Posté en tant qu’invité par Francois:
Pour ceux qui ne seraient pas au courant, voici le commencement Au commencement puis après le commencement, vient la suite Dieu créa le ciel et la terre
et, la en dessous, la suite de la suite.
Comme je suis en vacances et qu’il pleut, on n’y voit plus rien, c’est tout gris du côté des Bans, genre estampe japonaise, le Pelvoux est dans les nuages et j’entends le doux bruit de la pluie sur le toit. La brume et le brouillard traînent partout donnant des dimensions himalayennes à la moindre taupinière.
Alors je continue Martine…
Ca fait longtemps et je ne sais plus trop où j’en étais resté. Faudrait que je retrouve le fichier…ou alors sur skirando peut-être ?..
Donc le temps tournait à l’aigre, l’humeur suivait la même pente, Martine avait disparu derrière ce petit éperon et moi, moi devant ma page blanche, je sèche, assis dans un fauteuil pliant, devant la tente, à regarder les mésanges qui picorent les miettes sur la table. Le camping en Corse est impropre à la production littéraire. D’ailleurs le camping en Corse est impropre à quoique ce soit. Je le remarque tous les ans. Pourtant, j’aimerais bien faire plaisir à P’tit Bouchon, mais je préfère encore flemmarder devant la tente.
Bon, ce n’est pas en t’exposant mes états d’âme, lecteur, ah ! fidèle lecteur ! toi qui t’en fiche éperdument, que je vais avancer mon affaire.
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Là, les pointillés indiquent que j’ai laissé tomber un moment pour faire la sieste (on est en Corse).
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Ah ! que ne suis-je assis dans une petite chambre à l’ombre des nordiques terrils, regardant la pluie ruisseler tristement sur les vitres sombres au lieu que d’être avachi en un fauteuil pliant à l’ombre des oliviers bercés d’une douce brise …c’eût été plus propice à la méditation philosophique.
- C’est pas des oliviers ? ah, bon ?…c’est quoi, alors ?
- Ben sous les oliviers, il y a des olives.
- Ah ouais, c’est vrai, là il y a pas d’olives…c’est peut-être des chênes lièges ?
- Ou des varans des Galapagos ?
Bref, toujours est-il que le meussieu de l’autre cordée qui grimpait derrière nous apparut. La tête du meussieu apparut d’abord, coiffée du casque. Le port du casque n’était alors pas généralisé mais ça faisait vachement face Nord, donc sérieux, surtout si on portait un bonnet en dessous, comme sur les dramatiques photos des grands alpinistes velus accrochés dans des pentes zépouvantables (en noir et blanc, les photos, c’est plus dramatique). Puis le corps du meussieu suivi sagement la tête car c’était un corps sage. Puis la main du meussieu mousquetonna le piton rouillé du relais (à moins que ce ne fût qu’un anneau cravatant tun becquet) et fit tun cabestan dans les règles : on passe en dessous, on reprend derrière, on fait une boucle, on tourne, on repasse dans le mousquif…ou quelque chose comme ça.
Vous devez savoir faire un cabestan. Si vous ne savez pas, sur un cahier bien propre, de marque « Clairefontaine », vous me ferez pour demain deux pages de cabestan et deux pages de nœuds de mule (sécurisés). Et sans pâtés.
Mais, me direz-vous, à quoi reconnaissait-on que ce piton rouillé était un piton rouillé de relais ?
Il faut dire qu’en ces temps là, les relais n’étaient pas ce qu’ils sont maintenant et rien ne ressemblait plus à un piton rouillé qu’un autre piton rouillé.
Mais, me direz-vous encore, maintenant, c’est pareil.
Certes, certes, pour les pitons rouillés, mais c’est les relais qui ont changés. Comment savoir si ce piton rouillé là était un piton rouillé de relais ?
La première méthode consistait à grimper plan-plan, une-deusse, une-deusse, quand tout à coup soudain, que vois-je sous mon nez ou presque ?..un piton rouillé !
Quelle aubaine !
Avec un bout (ou plusieurs) de cordelette pourrie effilochée de couleur indéfinissable. Mon attention est en éveil. Serait-ce le relais ?
Ceci demande confirmation. Je jette un coup d’œil 80cm à 1m environ sous le piton effiloché. Je devrais trouver une plate-forme vaguement triangulaire, place pour un pied et demi, sableuse ou terreuse, selon que la météo fut clémente ou tumultueuse, décorée de : un filtre de clope, un emballage de barre de céréale, un bout de papier alu ratatiné, une trace de semelle.
Si c’est le cas, c’est bien un piton de relais rouillé.
C’est la méthode classique.
L’autre méthode est la méthode « à la hussarde » aussi dite « au pet ». Voyons cela.
Je grimpe plan-plan, une-deusse, une-deusse, quand tout à coup soudain, que vois-je sous mon nez ou presque ?..un piton rouillé !
Quelle aubaine !
Mon attention est en éveil. Serait-ce le relais ?
Vous remarquez bien sûr, petits futés, que jusques à présent, rien ne différentie cette méthode de la précédente…mais…mais… et c’est ici que ça se corse (si je puis dire hu ! hu !) mon brillant second, compagnon fidèle de mes sombres et hasardeuses aventures, se met à brailler à s’en faire péter les cordes vocales :
- Bout de corde ! bout de corde !..bout de corde, merde !
Pourtant, quelques minutes plus tôt, je lui ai demandé : - Combien ?
- Dix mètres !
Il est vrai que je n’y ai pas prêté autrement attention vu que, quand je demande combien, il répond invariablement dix mètres.
Je ne lui en veux pas, je fais pareil.
Donc l’autre hurle bout de corde comme un possédé.
Fectivement, cette fois-ci, c’est bien le bout de corde. Tout est bloqué et c’est moi qui brame comme un putois (je sais, je sais, c’est le cerf qui brame, mais c’est pareil, c’est une bête de la forêt avec des poils (la bête, pas la forêt)). Donc, disais-je, comme un putois (d’ailleurs, le putois est un sympathique petit animal nonobstant quelques inconvénients menus et mineurs). Alors je, comme un putois : - Du mou, du mou !
- Qu’est-ce que tu fous !
Ce sont des vers tétrasyllabiques, oui, oui, mais je ne le fais pas exprès car dans ces cas là, on pense à autre chose qu’à des vers tétrasyllabiques, c’est comme qui dirait, involontaire. D’ailleurs, tout le monde s’en fout. Le piton est là, à trente centimètres, mais impossible à mousquetonner.
Conclusion : ce piton rouillé est bien un piton rouillé de relais.
Voici donc, exposée succinctement, la deuxième méthode.
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Au fait, vous voulez peut-être savoir comment tout ça se termine (bien que ça ne soit pas le propos) ?
Oui ?
Non ?
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Bon, allez, ça se termine qu’entre celui du bas qui braille bout de corde bout de corde et celui du haut qui hurle du mou du mou en disant des mots grossiers et en tirant comme un sourd (ce qui ne facilite pas les choses, vu que le bazar est tellement tendu que Machin, en bas, ne peut même plus se dévacher) on arrive généralement, je ne sais trop comment (en spéculant sur l’élasticité de la corde, je suppose) à gagner les trente centimètres indispensables et la corde, mousquetonnée à l’extrême limite de la rupture, scie agréablement les reins.
[%sig%]