Martule et les libellines

Posté en tant qu’invité par Francois:

C’est la suite de ça

Avertissement: si ça vous gonfle, ne lisez pas.

Je voulais m’en aller.

Je voulais m’en aller parce que j’avais comme qui dirait, la trouille. Normalement, l’orage aux fesses, ça me fiche toujours la trouille, normalement. Les vrais alpinistes n’ont pas la trouille : ils sont virils, bronzés et courageux. Ca, je le savais, je l’avais lu dans les livres avec les photos des faces Nord terribles et penchées. Mais là, bon, c’était pas une face Nord redoutable et on n’était pas dans les livres, alors j’avais la trouille. Mon estomac descendit plus bas que mes super-guide et fit un gargouilli du genre glou glou glou, à cause de la trouille mais maintenant, avec le recul du temps, je réfléchis que le gargouilli c’était plutôt que j’avais faim. Alors l’orage…faut dire que la semaine précédente, on en avait essuyé un, d’orage, à Coste-Coulnier. Coste-coulnier, c’est pas très prestigieux, c’est même pas prestigieux du tout, mais c’est très pointu. On a volé plus vite que Pégase sur les arêtes et on a fait un temps que le gardien des Bans en était tout ébahi. Faut dire aussi qu’on était drôlement motivé.

Bref, les deux types, au relais, entamèrent un conciliabule comme quoi l’un voulait continuer et l’autre voulait descendre. Je ne dis d’abord rien, mais j’étais plutôt du côté de celui qui voulait descendre. Je fis une mimique comme quoi c’était évident, bien sûr. Mais son copain, au meussieu, il ne voulait rien entendre, ce couillon, avec son nez en pied de marmite. Le meussieu s’emporta un peu, dit quelques mots grossiers que je n’ose rapporter, ayant été élevé dans la religion catholique, et causa comme ça à son copain :

  • Ma parole, mais tu ne vois pas ce qui nous arrive dessus ? c’est tes lunettes qui te bouchent la vue ?

A quoi l’autre répondit que Meuh non ! t’exagères toujours c’est seulement quelques nuages. Alors le premier type répéta que :

  • On va prendre une sacrée branlée.

L’autre, ça n’eut pas l’air de l’émouvoir outre mesure. N’empêche, c’était admirablement résumé. Tout était dit et s’étendre plus largement sur la question eût été, à mon sens, une regrettable perte de temps.

Bien sûr, j’avais une idée derrière la tête, une idée malhonnête et peut-être même immorale, mais il se trouve des circonstances où on n’est pas très regardant sur les choses de l’honnêteté et de la morale. Pour vous la faire courte, j’expliquai au type que puisque son copain voulait monter et nous descendre, ben c’est simple, je me débranche de ma copine et il se ficelle à ma place. Voilà. Et nous, on s’en va. Et tout le monde est content. Sauf peut-être Martine. Mais Martine, elle n’était pas là. Elle ne pouvait donc avoir d’avis sur ces judicieuses dispositions.
Pour couper court aux palabres et aux remords tardifs, parce que, pour vous dire, j’avais quand même un peu des scrupules dans les talons ayant été, comme je vous l’ai dit, instruit dans une religion qui favorise ce genre de manifestation, nous ne fîmes ni une ni deux, nous détachîmes l’un, attachîmes l’autre, nœud de bouline, nœud de huit, l’autre type étant un adepte du huit et bon, terminé.

Le ciel se fit grondant et je ne comprenais pas par quel mystère l’autre type avait envie de continuer. Il est vrai qu’un cerveau humain, à bien y regarder dans les livres spécialisés avec des planches en couleur, est assez tarabiscoté avec toutes ces circonvolutions compliquées, et les réflexions doivent souvent s’y perdre ou suivre des voies de garage, ça explique peut-être.
Toujours est-il que nous balançâmes le rappel, hop ! et nous fuyâmes au grand galop vers le bas.

A cette époque, on n’en était plus au rappel en S, quand même et sauf exception, faut pas exagérer, mais pas au huit non plus. Je vais vous expliquer la technique, vous mettrez ça dans vos archives, ça vous fera de l’érudition pour briller dans les salons alpins. Et puis on ne sait jamais, ça pourrait servir, des fois, en dépannage.
Donc voilà, on prenait un anneau de sangle, on mettait les deux pieds dedans, on remontait l’anneau jusque sous les fesses, on mousquetonnait les deux brins de l’anneau, ça faisait une espèce de cuissard rudimentaire, on passait la corde dans le mousquif puis sur l’épaule et on la récupérait derrière et roule Raoul. Il y avait aussi le coup avec les deux mousquetons sur la corde, plus confortable que le coup de l’anneau, facile à faire mais trop compliqué à expliquer.

Après ces explications techniques, je finis de raconter la descente. Nous torchâmes la descente à toute vitesse jusqu’en bas, vu que le ciel grondait avec une grande méchanceté. Je donnai un grand coup de pied sur le rocher et un petit coup d’accélérateur pour passer la rimaye, pardon, la roture et voilà. J’atterris sur le névé. Bon, moi j’étais tiré d’affaire et je me sentis allégé d’un grand poids. Le camarade suivit à trente secondes et fut aussi soulagé d’un grand poids.

  • Camarade, je lui dis, la gare du téléphérique est à une demi-heure, filons ! avec un peu de chance, on ne se fera pas rincer.

« Camarade » était un titre purement conventionnel, héritage des années de quand j’étais étudiant. On vendait, avec un « groupuscule » (c’était le terme consacré) d’extrême gauche, du maoïsme à la sortie des amphis. Le maoïsme est une doctrine désuète qu’on ne trouve plus dans le commerce, mais qu’il était convenable de porter, à ce moment là, dans un certain milieu. On appelait tout le monde « camarade » en brandissant un petit livre rouge. On était vachement convaincu et on se marrait bien. Ca n’était pas incompatible. Donc un « camarade » n’était pas forcément un camarade. Mon ami Bertrand s’en souvient bien. Un jour, le camarade Faufilet, qui était un garçon charmant, poussa un gros soupir, lui tapa dans le dos en l’appelant « cher camarade » et lui rafla sa copine.
Bref, excusez-moi, je digresse. Je ne suis pas sûr que mes petites histoires vous intéressent.
J’empoignai un brin du rappel par-dessus mon épaule et nous prîmes le large, direction le bas, on pliera la corde en descendant.
Les premières gouttes tombaient quand nous arrivâmes à la gare du téléphérique…

Peut-être que je vais laisser tomber le passé simple, « âmes », « îmes », « ûmes » qui fait légèrement prétentieux, voire carrément snobinard, pour le présent de l’indicatif. On dirait le type qui ramène sa sciences regardez voir un peu si je connais mes conjugaisons et mon orthographe et tout ça… pas du tout mon genre… D’un autre côté, le passé simple a un petit look rétro qui me plaît bien.

Nous arrivâmes (ha, ha) donc à la gare du téléphérique alors que les premières gouttes tombaient. Le hangar puait toujours l’huile rance que c’en était dégoûtant. Mais nous nous dîmes qu’un hangar sec qui pue l’huile rance dégoûtante, c’est mieux que pas de hangar du tout.

Toute cette histoire de se mettre au sec et de fuir devant le mouillé avait occupé nos esprits une bonne partie de la matinée.

[%sig%]

Posté en tant qu’invité par Popol:

Francois a écrit:

Avertissement: si ça vous gonfle, ne lisez pas.

Oui mais comment savoir si ça nous gonfle tant qu’on n’a pas lu ? :wink:

Merci d’avance pour la suite.

Posté en tant qu’invité par bouba:

je commence à regretter le Loup …

Posté en tant qu’invité par humo:

et Martine alors, qu’est-ce qu’elle devient? C’est passionant cette histoire!

Posté en tant qu’invité par bobosse:

moi je ne m’en lasse pas des histoires à Francois
et puis le loup n’est pas vraiment interressant
Et martine (ou martule) ?
a quand la suite ?

Posté en tant qu’invité par bouba:

«  »« moi je ne m’en lasse pas des histoires à Francois »""

on aura tout entendu sur ce forum.

Posté en tant qu’invité par gaston:

c’est bien écrit,
un peu long parfois, un peu « je me regardes écrire », mais l’ambiance montagne des années 70 est palpable, alors je lis toujours !

Posté en tant qu’invité par Le Loup:

Passionant Homo, c’est vrai

Posté en tant qu’invité par Paul G:

Un peu trop de disgression à mon goût dans cette salade. C’est dommage, mais elle reste bien bonne, cette salade.
D’ailleurs je crois que je vais en reprendre un peu, en faisant une recherche dans les anciens messages…

Posté en tant qu’invité par jc98mètres:

Eh François, faut faire gaffe à ne pas tout écrire: des fois qu’il y en ait un qui compile tout ça et aille chez Glénat ou autre éditer une nouvelle…

Posté en tant qu’invité par jc:

Oups pardon pour le pseudo. J’écris n’importe quoi ces derniers temps…

Posté en tant qu’invité par Francois:

bouba a écrit:

je commence à regretter le Loup …

J’voudrais qu’on m’aime…

Posté en tant qu’invité par Phil:

humo a écrit:

et Martine alors, qu’est-ce qu’elle devient? C’est passionant
cette histoire!

Ben le Loup l’a mangé…

Posté en tant qu’invité par humo:

LA SUITE, LA SUITE, LA SUITE !

Posté en tant qu’invité par VERO:

ON EST DEJA TENU EN HALEINE QUE DEVIENT MARTINE ET SON NOUVEAU COMPAGNON?
Point trop n’en faut pour éditer.