Le Lusitania est ignominieusement torpillé, les mutineries sont matées dans le sang.

Un traité de paix est finalement signé, mais il ne satisfait personne. En effet, celui-ci stipule que nous saisiront la première occasion pour fuir ces lieux maudits.
Je grogne car tout espoir de sommet est ainsi abandonné. Johann gémit car il va nous falloir monter encore.

C’est donc dans une ambiance définitivement plombée que je reprends la route. La route, oui, car dans ce couloir, les possibilités de progressions sont limitées : c’est tout droit.
Après une escalade où la laideur et l’inintérêt se disputent le titre, je débouche à proximité d’une crête dentelée. En contrebas, à main gauche, des vires de blocs enchevetrés semblent mener au col de la buche. J’installe un relais, un vrai, avec des sangles qui tiennent, puis mon compagnon me rejoint - prudemment, à mon grand déplaisir (« mais puisque je te dis que c’est un bon relais ! » « Mon oeil ! »).

Poser un rappel. Sans coincer la corde, ni abandonner le moindre ersatz de matériel. Facile : il suffit de passer la corde derrière un becquet.
Oui, mais attention : le becquet est-il vraiment solide ? Basculera-t’il à la première secousse ?
Je commence la descente doucement, tout doucement… Je descends sur des oeufs.
Quelques mêtres plus bas, je lève la tête et questionne mon compagnon.
« Ça bouge ? »
« Nnnnon… pas trop… »
Enhardis, je me risque à faire un petit saut.
Clac !
Un cailloux, dérangé par le mouvement de la corde, se précipite à ma rencontre. Non, pitié, pas la tête… Je tente un bond de cabris - technique personnelle qui m’a beaucoup servis dans les cours de récréation.
Le cailloux, surpris, n’a pas le temps d’infléchir sa trajectoire. Furieux, il se jete alors sur un membre qui traine mollement (calmez vous les filles).
Le sang gicle.

[%sig%]

Posté en tant qu’invité par AlbanK:

Wharrrggggggggg !!!

Ça devient enfin gore !!!

( au fait, t’ as gagné, on s’ est pas compris, j’ appelle demain, ok ? )

Posté en tant qu’invité par l’Urbain:

Je souffre atrocement.

Posté en tant qu’invité par l’Urbain:

Non, les gars, laissez moi crever…
Rhââââ…
On ne s’en sortira jamais si vous essayez de me ramener…

Posté en tant qu’invité par yann:

STP l’URBAIN, je peux ajouter une petite musique triste dans ma tête genre adogio d’Albino?

Hein?

D’avance Merci

Yann

Posté en tant qu’invité par l’Urbain:

Après que vous m’ayez laissé baigner dans mon sang toute la nuit ?
Non !
Et, pour la peine, je vous met plutôt la musique de « Psychose ». La scène de la douche.
Déjà bien beau que je ne vous colle pas un procès pour non-assistance à personne psychologiquement en danger.

Posté en tant qu’invité par Marcel Demont:

L’Urbain c’est un fameux
On en reveux
Et pas qu’un peu
Scrogneugneu

[%sig%]

Posté en tant qu’invité par lisa:

Quel fou rire ( j’en ai presque honte ). Allez, la suite…

Posté en tant qu’invité par yann:

zing! zing! zing! zing! zing! zing! zing! zing! !!! toi aussi aprrend à copier/coller avec Yann…

C’est simple il suffit de selectionner à l’aide de la souris le texte à copier, appuyer sur ctrl + Cet ensuite appuyer sur ctrl + V… voila tu sais copier/coller…

Yann

PS: qu’est ce qui faut pas faire pour augmenter le nombre de post sur un sujet et flatter l’ego du créateur

Posté en tant qu’invité par yann:

« C’est un miracle,
jamais patraque
sur son pinacle,
calice, tabernacle »

Au suivant…

Yann

Posté en tant qu’invité par Marcel Demont:

L’Urbain a écrit:

Un caillou, dérangé par le mouvement de la corde, se précipite à ma rencontre. Non, pitié, pas la tête… Je tente un bond de cabri - technique personnelle qui m’a beaucoup servi dans les cours de récréation.
Le caillou, surpris, n’a pas le temps d’infléchir sa trajectoire. Furieux, il se jette alors sur un membre qui traîne mollement (calmez vous les filles).
Le sang gicle.

Scène atroce, toutefois:

On applaudit des deux mains
L’Urbain écrivain
Encore
On adore
C’est fin, c’est joli
Bien observé, bien écrit
D’abord on sourit
Puis franchement aux éclats on rit
Mais… l’Urbain, dis-nous tout
Ce foutu caillou
T’a t’il ratiboisé le zizi ?
T’a t’il amputé di kiki ?
Et si oui
Sapristi
Sous quelle identité
Passeras-tu à la postérité ?

[%sig%]

Posté en tant qu’invité par yann:

il est fort ce Demont
de la strophe un Démon
ses vers glissent comme un savon
s’envolent vers le ciel comme l’avion
il lance le jeu des terminaisons
on pourra en écrire des chansons,
mais tout de meme je prefère ma version
des rhymes je serais maquignon
je les vendrais aux plus mignons
a celui qui implorera mon pardon
pour avoir osé me botter le fion
et me pousser à declamer jusqu’a la déraison
Non ,non, Marcel retiens des frissons
mes phrases ne sont pas des boulets de canons
juste un vif hommage à ta diction
une ode à tes disertations,
par ces mots , je ne cache pas mon admiration…

Yann

Posté en tant qu’invité par Marcel Demont:

J’implore ton pardon
Mon bon
Et te fais part de mon admiration
Continuons
Déclamons, déclamons
Point ne nous lassons

(Qui est le petit cornichon
qui a ajouté: poil au menton?)

[%sig%]

Posté en tant qu’invité par l’Urbain:

Marcel Demont a écrit:

Sous quelle identité
Passeras-tu à la postérité ?

J’hésite encore entre « Franck Ouah of Really Land » et « Mars El’ Démon ».
Déjà pris, me souffle-t’on…

A part ça ?
Bon, empruntons les vers de quelqu’un qui les manie bien mieux que moi :

« Je veux te dire que quand tu m’aimes
je me sens presque exactement
aussi heureux que le soleil
quand il descend dans l’océan
comme un carré qui tournerait
comme une ligne qui casserait
un cosmonaute qui s’envole
une araignée qui se console.
Je veux te dire que je t’aime, voilà.
Je veux te dire que je t’aime - n’importe quoi. »

J. Leloup - Voilà.

A part ça ?
On progresse. Plus qu’une catastrophe ou deux.

Posté en tant qu’invité par AlbanK:

C’est quoi ce message Etienne?

C’ est la suite de ton histoire ??

Ah, au fait, puisqu’ on en parle, c’ est Sylvie qui met du vinaigre partout, même dans le couscous, alors, c’ est jamais perdu avec nous !!!

Yaéhhhhhhhhhhhh !!!

AlbanK vs L’ Urbain : 1 / 0 !!!

( désolé, faut comprendre )

Posté en tant qu’invité par l’Urbain:

J’ai bien bossé aujourd’hui.
Voici donc, a priori, l’avant-dernier saucissonage.
Comme il se doit, je vous laisse en plein suspense intolérable.


Bon, finalement, la blessure n’est que superficielle. La jambe n’est pas arrachée, la rotule ne luit pas au soleil. Par contre, le pantalon est fichu. Va falloir trouver une excuse qui tienne la route pour éviter la raclée à la maison - parce que ma maman, elle s’en fout, des exploits de son dernier rejeton. Tout ce qu’elle voit, c’est qu’elle va encore devoir mettre la main au porte-monnaie. J’en suis pétrifié.
En haut, Johann est tout blanc. Celui là, pour bouffer des bavettes à l’échalotte, c’est pas le dernier à se mettre à table. Mais quand son meilleur pote pisse le sang, ça le fait tourner de l’oeil. Va comprendre.

L’ambiance, déjà pas folichonne, tourne franchement au cauchemar.

***************** Annexe 3 : de l’enchainement de catastrophe *******************

En alpinisme comme dans la vie, quand tout baigne, ben, tout baigne. Les événements se déroulent, naturellement, comme dans un rêve : on reste concentré, on ne pense à rien d’autre qu’à ce qu’on est en train de faire, et au final, on ressent - ou plutôt on ressentirais, si on y prêtait attention - une sorte d’harmonie, de paix intérieure, cuicui font les oiseaux.
Mais, à la première faute, l’harmonie est brisée. L’alpiniste malchanceux se déconcentre, se rend subitement compte de ce qu’il risque, agit dans la précipitation, perd les pédales, et les catastrophes s’enchainent. Croâcroâ font les corbeaux.

C’est, par exemple, ce qui arriva à feu Pierre Béghin. En pleine déroute, pressé par le temps, dans la tourmente, plus vite ! plus vite ! il pose un friend et entreprend de descendre en rappel dessus. Feu JC Lafaille s’en aperçoit, mais, troublé par la tournure des événements, ne dis rien. On connait la suite.

C’est pourquoi, ma grande expérience d’imbécile des cîmes m’autorise à prodiguer quelques conseils aux décérébrés qui voudraient suivre mes traces, les innocents.
A la première erreur, qui ne manquera pas d’arriver tôt ou tard, donnez-vous une chance de survivre : temporisez !
Vous venez de perdre votre sac à dos / votre compagnon dans la rimaye ? Ne vous jetez pas bêtement à sa poursuite en hurlant. Au contraire, asseyez vous en lotus, et entamez un chant tantrique :
« Oooooom… Tout va bien… Oooooooom… Je suis détendu… Oooooom… Je visualise une grande lumière bleue (pas rouge, non, surtout pas rouge)… Oooom… De toute façon, je m’en fout, en cas de pépin, je me réincarne illico… Oooooom… »
Voilà la clé du succès. Ou, à défaut, de la survie.
Ne me remerciez pas.

*************** Fin de l’annexe **********************

Nous voilà dans de beaux draps. Vous savez : les beaux draps blancs dont on se sert pour emballer les cadavres.
Moi, claudiquant, au sommet d’un raide névé surplombant un fatras de blocs de granit. Johann, blanc comme un cheval albinos recouvert de chaux, juché sur la crête.
Toute velleité de solidarité montagnarde disparait de mon cerveau embrumé.
Se sortir de là, au plus vite.

Procédons par ordre : il me faut déjà vérifier que ce système de vires conduit bien au couloir de descente.
J’informe donc mon camarade que, pour le rappel, qu’il se démerde, moi, je m’en vais en reconnaissance.
Sans écouter ses jérémiades, me voilà partis.
Les névés, les pierriers, ça me connait. Même avec une patte folle, je ne m’en sort pas trop mal.
Avant que Johann n’en aie finis de son rappel, je suis en bordure du couloir. Ouf ! Ça passe. Je peux me soucier à nouveau de l’état de santé de mon second.

A mon retour, l’infortuné est en haut du névé, et s’emploie à rappeller la corde, qui, docile, accepte sans trop protester de le rejoindre.
Johann, le « terrain montagne » (comprendre : les piles d’assiettes en équilibre instable), c’est pas son truc. Il traîne. Histoire de le motiver, je l’engueule un bon coup, de loin :

« Tu te magnes ou quoi ? Je vais pas rester des heures à me vider de mon sang ! Oublies la corde, on la pliera plus tard, et rappliques fissa ! »

Funeste idée… Déjà contrarié, Johann se met à franchement paniquer. Il s’imagine, devant me confectionner un garot, puis m’administrant l’extrême onction.
Ramassant la corde en vrac, je le vois se précipiter dans la pente neigeuse…

Je n’oublierais jamais la trouille qui m’envahit alors, remontant le long de ma colonne vertébrale pour exploser en plein milieu de la zone anatomique qu’on appelle cerveau - chez ceux qui en sont pourvus, bien sûr. Johann va vite, beaucoup trop vite. Dérapage totalement incontrôlé. Il gesticule, se débat, mais rien à faire : il accélère encore. Des bout de cordes trainent du côté des ses jambes imberbes de coureur cycliste. Les blocs, tels des squales, se préparent à le receuillir. Il va s’emmeler les pinceaux dans la corde et plonger tête la première, c’est sûr.

Posté en tant qu’invité par lisa:

et après m’sieu, et après … vite la suite… comme vous l’avez si bien dit, ce suspense est intolérable.

Posté en tant qu’invité par AlbanK:

Moi, j’ connais la suite !!
Gnark gnark et re- gnarkkkkkkkkkkk…

Posté en tant qu’invité par l’Urbain:

Ouaip, j’ai vraiment bien bossé.
Voici donc le dernier épisode de cette saga (39 Kilos d’âneries, c’est presque mon propre poids). Après ça, je crois que j’ai droit à une bonne sieste.
Je me dois de préciser, avant de passer pour un intellectuel - que cette engeance maudite soit définitivement rayée de la surface du globe - que j’ai pas mal googeulisé pour compléter ma maigre culture.


Il se trouve que, ce jour là, Dieu était de bonne humeur - Il venait tout juste de gagner une interminable partie de poker contre ce prétentieux de St Pierre, en trichant, certes, mais bon, la fin justifie les moyens, au diable l’éthique. Il intervint donc, dans Sa grande mansuétude. Johann fut prestement saisis au collet, puis doucement déposé sur les caillasses hostiles.
En repartant, toutefois, Il nous prévint : maintenant, démerdez-vous. De toute façon, St Paul M’attends pour une partie de BackGammon (oui, Dieu adore les jeux de hasard. C’est d’ailleurs, d’après Nietszcsszcshe, ce qui causa Sa perte).

Nous étions donc provisoirement tirés d’affaire. Mais nos nerfs, sollicités avec trop de constance, commencèrent à nous jouer des tours.

En prenant pied dans le couloir, Johann constate qu’il ressemble étrangement au névé sur lequel il a manqué de vivre ses derniers instants : neige et éboulis.
Je comprends, en un éclair de lucidité, que Johann n’est pas fait pour l’alpinisme. De grands espoirs s’envolent à tire d’aile.

Faute d’en faire un indéfectible compagnon de galère, je décide tout de même de le ramener plus vif que mort au bivouac - preuve d’une certaine grandeur d’âme.
Patiemment, je lui explique les rudiments d’une descente rapide et sûre en pareil terrain.

Faire face à la pente - alors que tout incite à la fuite.
Se pencher légèrement vers l’avant - quand le réflexe serait plutôt de reculer, horrifié par le spectacle.
Avancer résolument une jambe, puis se laisser tomber de tout son poids, en plantant fermement le talon.

Après la théorie, petite démonstration. Je m’élance, contrôle impeccablement mes dérapages successifs - j’ai quand même deux-trois qualités, ouaip - et termine ma descente par un superbe double-axel.

Me retournant, je constate une fois de plus que mon dévouement à une juste cause n’a pas eu l’effet escompté.
Au contraire, effrayé par ma vitesse, Johann semble paralysé. Après quelques insultes d’encouragement, il se décide tout de même à tenter le grand saut, mais fait tout ce qu’il ne faut pas faire : des petits pas indécis et mous, bien penché en arrière. Evidemment, il décroche, glisse, me double à vive allure, et termine sa course effrénée dans les éboulis.

Après sa deuxième chute en moins d’une heure, Johann décide de ne plus m’écouter. M’abandonnant à mes glissades, il tourne le dos à la pente, et entreprend de descendre en cramponnage frontal sans crampons. Cette technique, quoique propre à lui éviter les désagréments du bobsleigh, est fort laborieuse. Parvenu au pied du couloir, je l’attends en repensant aux événement de la journée.
Quel contraste ! Ce matin, nous étions de jeunes combattants pleins d’idéaux, nous avions soif de combats homériques, nous rêvions de conquêtes et de gloire. Et surtout, nous étions propres.
Et nous revoilà, revenus au point de départ, crasseux, puants la sueur et la défaite, vaincus, défaits, humiliés.

Chaton arrive enfin, et nous retournons, au pied de notre « première », chercher les quelques affaires abandonnées là, par un matin lumineux, il y a des siècles, il y a une éternité.

Jamais deux sans trois : Johann se casse à nouveau la gueule, à sa manière désormais classique : glissade sur la neige, reception dans les rochers.
Au BackGammon, dieu, qui nous a totalement oublié, prend sa raclée (non, pas de majuscule cette fois-ci : avec moi c’est donnant-donnant).

Sur le chemin du retour, nous sommes épuisés.

***************** Annexe 4 : de l’épuisement *******************

L’alpinisme, tout le monde s’accorde sur ce point, est une activité épuisante.
Certes, mais quelles en sont les raisons ? Voilà qui est matière à débat.

Les plus courageux vous répondront : le poids du sac, les 15h43mn de marche, la neige trop molle, le granit trop dur, la montée qui use les cuisses, la descente qui éreinte les genoux… bref : selon eux, c’est le côté physique qui fatigue. Voilà ce qu’ils vous répondront, avant de disparaître dans quelque crevasse mal placée.

Vous l’aurez compris, ne faisant pas partie de cette illustre caste, ma réponse est toute autre.
Pour un poltron moyen, l’épuisement, en montagne, est directement proportionnel aux émotions ressenties.
Ainsi, telle randonnée de 2572, 18 m de dénivelé sera qualifiée d’agréable promenade familiale, alors qu’un malheureux passage haut comme trois pommes, pourvu qu’il soit un peu exposé, donnera à l’excursion des allures d’expedition himalayenne.
Dans la même veine, le brouillard peut tout à fait transformer l’aimable ballade du pleutre en véritable calvaire.

A quoi reconnait-on l’épuisement ?

L’épuisement arrive lorqu’on a épuisé - d’où son nom - tous les types de fatigue connus.

Je vous demande un peu d’attention, car je vais maintenant aborder un sujet scientifique d’une haute intelligence. Si vous ne comprenez pas, demandez à nico de vous expliquer.

Lorsque, après avoir enfilé ses godasses en plomb, chargé sur son dos noueux le sac plein d’objets aussi curieux qu’inutiles, et vérifié que les clés de la bagnole sont bien cachées derrière la roue arrière droite, l’alpiniste entame sa longue procession, il a besoin de respirer (contrairement à un banal téléspectateur, capable de rester en apnée jusqu’à ce que Zinédine Zidane tire le penalty).
Il utilise, pour ce faire, une respiration somme toute commune, appellée « premier souffle ».
Le premier souffle ne dure pas bien longtemps : de 10 minutes à une demi-heure, selon la motivation du jour.
Lorsque le premier souffle arrive à son terme, l’alpiniste commence à ressentir un certain désarrois. Il lève la tête, constate que le sommet convoité s’est éloigné, et commence à se demander s’il y parviendra un jour. C’est la fatigue commune (terme latin : « vulgaris lassitudo »).
L’alpiniste se met alors à souffler comme un phoque : c’est le deuxième souffle, aussi nommé « endurance ».
Le deuxième souffle est d’une efficacité redoutable. C’est lui qui permet à l’alpiniste de se hisser jusque dans des endroits lugubres et repoussants, où même les végétaux les plus opiniatres se refusent d’aller. C’est d’ailleurs à cela qu’on reconnait la supériorité de l’homme sur le végétal - supériorité qui, sans cela, ne sauterait pas aux yeux.
Dans ces lieux honnis, l’alpiniste éprouve toute une variété de sentiments, allant de l’effroi à la révulsion. La respiration se dérègle alors progressivement : c’est l’exténuation (du latin « ex » : en dehors, et « tenuare » : chaussures).
Arrivé à ce stade, l’alpiniste croit mourir. Puis son esprit s’embrume, ses pensées s’étiolent, et, d’acteur, il devient spectateur de sa propre déchéance, ne ressentant alors plus ni douleur ni peur : c’est le troisième souffle, ou « dernier souffle ».

Soyons clair : le terme d’épuisement ne peut être employé que lorsqu’on en est arrivé là. Tout le reste n’est que fatigue de bas étage.

*************** Fin de l’annexe *******************

Nous nous regardons marcher, nous nous écoutons penser. Toute souffrance n’est plus qu’une simple information. Nous sommes dans un état de détachement suprême.
Encore aujourd’hui, je me demande bien pour quelle raison le jeune Siddhartha s’est emm…bêté à ne rien faire pendant des années, alors qu’il lui suffisait d’aller faire le con uen journée, du côté des Petits Charmoz.

Ce n’est qu’une fois bien installés, douilletement allongés sur l’herbe grasse du plan de l’aiguille, que nos âmes se décident à réintégrer nos corps. Pressés par nos camarades, nous consentons à raconter sobrement cette infernale journée.
Alors reviennent les douleurs, les souffrances, les tourments : la vie.

Mourir ?
Non, elle avait bien raison, la malheureuse Arria : ça ne fait pas mal.