Pourquoi la montagne?

Posté en tant qu’invité par visse:

La montagne c’est la sérénité ,peut-etre parce que l’homme s’est presque totalement déconnecté de son milieu originel : la nature dans ce qu’elle a de plus simple et spontané.Du coup un manque se crée.
Par contre si, comme moi, tu n’as pas trop le gout à engager la viande choisis des types de courses pas trop expos mais belles par leur coté sauvage (ex : vallon d’Ambin ou Rocheure en Maurienne,secteur Rochail, Arvan ou meme l’ Oisans dans son ensemble)

Posté en tant qu’invité par Matthieu:

Quand j’ai lu le premier message de ce sujet, je m’attendais à trouver des réponses un peu tranchées, venant d’une communauté d’alpinistes tout feu tout flamme. Je suis très agréablement surpris par l’équilibre dans les partis pris des réponses.

Je crois que chacun doit trouver la réponse à ces questions et, pour moi, fasciné par la montagne depuis l’âge de 5 ans (pour des raisons qui m’échappent sans doute encore en partie), c’est une des plus belles quêtes qu’il m’ait été donné de faire, une des plus dérangeantes aussi. Je suis loin d’avoir trouvé toutes mes réponses mais j’avance… Le sourire de mes 3 enfants, la gentillesse de ma princesse, la lecture, l’écriture, la montagne elle-même et les circonstances de la vie m’aident bien. La mort des presque tous mes héros d’enfance - même les moins médiatisés (Eric Escoffier, Jean-Marc Boivin, Benoît Chamoux, Bruno Cormier, Bruno Gouvy, Wolfgang Güllich, Patrick Bérhault, Godefroy Perroux, Benoît Grison, Chantal Mauduit, Jérôme Thinières, etc.) – me ramène à mes questions. Assis dans la chapelle ardente de l’ENSA devant une photo de Patrick Bérhault et son cercueil, je ne pouvais m’empêcher d’être profondément chagriné en pensant à tout ce qui m’apparaissait comme inachevé dans cette vie brutalement interrompue. Ce n’est bien sûr pas à moi de juger du caractère inachevé d’une vie mais je donne mon sentiment. Et bien sûr, alpinistiquement parlant, la vie de Patrick Bérhault est infiniment plus achevée que la mienne : je ne le contesterai pas.

Quelques ouvrages m’ont touché et apporté une lumière bien utile (présentés dans l’ordre de leur pouvoir « éclairant » pour moi) :

  • Mountains of the mind, Robert McFarlane (il me semble qu’une traduction française est parue récemment sous le titre un peu à contresens, je trouve, « L’esprit de la montagne ») : magnifique ouvrage, érudit mais simple
  • La dernière course, Joe Simpson
  • Solos, Christophe Moulin
  • Tragédie à l’Everest, Jon Krakauer
  • La passion du risque, David Le Breton
  • Les conquérants de l’inutile, Lionel Terray

Pour apporter ma pierre à l’édifice, j’ajouterai quelques citations que j’ai trouvées enrichissantes (de mémoire donc très approximatives) :

  • « Ce n’est pas la place normale d’un homme dix mètres au-dessus d’un piton foireux dans une face nord » Christophe Dumarest

  • « L’alpiniste n’est pas celui qui réalise des ascensions extrêmes, nécessairement réalisées dans une période très courte de sa vie, c’est plutôt celui qui, toute sa vie, vit en harmonie avec la montagne » Anderl Heckmair (in Alpiniste)

  • « Courez la montagne si vous le voulez mais, en commençant une ascension, n’oubliez jamais quelle pourrait en être la fin », Edward Whymper (phrase de conclusion du livre Escalades dans les Alpes, en référence à la tragédie liée à la conquête du Cervin)

  • « Si jamais aucune pierre, aucun sérac, aucune crevasse ne m’attend sur mon chemin, alors je vieillirai en paix et deviendrai un jour le pâtre qu’enfant, je rêvais de devenir », Lionel Terray (phrase de conclusion du magnifique Les Conquérants de l’inutile", malheureusement, épitaphe pour celui qui mourut en montagne un an après avoir écrit ce livre)

  • « Considérez bien les conditions et, si vous avez le moindre doute, faites quelques kilomètres ou ayez le courage de renoncer », Godefroy Perroux, in Montagne Magazine (article « Cascades de glace, sachez reconnaître les bonnes conditions », écrit un mois avant sa mort dans la cascade du Bourgeat). Godefroy m’avait enseigné beaucoup de ce que je sais de l’alpinisme puisque j’avais été son stagiaire pour plusieurs stages, tant en cascade qu’en montagne.

Il est également intéressant de voir le nombre non négligeable d’alpiniste en vue qui ont fait le choix de l’être beaucoup moins, par une pratique bien différente de la montagne (Dominique Julien, Christophe Profit, Walter Bonatti, Lionel Daudet, etc.)

Il me semble y avoir une différence marquée entre un alpiniste et un montagnard. Il y a sans doute beaucoup de tumulte intérieur dans le cœur de l’alpiniste et beaucoup de paix dans l’âme du montagnard. Une des quêtes de l’alpinisme peut être de repousser ses limites. Cette quête, cette question posée à la mort (semblable à l’ordalie des sociétés primitives) n’a qu’une réponse. Il n’y a qu’une limite à la pratique de l’alpinisme : celle qu’ont récemment trouvé Jean-Christophe Lafaille et Patrick Bérhault.

Dans le même mois de décembre 2005, deux alpinistes extraordinaires se sont chacun lancés dans des aventures qui nous ont tenu en haleine : Lionel Daudet et sa trilogie ; Jean-Christophe Lafaille et son Makalu. Je ne peux manquer de voir le parallèle des chemins et la divergence des fins. L’un vers le cénotaphe immortel et glacé du Makalu ; l’autre vers le relatif anonymat d’une vie nouvelle. Je ne critique ni l’un ni l’autre et ne me permettrais pas de porter un jugement sur les choix. Ils sont par trop personnels. Mais je ne peux me résoudre à ne pas voir une forme d’exercice

La bonne nouvelle de ma quête personnelle, c’est que j’ai compris récemment que je n’avais pas à abandonner la montagne. Le choix est de poursuivre ou non l’alpinisme, en tout cas une certaine forme d’alpinisme. Nous avons tous (ou presque) dans suffisamment de courses en haute montagne pour savoir que c’est une marche de funambule, constamment sur le fil, en permanence au bord du gouffre, à la merci de la pierre, du sérac, ou de la crevasse de Lionel Terray. Personne d’ailleurs ne persisterait dans l’alpinisme si ce n’était pas le cas. Nous ferions pas d’alpinisme si c’était de la pêche ou du bowling ! Nous allons, au moins pour partie, chercher ce risque et « étreindre la mort pour mieux embrasser la vie » ! Si donc l’alpinisme est une drogue comme cela a été dit (et je rejoins en partie cette appréciation) alors on peut guérir de l’alpinisme. Il n’y a en revanche pas à guérir de la montagne : la montagne n’est pas une maladie.

PS : mes propos ne sauraient en aucun cas ternir la mémoire de ceux que je cite. Si tel était le ressenti de certains lecteurs, qu’ils sachent que ma maladresse à m’exprimer doit être nécessairement incriminée puisque les intentions de mon cœur sont aussi pures que la neige fraîche ! Par ailleurs, qu’il soit clair que je parle comme quelqu’un « de l’intérieur », non en donneur de leçons. Je suis loin d’avoir achevé ma quête et je me pose encore plus de questions que je n’ai trouvé de réponses.

Posté en tant qu’invité par Indushi:

visse: en fait justement, je crois justement que j aime bien « engager la viande ». Mais je me demande ou ca peut mener…

pit: le problème c est que justement faire de la montagne ca peut nuire à des gens. D abord a toi-meme parce il y a toujours un risque et puis a tes proches aussi, si un jour tu ne redescend pas.

jerome rochelle: je suis tout a fai d accord qu il vaut mieux une vie courte et bien remplie qu une longue et ennuyeuse. Mais c est encore mieux une longue et bien remplie, non? certains alpinistes y sont arrivés mais on peut dire qu ils sont « chanceux ». Il doit sans doute il y avoir un autre moyen moins dangeureux de se faire plaisir dans la vie, non? Moi j aurai tendance a dire que très peu d’activités peuvent t apporter autant de chose que l alpinisme. Mais j ai lancé ce sujet pour voir si certains avaient d autres solutions… En meme temps ce n est pas le meilleur endroit pour ca puisque a priori tout le monde ici fait de l alpinisme et aime ca.

les autres: vous montrez tous ce que peut apporter de magnifique la montagne. Et je suis déja persuadé de tout ce que vous dites. Mais la question que j ai essayé de poser c est : « n y a t il pas d autres solutions pour atteindre ces objectifs? » Par exemple pour le contact avec la nature tu peux te plonger dans une foret profonde (sans grimper aux arbres ;-)) ou simplement faire de la randonnée dans des coins reculés (a l étranger?).

En tout cas je vous rassure, je me pose ces questions maintenant car je ne peux pas aller tout de suite en montagne mais dès que j y serais ce sera « à fond »! Parce que peut etre aussi, la réponse se trouve là-haut sur les cimes de l engagement, de l effort, du froid, de la souffrance…
(je doute en tout cas qu elle soit écrite dans la neige vierge d un sommet!)

Posté en tant qu’invité par jerome rochelle:

…excuse, mais j’ai jamais dit ni « courte » ni « longue » la vie, mais « plutôt pleine » que « plutôt vide »… si tu assimiles la montagne à une vie courte mets toi au ping pong.

Attention quand même on ne poste pas par hazard sur un forum, et si c’est pour chercher l’écho de ta propre voix ou te faire remarquer, va crier un bon coup à la fenêtre à défaut de le faire en montagne. Certains se sont un peu ouvert pour te faire partager leur ressenti… ça mérite d’y prêter une petite attention il me semble, le bocal n’est pas vide!

« n y a t il pas d autres solutions pour atteindre ces objectifs? »
… parfois se taire, et réfléchir dans son coin sans emmerder les autres

Ton post aura peut-être eu le mérite d’eveiller quelques « trucs » chez les baroudeurs qui trainent sur c2c et qui se sont lachés ici… en ça je peux dire Merci.

jerome

Ps: merci pour tes belles impréssions Matthieu…

Posté en tant qu’invité par Indushi:

Désolé jérome si ma réponse t a semblée inoportune. Loin de moi l idée de critiquer ton point de vue ou de me faire remarquer. Au contraire, j avais envie d écrire ce sujet pour ouvrir mon coeur sur des questions qui me tiraillent. Je remercie tout le monde pour ses réflections qui n apporteront jamais « la » réponse (puisque qu elle n est pas unique) mais plutot des éléments de réponses sur lesquels chacun pourra réfléchir pour peut etre un jour trouver son chemin…
Dans mon dernier post, je met en exergue les contradictions qui mécartèlent et je cherche a faire naitre le débat; pour qu ainsi, au fil de la discussion, on puisse se forger un point de vue.

Pardonne moi aussi d avoir lu courte et longue là ou il n y avait que pleine et vide. Ce lapsus est né dans mon cerveau car le risque majeur de la vie d alpiniste c est justement qu elle soit (trop) courte. Et je redit que non, je n ai pas envie de me mettre au ping pong, que j aime l alpinisme mais que je me demande si c est bien raisonnable… J insiste sur le fait qu une vie d alpiniste me doit pas etre raccourcie mais qu il y a tout de meme un grand risque. J aime beaucoup la phrase: « un bon alpiniste est un vieil alpiniste ». Mais elle montre bien qu etre un vieil alpiniste n est pas offert a tou le monde…

Bien vu matthieu, la différence entre alpiniste et montagnard. Ainsi, j aurai du nommer mon sujet « pourquoi l alpinisme? ». Par contre je ne suis pas convaincu qu etre un montagnard soit beaucoup moins dangeureux qu etre un alpiniste. Car le montagnard s écarte des risques liés a la difficulté (qui sont maitrisables si l on est du niveau de la voie) mais garde les risques objecifs, bien plus sournois et imprévisibles a mon gout.

Posté en tant qu’invité par Hydra:

J’apprécie la sincérité et la pertinence de ta démarche.

Tu es ton seul guide sur le chemin de ta vie. A toi de suivre ou d’écouter les avis des uns ou des autres.

En ce qui concerne les définitions « alpiniste / montagnard », un petit coup de pouce :
http://alpinisme.camptocamp.com/forums/read.php?f=9&i=47339&t=47339

Personnellement, la montagne, je suis tombé dedans tout petit. Je suis plutôt un contemplatif, et ne recherche pas la montagne une recherche d’engagement.

Bien entouré et bien informé, nous pouvons tous accéder aux trésors alpins dans une « relative sécurité », ensuite, à chacun ses limites…

Pourquoi la Montagne ?, tout simplement parce qu’elle m’aide à VIVRE.