Neiges

… Puis vinrent les neiges, les premières neiges de l’absence, sur les grands lés tissés du songe et du réel ; et toute peine remise aux hommes de mémoire, il y eut une fraîcheur de linge à nos tempes. Et ce fut au matin, sous le ciel gris de l’aube, un peu avant la sixième heure, comme en un havre de fortune, un lieu de grâce et de merci où licencier l’essaim des grandes odes du silence.

Et toute la nuit, à notre insu…

Nul n’a surpris, nul n’a connu, au plus haut front de pierre, le premier affleurement de cette heure soyeuse, le premier attouchement de cette chose fragile et très futile, comme un frôlement de cils…
Nul n’a surpris, nul n’a terni

cette buée d’un souffle à sa naissance, comme la première transe d’une lame mise à nu… il neigeait, et voici, nous en dirons merveilles : l’aube muette dans sa plume, comme une grande chouette fabuleuse en proie aux souffles de l’esprit, enflait son corps de dahlia blanc. Et de tous les côtés, il nous était prodige et fête…

Il neige sur les dieux de granit rouge… il neige sur la fièvre et sur l’outil des hommes – neige plus fine qu’au désert la graine de coriandre, neige plus fraîche qu’en avril le premier lait des jeunes bêtes… il neige par là-bas vers l’ouest, sur les rochers et sur les monts et sur les vastes plaines sans histoire…

sur les hautes terres non rompues… que disiez-vous, grimpeur, de vos deux mains congédiées ? et sur le ski du randonneur quelle inquiétante douceur a cette nuit posé la joue ?

Ce n’était pas assez que tant de mers, ce n’était pas assez que tant de terres eussent dispersé la course de nos ans. Sur la rive nouvelle où nous halons, charge croissante, le filet de nos routes, encore fallait-il tout ce plain-chant des neiges pour nous ravir la trace de nos skis… Par les chemins de la plus vaste terre étendrez-vous le sens et la mesure de nos ans, neiges prodigues de l’absence, neiges cruelles au cœur des femmes où s’épuise l’attente ?

………………………………………………

Ceux qui campent chaque jour plus loin du lieu de leur naissance, ceux qui tirent chaque jour leur ski sur d’autres rives, savent mieux chaque jour le cours des choses illisibles ; et remontant les glaces vers leur source, entre les vertes apparences, ils sont gagnés soudain de cet éclat sévère où toute langue perd ses armes.

Ainsi l’homme mi-nu sur l’Océan des neiges, rompant soudain l’immense libration, poursuit un singulier dessein où les mots n’ont plus prise.

… et ce fut au matin, sous le plus pur vocable, un beau pays sans haine ni lésine, un lieu de grâce et de merci pour la montée des sûrs présages de l’esprit ; et comme un grand Ave de grâce sur nos pas, la grande roseraie blanche de toutes neiges à la ronde…… Quelle flore nouvelle, en lieu plus libre, nous absout de la fleur et du fruit ? Quelle navette d’os aux mains des femmes de grand âge, quelle amende d’ivoire aux mains des femmes de jeune âge

nous tissera linge plus frais pour la brûlure des vivants ?

là où les glaces encore sont guéables, là où les neiges encore sont guéables, nous passerons ce soir une âme non guéable… Et au-delà sont les grands lés du songe…

Vides ut alta stet niue candidum
Soracte, nec iam sustineant onus
siluae laborantes, geluque
flumina constiterint acuto?

Dissolue frigus ligna super foco
large reponens atque benignius
deprome quadrimum Sabina,
o Thaliarche, merum diota…

Joliment, artistiquement dit …

Au fait … Y avait pas une histoire d’Opinel sur le feux? :wink:

Qu’est ce que tu écris bien, François! Tu devrais te faire publier. :wink:
Quant à l’Albanus, il nous compose des vers latins de son cru, j’y crois pas, trop fort les deux intellos!!
Dommage, que je ne parle pas latin, je suis seulement capable de traduire le nom de l’auteur : Albanus, sachant que Alb veut dire blanc, après c’est facile, c’est le même mot qu’en français moderne :wink:

Je dirai même : tout de mon cru !!!

;):lol::lol:

Posté en tant qu’invité par ??:

Qui peut croire que l’on s’habitue à la noirceur des Songes ?
A la stridence ordinaire des espaces mornes où la raison s’égare ?

Qu’il neige enfin !

Que les mouches ganiques que seul sait voir le magicien rendent leur innocence perdue aux anciens jours.
Ivresse paisible et nue
Larmes douces sur le visage aimé.
Vaste plaine où poser d’en haut le regard.

Mais quoi ?
Leurs chansons d’enchantement ne sont que hideux hurlements sifflés dans les hauts, maléfiques sortilèges où meurt tout mensonge !
Il n’y a pas de passage.
Il n’y a pas de passage.

Cessez ce charivari, voulez-vous ?

joli texte
dommage que cette neige ne soit si loin !