Pour ceux qui partent bientôt… et aussi ceux que l’altitude intéresse…

Posté en tant qu’invité par paulo Grobel:

Voici un bout de texte que j’aimerais partager/commenter et triturer, car en regardant de plus près « la stratégie de l’escargot » ou « Parenthèse », la notion de lenteur qui imprègne le commentaire me dérange un peu et le truc des paliers à 300 m ne me semble pas pertinent. D’où cette réflexion sur la notion d’étage hypoxique qui correspond peut être plus à la réalité. Qu’en pensez-vous ? @+ Paulo

La notion d’étages hypoxiques plutôt que de paliers… ?

Que ce passe-t-il en haute altitude ?
1er constat… La réalité de la haute altitude s’applique à tout le monde : la diminution de l’oxygène disponible aux différents étages d’altitude diminue l’ensemble de nos capacités physiques et intellectuelles.
Si, au niveau de la mer je dispose de toutes mes capacités physiques, combien m’en reste-il au sommet du Mont Blanc entre 4000 et 5000 m ?
Au sommet de l’Ama Dablam, entre 6000 et 7000 m ?
Et à l’étage des plus petits sommets de 8000, Shisha ou Manaslu, entre 7500 et 8100 ?
Puis au K2 ou à l’Everest ?
Répondre à ces questions, c’est déjà accepter la notion qu’elle implique.

  1. Il faut adapter la quantité d’effort produit lors du déplacement à chaque étages hypoxiques.
  2. Il faut quantifier et adapter la nature, l’intensité ou la durée de l’effort de progression ou de portage en fonction de l’étage dans lequel il est effectué.
    Mais concrètement ?
    Prenons l’exemple de l’effort de portage.
    Dans les Alpes, je suis capable de porter un sac qui pèse, avec le matériel technique d’alpinisme, souvent entre 15 et 20 kg. A 6000 m, ma capacité de portage se réduit forcement et mon sac fera au maximum 15 kg. Au dessus de 6500 m, mon sac de 12 kg est déjà bien lourd et à partir de 7000 m, 10 kg est un maximum pour moi.
    Pour les camps d’altitude.
    Si, dans les Alpes une montée au refuge de l’Aigle est possible avec plus de 1000 m de dénivellée, à 6000 m pour réduire ma quantité d’effort proportionnellement à la diminution de mes capacités physiques, il faut que je réduise cette distance. Idéalement, plus les camps sont positionnés très haut en altitude plus la distance entre eux devraient logiquement et mathématiquement diminuer de manière proportionnelle.
    Petites question pratique… D’après vous, est-ce le cas pour les camps classiques au Manaslu ou au Makalu ?
    Bien évidemment, la différence d’altitude entre deux camps n’est pas le seul critère à prendre en compte pour quantifier l’effort à fournir pour changer de camp. La nature du terrain et le rythme sont aussi des éléments déterminants.

« La progression douce en Himalaya » est donc simplement « une progression continue » qui prend en compte cette notion d’effort différenciée en fonction des étages hypoxiques. Et cela n’a rien a voir avec la lenteur, ni même avec le fait de prendre son temps… !

Aujourd’hui, cette intuition d’étages hypoxiques et de quantité d’efforts adaptée à chaque étage doit encore être validée par des études scientifiques sérieuses.
Dans un premier temps, il nous faut inventer un moyen de quantifier cet effort en prenant en compte tous les éléments qui le constitue (la dénivelée, la nature du terrain, le poids du sac, le montage de la tente, etc.). On pourrait aussi réfléchir à la notion d’une durée idéale d’effort journalier, relié à chaque étage hypoxique, qui laisserait au corps le temps de récupérer.

salut Paulo quelques réactions à la lecture de ton message;

le concept de progression douce est intéressant. la misse en oeuvre pas toujours facile, trouver un endroit pour poser un camp tous les 300 m peut ne pas être possible dans les passages exposés.
Ok plus on est haut est moins on peut fournir d’effort et en particulier pour le poids transporté. Et donc si on veut rester complètement autonome et ne pas utiliser de porteurs d’altitude là aussi ça se complique.
Pour la quantification de tout ça (différence d’altitude entre les camps, poids…) il me semble que les résultats doivent êtres personnels (chacun a son rythme, ses capacités…) (et encore pour chacun ces paramètres doivent varier d’un jour à l’autre) et en général c’est un groupe, qui n’a aucune raison d’être homogène, qui évolue sur la montagne, et comment utiliser les paramètres individuels pour construire ceux d’un groupe?
Donc l’idée d’une approche trop scientifique du sujet ne me semble pas la plus pertinente, l’observation in-situ du comportement de chacun n’est elle pas plus adaptée pour ajuster en temps réel les paramètres.
Bonne réflexion à toi, en tout cas le sujet semble riche d’avenir.

Pour illustrer les propos de Paulo Grobel, voici un lien vers une émission de Chroniques d’en haut consacrée à son expérience très intéressante, menée lors d’une expédition au Manaslu : http://jt.france3.fr/regions/popup.php?id=m69a_chroniques&video_number=2

Posté en tant qu’invité par retour en arriere:

il est évident que plus on monte, plus l’effort devient pénible, et plus on peut moins porter, moins monter, moins avancer etc.
si cette méthode douce ne se fait pas, c’est qu’elle nécessite de porter des tentes en plus, ce qui sous-entend des porteurs et de la logistique en plus (comme les expés d’antan ?).
après, c’est une question de choix, d’éthique etc
mais j’espère que cela ne deviendra pas la règle (dans les expés commerciales notamment)

Cela dit, quantifier cet effort peut-être intéressant, pour dans l’absolu, comparer 1000m de dénivelé à 2000 avec x m de déniv’ à 7000, etc (et idem pour le poids et l’allure)

Tout à fait d’accord sur ces notions d’effort différenciés, mais plus on est haut, plus les conditions sont difficiles (principalement vent, température, mauvais temps, avalanches).

Rester longtemps en haut nécessite de plus risquer le mauvais temps qui est souvent générateur d’accidents à ces altitudes. Avec un routeur météo on réduit ces risques, mais niveau éthique certains ont à redire (c’est une autre discussion).
Rester longtemps en haut implique aussi un super logistique (de fourmi). Peut’on vraiment tout porter en étant autonome sur la plupart des sommets? (et pas que le shisha pour un 8000)

De mon expérience, dans les Alpes 20kg OK. A 6000m en étant bien acclimaté 12-15kg OK (après je perds beaucoup de capacités). A 7000m, 5-8kg OK.
Par rapport à la logistique engendrée par rapport à la progression lente, et aux aléas météo, je suis plutôt partisan d’aller lentement jusqu’à 6-7000m selon le sommet puis après inch allah: tentative sans sac ou sac de 3-4kg maxi. Je ne me voie pas trop aller lentement en progression lente entre 7 & 8000m, mais je n’ai pas beaucoup d’expérience à ces niveaux.

1000m de déniv entre 6 & 7000 est énorme, c’est souvent 10-12h en aller retour (+2500m ? dans les Alpes par rapport aux temps d’ascension)
1000m entre 6500 & 7500m : +3-4000 dans les Alpes ? (environ 12h de montée)
1000m au dessus de 7500 connait pas mais surement x6-x8 (il faut des semaines/mois pour récupérer)

[edit] Les époux Barrard faisaient de la progression lente je crois, et ils sont encore sur les pentes du K2, personne ne détient la vérité sauf celui qui revient vivant.

Non tu n’as pas besoin de plus de tentes puisque tu les déplace de camp en camp. Juste un peu plus de bouffe et de combustible. Rien à voire avec les « expés d’antan » et les aller et retours qu’elles engendrent.

Bonjour,

j’ai déplacé ce sujet vers un forum plus général et plus adapté, afin d’accroître sa visibilité.
Si l’auteur du sujet souhaite qu’il retourne dans le forum initialement choisi, merci de le faire savoir!

Posté en tant qu’invité par paulo Grobel:

[quote=« retour en arriere, id: 1003042, post:4, topic:97402 »]il est évident que plus on monte, plus l’effort devient pénible
si cette méthode douce ne se fait pas, c’est qu’elle nécessite de porter des tentes en plus, ce qui sous-entend des porteurs et de la logistique en plus (comme les expés d’antan ?).
après, c’est une question de choix, d’éthique etc
)[/quote]
Pour ta 1ère phrase, je pense plutôt :
Que plus on monte plus notre capacité à faire un effort diminue. Car c’est TOI et uniquement Toi qui le rend ou non pénible ! Il est temps de porter un autre regard sur l’altitude. Un regard qui ne soit pas uniquement imprégné de souffrance, de pénibilité ou de mort.
Concrètement en progression douce, il y a moins de tentes transportées, moins de logistique, moins de déchets, une relation « autre » avec les gens qui nous accompagne (parfois), car ils sont du voyage… Bref, j’ai pas du tout expliquer comme il faut.
Pour ta réflexion, « mais j’espère que cela ne deviendra pas la règle (dans les expés commerciales notamment). »
Chacun fait comme il veut et mon propos était simplement de témoigner d’une approche qui ME va bien. C’est aussi les clients qui choisissent, avec de plus en plus de pertinence !
Je ne souhaite surtout pas suggérer que la progression douce puisse être LA règle/la norme. Il y en a tellement des « manières de progresser en Himalaya », et avoir le choix est tellement fort de sens. Quelle richesse !
D’un autre côté, ça me branche de bousculer un dogme existant …
Mais pourquoi cette réflexion abrupte sur les expéditions encadrées ? Pourrais-tu en dire un peu plus ?
Es-tu certain que cette progression continue ne se fait pas ? Et qu’en sera-t-il demain ?
Ce texte sur la notion d’effort différencié voulait aussi apporter une correction dans mon propos. La progression douce n’est pas affaire de paliers de 300 m, mais de respect de ces propres capacités.
Pour conclure, j’aime bien la notion de « retour en avant ! »
@+
Paulo
Et pas de souci pour le déplacement. C’est toi qui sait…

Posté en tant qu’invité par paulo Grobel:

Salut David
« Les époux Barrard faisaient de la progression lente je crois, … »
Il me semble qu’il y a une confusion de terme intéressante.
Une progression douce n’est pas une progression lente. Bien au contraire.
C’est comme dans la vallée, prendre son temps, ce n’est pas aller lentement… ça se passe sur une autre planete.
@+

Posté en tant qu’invité par retour en arriere:

j’ai été un peu brut dans ma réponse :frowning: , je n’avais pas compris que ce type de progression impliqaut de déplacer son camp à chaque fois.
ce que je craignais et ne souhaite pas voir, c’est une équipe d’encadrants (guides/porteurs) qui font tout le boulot, installent xx camps comme avant avec xx tentes, et les ‹ alpinistes › ensuite qui montent tranquillou avec un petit sac à dos
je comprends mieux la démarche maintenant, déplacer sa tente, monter à son rythme, etc
tentant !

Posté en tant qu’invité par petit sherpa:

Ça tourne également en boucle en ce moment sur télégrenoble

Posté en tant qu’invité par paulo Grobel:

Pour répondre un peu a Max69
La réflexion sur le conflit d’intérêt qu’il peut exister entre la notion d’individu ou de groupe en Himalaya est forcement intéressante et complexe. Par exemple, les seules images d’alpinistes encordés étaient (jusqu’à présent) ceux des performeurs, du haut niveau. Pour toutes les autres formes de pratiques ce sont des images soit d’alpiniste seul et non encordé soit sur corde fixe qui étaient montrées. Et, pendant plus de 15 ans, j’ai moi aussi pensé qu’il était préférable de favoriser une autonomie, une individualisation de la progression. Mais toutes ces histoires sordides du « chacun pour soi » en haute altitude me bousculent de plus en plus. Peut-être aurions-nous plus à y gagner à développer des pratiques solidaires, dans les camps, dans la tente, encordé… même si c’est forcement (au début) plus difficile ? Et la progression continue nous invite à cette réflexion ?
Par exemple, dans le catalogue de Petzl, je pense que c’est la 1ère fois qu’on montre des alpinistes encordés sur un 8000 !
Pour ta remarque sur les porteurs d’altitude, j’ai un début de réponse qui me vient du Shisha en 2007. Evoluer sans soutien de porteurs d’altitude modifie juste le temps nécessaire à l’ascension. Il faut faire plus d’aller et retour entre chaque camp. Mais là aussi, il y a un changement de relation radical avec les porteurs d’altitude dans le cas d’une progression douce. Ils deviennent alpiniste au même endroit que nous ! Mais là aussi, il y a du boulot pour mieux comprendre et ajuster au mieux tout ça.
Bon printemps à toutes et tous. Salutations himalayennes… Paulo

toujours aussi intéressant ce sujet de la progression douce.

le problème que j’y vois c’est le côté pénible de monter et démonter sa tente à chaque fois, mais les bénéfices a en tirer sont sûrement plus importants.
quand à l’encordement, c’est vrai que ça parait fou de ne pas s’encorder alors que tout le monde le fait !
mais c’est une contrainte qui impose de monter au même rythme que l’autre, ce n’est pas toujours simple :expressionless:

Posté en tant qu’invité par Pierrez:

Qq réflexions personnelles sur le sujet.
Il faut distinguer deux aspects dans la progression :

  • Des facteurs physiques,
  • Des facteurs physiologiques,
    Pour le premier, c’est très mathématique, il s’agit de l’énergie nécessiter par la progression. C’est le poids de mon corps avec l’équipement sur un certain dénivelé et une certaine longueur en plan. C’est ma silhouette avec le vent.
    Pour le deuxième, il s’agit de l’activité du corps humain. Comment mon corps va réagir à l’altitude, au froid, à la fatigue, à l’acclimatation, à la vitesse, à l’humeur, à la technique employée…

La question est de savoir comment est fait le lien entre les deux c’est à dire combien de calories mon corps va mobiliser pour en attribuer une seule calorie à la progression.

A partir de la, c’est l’influence de chaque paramètre pour chaque individu qui permet de déterminer le bon profil de progression. Se posent alors les problèmes de progression en groupe, de positionnement des CA, du poids du matos…