Samedi, j’ai déclenché une plaque de neige humide en versant S de l’arête W de la Grande Lance de Domène
Belle erreur de ma part : j’étais déjà en zone « hors risque acceptable », j’en étais conscient, mais je ne pensais qu’à des coulées sous les skis ou des coulées spontanées (que je surveillais), pas à des plaques. En voyant une petite coulée spontanée, j’ai pris la décision de renoncer, et en bougeant un peu, j’ai déclenché la plaque, à moins que ce soit la petite coulée. J’ai pu m’en sortir de justesse grace à la portance suffisante des fats sur la plaque. Mais ce sont aussi les fats qui sont en partie la cause de mon manque de vigilance : je portais toujours bien (enfoncement de 5-10cm), sauf près des rochers (20cm), alors que c’était pourri sur 40-50cm…
En tout cas, j’avais oublié l’existence des plaques de neige humide, c’est bon là je m’en rappellerai !
Attention, ne pas confondre les plaques de neige humide avec les plaques de neige sèche en cours d’humidification.
Ces dernières sont des plaques de neige sèche, qui étaient déclenchable plus ou moins facilement, qui s’humidifient progressivement depuis la surface. Les ancrages sont affaiblis par l’humidification, entrainant un déclenchement spontané, ou facilitant son déclenchement accidentel (ou artificiel). Mais la couche fragile reste sèche, ou est humidifiée une fois (et soit ça déclenche, soit ça stabilise si ça regèle). J’ai remarqué que MF prévois assez bien le risque de ces plaques : risque 2-3 à cause des coulées l’après midi, puis d’un coup risque 4 : l’humidification a suffisamment pourri les ancrages, des gros trucs vont tomber.
Les plaques de neige humide se forment autrement.
Au départ, il n’y a pas forcément de plaque, et souvent il n’y en a pas. Mais il y a une couche de fraiche sur une couche dure ou assez dense. En neige sèche, c’est le plus souvent stabilisé le surlendemain de la chute ou 2 jours plus tard. La neige de ma plaque est tombé le mardi 13 avril, 11 jours auparavant, sur une croute de regel : pas de problème, c’était stabilisé avant l’humidification en profondeur.
Ensuite, le soleil d’avril (ou mai) humidifie fortement la neige. Au début ça n’humidifie pas sur toute l’épaisseur de fraiche, mais au bout de qq jours ou si l’iso est haut, l’humidification atteint la sous couche. La sous couche plus dense stocke plus facilement l’eau que la neige moins dense au-dessus. La couche de neige en contact avec la sous-couche gorgé d’eau fond donc plus rapidement que la neige au-dessus. De plus, l’eau de fonte percolant du dessus passe par cette couche : après l’arrêt de la fonte, c’est la dernière couche à s’essorer, elle fond donc plus.
On a donc une fonte plus rapide de la partie inférieure de la fraiche, et encore plus rapide pour le 1er cm en contact avec la sous couche.
Le résultat est que la neige restante forme des pilotis, aussi fragile que du givre de surface enfoui. Comme la neige au dessus a de la cohésion, on a donc une plaque.
Lorsque c’est regelé en partie, ce n’est pas possible ou difficile de déclencher une telle plaque, mais lorsque c’est à nouveau humidifié, on déclenche ces plaques aussi facilement que des plaques des neige sèche (style poudre sur givre).
Ce qui peut tromper le randonneur, c’est que ce genre de plaque se forme par l’humidification jour après jour : au début il n’y a pas de plaque, puis un jour la couche fragile commence à se former, et plus les jours passent, plus la couche fragile s’étend et se fragilise.
Or au printemps, on a plus l’habitude du contraire : les plaques de neige sèche se stabilisent en 1 jour (en principe…), les pentes humidifiées se stabilisent par avalanche de neige humide (sans plaque), et si on se trouve dans de la neige pourrie, on surveille les coulées que l’on peut déclencher ou qui peuvent partir spontanément (souvent par la chute d’une boulette d’un rocher), mais on ne surveille pas la présence d’une plaque.
Et ben si, il faut quand même surveiller les plaques.
Bon, la plupart du temps, ces plaques deviennent assez fragiles à une heure indécente pour se trouver dans la pente, et on n’a rien à faire là, mais lors d’une nuit avec mauvais regel, cette situation peut être atteinte assez tôt après que le soleil soit revenu sur la pente. Ou alors l’épaisseur de la plaque est faible (< 10cm) et on peut la déclencher pas longtemps après le début de l’humidification du jour. Et puis des fois on se gourre, on pensais pouvoir rentrer par un passage pas raide passant à toute heure, mais il y a quand même un bout de pente à 35° tout pourri, et on y va quand même…