Posté en tant qu’invité par Francois:
Avertissement de l’auteur :
Ceux qui considèrent que la montagne commence à la rimaye –et j’avoue qu’en ma lointaine et irrémédiablement enfuie jeunesse j’en fis honteusement partie, les choses d’avant la rimaye se diluant alors dans une espèce de brume d’où émergeaient ça et là, et périodiquement, des îlots - havres du naufragé des brumes- appelés « les courses », toute l’affaire consistant, par de savants calculs, à diminuer le trajet entre les îlots ou à augmenter la taille de ceux-ci. Il y a pour cela diverses méthodes dont je vous causerai peut-être un jour- donc ceux qui considèrent que etc…, disais-je, pourront s’abstenir de lire la suite. Je leur conseille, même, afin de leur éviter des retours de sang dans les foies, ce qui est mauvais pour la santé, comme chacun sait.
Il y a aussi ceux qui ne m’aiment pas, ce qui est leur droit le plus strict, et qui souhaitent ma mort, là ils egzagèrent un petit peu, mais enfin, tant qu’ils ne passent pas à l’acte…. Je leur conseille donc également, afin de leur épargner des transports au cerveau car un jour, peut-être auront-ils besoin de cet organe. Voyez que je prends soin de leur santé, malgré que.
Tous les autres peuvent lire, même les femmes et les enfants de moins de dix ans.
Au-delà d’Embrun, dans la direction de Briançon, est un petit patelin du nom de Châteauroux (lequel château n’est roux d’aucune façon mais tire son nom de Castrum Rodulfi, le château de Rodolphe, en 1150. J’ajoute que j’ignore qui était Rodolphe, sans doute le seigneur du lieu…d’autre part, à ceux qui s’ébaubiraient de cette vaste érudition étymologique et toponymique, je préciserai que je n’ai ni inventé, ni deviné koikecesoit, pas plus que tout ceci ne m’a été révélé parmi les éclairs et les tonnerres, lors d’une théophanie à grand fracas. J’ai trouvé ça dans les livres, comme tout un chacun.)
De Chateauroux, donc, on suit la petite route fléchée « les Pinées » ou « gîte des Pinées » parfaitement carrossable, bien qu’étroite, pendant quelque temps jusqu’au gîte en question. On laisse le katkat sur le parking (cependant le katkat n’est pas indispensable, on peut y aller en automobile normale de tout le monde, ou même en vétété, ou même à pied.) Après avoir bien fermé le katkat et rien laissé apparent à cause des bandits des grands chemins qui rançonnent les voyageurs et volent leurs montures, on continue à pied par un chemin qui monte même que c’est drôlement fatiguant vu qu’on a abandonné le katkat sur le parking, pendant au moins cinq minutes, au moins, et alors qu’est-ce qu’on trouve ?
On trouve un bout de tuyau et des machins métalliques, tout ça rouillés, et des trucs en ciment mais pas rouillés. Bon. On trouve aussi un charmant béal, un canal, quoi, d’irrigation (béal : même racine que bief, bédière etc. cf anglais bed, le lit) qui s’enfonce horizontalement dans la forêt profonde, longé par un charmant petit sentier ombreux et rupestre. On trouve aussi une pancarte où il est écrit ceci (texte in extenso, orthographe, syntaxe et ponctuation scrupuleusement respectés) :
« Projet de règlement du canal dit Gramorel
L’an mil huit cent vingt sept et le quatorze juin parvenant a nous sous Préfet de l’arrondissement d’Embrun Hautes Alpes, les propriétaires habitant dans la commune, tous intéressés au canal de Gramorel, situé dans la ditte commune de Chateauroux lesquels nous ont dit que depuis longtemps, par la négligence de leurs prédecesseurs, ou par les éboulements qui sont survenus à ce canal et qui l’ont détruit il avait été abandonné :
Qu’ils sont privés par là d’arroser une étendue de terrain très grande, que leurs récoltes en souffrent considérablement, que même leurs propriétés arrosé ont perdu la moitié de leur valeur depuis qu’elles ont cessé de l’être.
Dans ce moment ou l’agriculture a pris son élan vers la perfection sous le gouvernement paternel de nos rois légitimes (1), et dans nos contrées sous des administrations dont les soins se dirigent journellement sur tous les points, ils ont fait le projet de rétablir le canal de Gramorel
Arrosage des jardins
Article douze : dans les temps de sècheresse, les syndics pourront faire conduire l’eau du canal en partie pendant quelques jours : dans les endroits où les sècheresses pourraient causer le plus de préjudice : mais seulement pour l’arrosage du jardinage ou des légumes, et après avoir satisfait aux besoins les plus urgents, les praiyers remettront l’eau pour arroser au point où ils l’auraient suspendu. »
(1) Il s’agit de Charles X (note de l’auteur)
Surface arrosées : 1200 éminées (ancienne mesure : 1 éminée = 5 ares 12 centiares) soit 64 hectares.
Altitude de départ : 1380 m
Altitude d’arrivée : 1320 m
Longueur : 5500 m
Pente moyenne : 1%
Selon d’autres sources ( Guide des noms de lieux des Hautes-Alpes. André Faure. Ed. Institut d’Etudes Occitanes des Alpes et de Haute-Provence et Parc National des Ecrins.)
1 héminée (avec un hache) = 7 ares environ.
Je suis fier de vous avoir appris là quelque chose qui vous sera sans aucun doute fort utile dans votre vie quotidienne de tous les jours…….
Merci, merci, votre reconnaissance me touche mais n’en faites pas trop.
Gîte des Pinées : 04 92 43 30 46 Poulet aux langoustines le mercredi, paëlla au feu de bois le dimanche midi, à volonté, ainsi que sangria, à volonté également, dans la limite des quantités disponibles (expérimenté personnellement), le soir, tranche de gigot garnie (expérimenté personnellement) ou andouillette lyonnaise. Prix modérés (expérimenté personnellement).
Voilà.
J’ajoute que je m’attends naturellement à des réactions du genre « keski raconte ? c koi c coneri ? »
A notre époque, il est difficile à un esprit englué dans le SMS, le Big Mac et le Quark Ergo sans dragonne, de saisir le charme désuet d’une phrase telle que celle-ci « Dans ce moment ou l’agriculture a pris son élan vers la perfection sous le gouvernement paternel de nos rois légitimes etc… »
Moi, je trouve ça merveilleux !
Sinon, ça me ferait plaisir que vous mettiez des remarques élogieuses, une dizaine, ça ira. Bien sûr, je ne peux pas vous y obliger, malheureusement. Quoique…des remarques acerbes, j’aime bien aussi, ça change et c’est souvent plus amusant. C’est comme l’enfer et le paradis, si vous voulez. Le paradis, c’est joli mais je crois qu’on s’y fait un peu chier légèrement. L’enfer semble plus distrayant.
Allez, à bientôt et que Dieu vous ait en sa sainte Garde.
[%sig%]