Posté en tant qu’invité par Alain:
Moi, pour le jour 2, après le Mont Perdu, je redescendrais à Tuquerouye. S’il n’y a pas de place dans le refuge, on peut bivouaquer à côté du lac glacé, où de nombreux emplacements sont prévus. Le jour 2 tel que tu le prévois me paraît très costaud.
A titre informatif, voici ci joint le récit d’une boucle de trois jours réalisée mi-juillet 2006 Bujaruelo, Boucharo, Brèche de Roland, Mont-Perdu, Tuquerouye, fond du cirque de Gavarnie par le sentier balcon, échelle des Sarradets et retour à Bujaruelo. J’espère que ça t’inspirera!
Nous poursuivons le vendredi 13 juillet à trois, Nadine, Jean-Michel et moi pour un circuit entre l’Espagne et la France : Bujaruelo, col de Boucharo, Sarradets, brèche de Roland, traversée jusqu’au monte Perdido, brèche de Tuquerouye, cirque de Gavarnie, Echelles des Sarradets et retour. A la fois champion de la bonne humeur et sage du groupe, Patrick nous donne d’utiles conseils, comme demander la météo au refuge Caf des Sarradets. On s’exécute consciencieusement, mais le gardien nous dit qu’il ne la prend plus depuis deux mois, car c’est la même tous les jours : beau le matin, orage l’après-midi.
Passé la brèche de Roland et son pas des Isards, comme tout le monde avance bien, on décide de ramener le périple de quatre à trois jours. Vers 16 heures, la pluie nous arrête avant l’Epaule du Marboré, vers le col de la Cascade. On bivouaque à 2900 mètres d’altitude, dans une ambiance lunaire. La pluie ne tombe plus, on se promène sur la crête des Druides, frontière franco-espagnole, dominant Gavarnie d’un côté et Ordesa de l’autre.
L’orage revient, on s’abrite sous la tente. Confortablement installés, on assiste à un effrayant feu d’artifices pour un soir de 14 juillet : cinq heures de grêle, d’averse, d’éclairs et de tonnerre. Soudain, une boule de feu orange : la foudre est tombée tout près. Jean-Michel a peur que les grêlons n’aient raison de sa tente. Mais c’est une North Face VE 25, faite pour les grandes expéditions avec tissu renforcé. Elle résiste magnifiquement. Tous les autres campeurs que nous croisons le lendemain ont pris l’eau…
Le samedi, les névés rechargés par la grêle ont gelé ; on cramponne. On file au mont Perdu et on redescend le glacier nord puis une des cheminées, équipée à demeure d’une corde violette.
Pique-nique express pour cause d’orage imminent sur la digue maçonnée du lac Glacé. Véritable mère pour moi, Nadine surveille que je me nourrisse bien. Côté espagnol comme côté français, les deux couloirs de la brèche de Tuquerouye sont rendus beaucoup moins inhospitaliers par d’innombrables bouquets jaunes d’arnica montana. Habitué des lieux, je ne les avais jamais vus fleuris.
Après onze heures de marche, le bivouac aux Espuguettes est bienvenu. Dimanche matin, au lever, le neveu et remplaçant de Tonio, le gardien, est exaspéré : pendant la nuit, quelqu’un s’est fait piquer ses chaussures de marche, à l’intérieur du refuge. Avant de repartir le matin, on suit la progression de deux Espagnols qui s’attaquent au couloir Swan entre les deux Astazous. On démarre par le plateau de Pailla, sa cabane pimpante aux volets verts et le charmant sentier balcon qui surplombe le chemin muletier du cirque de Gavarnie.
Prenant de l’eau à l’hôtel du Cirque et de la Cascade, nous bavardons avec la jeune serveuse. Ses yeux immenses, d’un bleu-vert comme un lac de montagne, dans lesquels on se serait volontiers perdu, s’agrandissent encore quand elle apprend d’où on vient et où on va. « Cela me fatigue rien que d’y penser », commente un randonneur du dimanche.
Jean-Michel et Nadine passent les Echelles des Sarradets sans s’en apercevoir. « Cela vous a plu ces échelles ? », je leur demande alors qu’on en sortait. «Quelles échelles ? » répondent-ils. Nous arrivons au refuge des Sarradets. La boucle est bouclée. Je suis un peu triste : c’est déjà fini.
Nous mettons la surmultipliée pour redescendre à Bujaruelo. Je n’ai qu’une hâte : me plonger dans le rio Ara. Au pied du pont médiéval, je nage un quart d’heure dans l’eau vivifiante du torrent, gonflé par les orages, rejoint par Nadine.
Jean-Michel a lu quelque part que nous avons fait « un des 30 plus beaux treks du monde ». Je n’ai aucune peine à le croire.