Posté en tant qu’invité par l’Urbain:
Amis alpiniste, c’est le moment d’appeller tes enfants devant l’écran de ton méga Pentium 4, et d’aller fumer sur le balcon. Oui, si tu ne fumes pas, c’est bien. Il te reste bien un peu d’alcool à brûler ? Va pour le Channel n°5.
Bon, les enfants sont là, on peut y aller.
Comment fait-on, quand on est très loin d’être majeur, qu’on rêve de grandes courses, le nez dans les topos et les récits des anciens, mais qu’on ne connait personne pour accepter de nous initier ? (non, ton papa ça compte pas, c’est un ivrogne)
Rassurez-vous les petits n’enfants, grand père l’Urbain va vous raconter tout ça.
Fin 86, la famille achète un chalet, en fond de vallée, 650m d’altitude.
D’un coté, un large versant Nord, raide et austère, qui se termine sur la crête entre Mont Mirantin et Roche Plane. En bas, la forêt est dense, parcourue de rares routes forestières, et de reliquats d’anciens passages sur des sentiers oubliés.
De l’autre, un versant sud plus ouvert, ensoleillé à souhait, bien humanisé (routes, hameaux, alpages, installations EDF-GDF, remontées mécaniques, ordures afférentes de toutes sortes), dominé par le Signal de Bisanne à l’Est, la croix de Coste à l’Ouest.
Eté 87.
Premières reconnaissances sur les restes de sentier qui montent dans le versant Nord. L’engagement tient principalement à la présence de nombreux sangliers. L’été, ils descendent en bandes, et viennent ravager les champs fort près des habitations. Il y a aussi des chevreuils, mais ça, ça fait moins peur, on a tous vu Bambi à la télé (c’était avant qu’elle se prenne des procès pour pédophilie).
Je suis équipé d’une carte et d’un baton. Je suis à l’âge où on aime beaucoup les batons. C’est bien pratique pour éloigner fougères, orties, et fantômes de sangliers.
Le sentier passe, en lacets, un premier ressaut raide de forêt dense, puis, après un croisement, remonte une pente qui se raidit et dans laquelle il disparait. 1h30, F.
Faute d’oser aller plus loin, j’ouvre un itinéraire plus direct dans le premier ressaut. 0h45, PD ( II+ max. et obl.).
Comme il ne fait pas beau tous les jours, j’explore également le grenier et le mazot. Au grenier, un passage (« la grotte », III) permet d’entrer / sortir même si la porte est fermée. Il est également possible de remonter jusque sous le toit (« la façade », III+ expo, gare à la poussière sur les poutres). Le tour du chalet par la vire semble réalisable, mais un premier passage dur m’arrête en face Sud.
Printemps 88
J’ouvre un itinéraire, élégant, long et engagé (plus de 4h sans voir les parents), dans le versant Sud de Bisanne, au départ de la centrale EDF.
Traverser le pont de la centrale (interdit sauf personnel EDF), puis remonter le raide sentier le long d’un gros tuyau jusqu’à une retenue d’eau (interdit sauf personnel EDF). Remonter droit au dessus un petit ressaut (mixte boue-fougères, délicat) et sortir dans un champs. Passer la clôture au mieux, traverser le champs tout droit (vaches, paire de cornes utile), et gagner la route goudronnée, 0h30. La remonter à gauche (autochtones, accent savoyard conseillé), au croisement à droite, jusqu’à un vague éperon. Sortir de la route et remonter alors l’éperon tout droit, alternance de forêts et de champs, nombreux croisements de route et franchissements de clôtures, jusqu’à ce qu’on arrive en vue de la raide pente finale du Signal de Bisanne, 1h. Par des champs, rejoindre la face à l’aplomb du sommet, 1800m, 1h. Remonter la première pente qui donne accès à un etroit couloir. Remonter le couloir tout droit, puis la pente qui suit, et déboucher sur les pistes de ski, à un jet de boule de neige du restaurant au sommet. 0h30, PD- (+40° sur 50m).
Itinéraire beau mais déconseillé, à cause des dangers objectifs (agents EDF, propriétaires de champs, vaches mâles, skieurs).
Eté 88
Face Nord et arête Est de Roche Plane, 1500m, PD-
Après bien des tentatives dans le versant Nord, je retrouve enfin le sentier, loin au dessus du point où il disparait, juste avant qu’il ne passe près d’une ruine. Il disparait à nouveau, on traverse un alpage presque entièrement bouffé par les sapins, et on le retrouve qui se dirige vers le raide flan droit de ce qui commence à ressembler à un éperon. Il monte alors en lacets, jusque sur l’éperon sur lequel une cabane de chasseur est posée. 1h, F. Au dessus, le sentier disparait vite sur l’éperon, lequel se perd à son tour sur une grande pente raide. Remonter l’éperon tout droit dans les fougères, on sort de la forêt. Par une dernière pente raide parcourue de traces de moutons, sortir sur l’arête Nord de Roche Plane, vers 1920m, 1h. Cette arête paraissant impraticable (mais je n’ai pas dit mon dernier mot…), contourner humblement cet obstacle par le côté Est, 1h.
Pour attenuer ce qui ressemble bien à un échec (la réussite, c’eût été de terminer par l’arête Nord, au lieu de redescendre sur les itinéraires de randonnées), j’ouvre une directissime dans le premier ressaut, 200m, PD+ (passage de III+ dans une barre, à faire quand la végétation est en bonnes conditions).
Et, enfin, le tour du chalet tombe.
L’itinéraire, évident, consiste à traverser, les pieds sur ce qui veut bien dépasser du mur de l’étage inférieur, les mains sur les lambris. Les planches constituent d’inégales cannelures, plus ou moins crochetantes, plus ou moins bien fixées. Toute la partie en face Est est exposée à une chute de 3-4m sur le balcon, ainsi qu’à une solide paire de claques.
Eté 89
Stage d’alpinisme.
Fin des petites conneries.
Début des grosses conneries.