Mal des rimayes

Posté en tant qu’invité par Marcel Demont:

Après avoir entendu l’appel de la montagne, également nommé appel de l’Areu bleu,
vous est-il arrivé d’entendre l’appel de l’Areu gris, dit : mal des rimayes ?

« Tu vas tomber, mourir gelé au fond d’une crevasse ou étouffé sous une avalanche, être écrasé par des chutes de pierres ou par l’éboulement de séracs, perdre ta vie dans une tempête. Renonce. Redescends. En bas, en plaine, il fait bon, il fait doux, il y a des fleurs, des terrasses ombragées, tous les bonheurs de l’esprit et du corps. »

Tel est le contenu de l’appel lancé par l’Areu gris à l’alpiniste fatigué cherchant un sommeil réparateur qui le fuit, parfois, la nuit, en cabane, au bivouac, ou sous la tente.
Lorsque vient le moment de se lever, au cœur de cette nuit troublée, celui qui a entendu l’appel du l’Areu gris souffre de maux divers, de tête, d’estomac, de dents, de dos, de genou. Si courageusement il s’entête, rapidement il découvre que jamais jusqu’alors les montagnes n’ont été si hautes, les parois si redressées, l’air si rare, la rimaye si large, le vent si froid, la surface de la neige si cassante, les prises si petites, le vide se creusant sous ses pieds si profond.
Les conditions sont mauvaises, se dit-il alors, c’est trop dangereux, je reviendrai.
Victime du mal de l’âme sournoisement transmis par le redouté Areu gris, l’alpiniste renonce.
Quelques heures après, et beaucoup plus bas, alors que le soleil réchauffe de ses rayons le grimpeur défaillant, oubliant l’Areu gris, l’ascensionniste entend à nouveau, très distinctement, l’appel de l’Areu bleu.
Ainsi s’écoule toute la vie de l’alpiniste, partagé entre les appels de l’Areu bleu et ceux de l’Areu gris.

L’Areu gris ? Connais pas ! Bravo.
L’Areu gris ? Parfois ! Racontez. Merci.

[%sig%]

Posté en tant qu’invité par fabrice:

allez un gros mal des rimayes…
Parti pour la contamine au moine en septembre, on cherche le départ pendant une grosse demi heure. Nous voilà au pieds de la voie:
« Putain, c’est raide!!! »
De plus en fin de saison avec le retrait de la neige et la rimaye ouverte, il y a plus de rocher à grimper… On s’équipe, grosses, plus piolets crampons… Un sac bien lourd pour attaquer ce V à la chauffe, il fait frait, et personne n’est motivé… Un bon gros mal des rimayes!
Bon ben c’est moi qui m’y colle… Le temps de ce concentrer et une fois dans la voie, c’est passé…

Posté en tant qu’invité par Djay:

Traversée du Lyskamm, juillet dernier, on était deux cordées de 2, c’était le gros objectif de cette semaine au Mt Rose.
Y’avait pas de rimaye mais c’était tout pareil.
En montant au col du Lys (vers 4000 je crois), j’avait super froid aux doigts (ce que le froid vif et le vent assez soutenu n’arrangeait pas), j’étais déjà crevé et j’avais la gerbe.
C’était pas très glorieux…
De toute évidence, je n’avais toujours pas récupéré de notre rude journée de l’avant veille : la montée à la Pointe Dufour et ses 2000m de dénivellé dans la journée.
J’avais le secret espoir que, devant le vent et les nuages déjà assez présents pour cette heure matinale, la troupe renonce et n’opte pour un savant crochet via le Paso del Naso pour rejoindre le refuge Q. Sella.
Fait chier, j’ai l’impression qu’ils filent droit vers l’attaque. Z’ont l’air hyper motivés les bougres.
Bon, je vais ralentir encore un peu, histoire de leur faire comprendre que j’ai pas la pêche aujourd’hui.
« Allez Djay, faut pas perdre de temps, y’a les nuages qui montent! »
Pfff…
Ca y est, là on est vraiment au pied.
« Bruno, tu sais, je suis vraiment fatigué là ».
« Allez Djay, y’a que 400m à monter, après ca ira mieux. Tu verras, tu seras content de l’avoir fait, tu t’en souviendras toute ta vie. »

Ca c’est clair, je m’en souviendrai longtemps de cette putain de traversée!

Avec le recul, je me dis que la situation était assez délicate, je n’osait pas proposer à mes potes de renoncer car je sentais qu’ils en avaient super envie, mais en même temps je me disais que dans mon état, ce n’était sans doute pas une riche idée d’aller faire l’équilibriste avec du vent sur une arête éfilée à plus de 4000m.
A un moment, je me souviens de m’être dit: « mais qu’est-ce que je fous là! », c’était la première fois que ça m’arrivait. Gaston il dit qu’il faut se sentir à sa place. Ben là, c’étais pas vraiment le cas…
Bon, au final, tout s’est bien passé, je suis arrivé au refuge absolument exténué (une vraie loque!) mais entier.
Quand je regarde les photos, je me dis que c’était énorme, je suis super content de l’avoir fait, mais en même temps, je me dit que c’était pas vraiment l’idée du siècle de l’avoir fait dans cet état de fatigue…

Posté en tant qu’invité par Caro:

Le mal des rimayes, j’en avais entendu parler, mais sans plus… je voyais pas trop ce que ça pouvait être… à chaque fois que je partais pour une course, j’avais pas la boule au ventre, juste une envie irrépressible d’être déjà dans la voie, de grimper, de découvrir, d’assouvir ma passion.

Puis, un jour, j’ai ressenti ce mal des rimayes, un peu comme un mal de mer en voiture. C’était au mois de mars 2003. Je m’étais réjouie toute la journée de partir pour cette ascension. On était parti de Cham tard, et on était arrivé à midi Hörnli. Il neigeait, on consultait toutes les prévisions qu’on pouvait joindre par radio pour être sûr que la météo allait s’améliorer par la suite. Toutes les météos nous confirmaient du beau pour le début de soirée. Nous nous sommes mis en route.

Pour accéder à la face nord du Cervin, il faut (en tout cas quand nous y sommes allés) franchir 2 rimayes. C’est entre le refuge et la première rimaye que ce mal m’a pris. Je regardais cette face imposante déverser au-dessus de ma tête… et j’avais envie d’être partout, sauf à cet endroit. Je n’avais qu’une envie, faire demi tour. Mais cette envie a été surpassée par une envie plus profonde dont je n’avais pas conscience à ce moment là: y aller… c’était un peu comme si à chaque pas en avant, qqel chose me poussait la jambe en arrière et je devais forcer pour que ce pas en avant soit réellement un pas en avant. Etrange. J’avais trop de fierté pour faire demi tour, parce qu’il n’y avait aucune raison objective de renoncer, si ce n’est cette sensation de mal être.

Une fois la 2e rimaye passé, ce mal c’est évaporé, tout comme il était apparu. Et j’ai retrouvé ce sentiment de quiétude qui m’habite quand je vais en montagne… même dans une face nord comme celle-ci

Posté en tant qu’invité par Maudit calamar:

Descente du glacier des Rognons direction refuge d’Argentière pour le lendemain remonter le Y et le skier; ou alors le Barbey et si vraiment ça va pas le glacier du milieu…
Motivation moyenne, un peu marre du ski et une épaule en vrac qui empêche de grimper; faut bien bouger par ce beau temps… feu.
Glacier des rognons, un ou deux trous sombres qui défilent parfois sous les skis, ça m’amuse déjà plus beaucoup. 2 personnes qui semblent descendre en crabes la pente sommitale du glacier du Milieu: ah, pas bon pour le ski, même à 15h? pas d’infos au refuge sur le Barbey, mais la gardienne qui nous dit que la pente sommitale de la VN est pas bonne à skier « de grands guides descendent en crampons, vous savez! ».
Ça commence comme ça, puis ça finit à la rimaye du Y, par un mal d’estomac sans doute causé par le calamar de la paella lyophilisé périmée depuis 2 ans!!! le manque de sommeil, ben oui de la faute de ceux qui ronflent! Puis la VN que j’ai pas envie de descendre en crampons avec les skis sur le dos, le Barbey dont le dernier CR fait état d’un peu de glace, le Y quand même raide! et voila 10h en bas des Grands après une magnifique descente sur de la tôle ondulée

Aaahhh ces lyophilisés périmés! Merci de nous ressortir cette jolie histoire d’Areu gris.

Ressenti presque à chacune de mes courses un peu engagées ces dernières années, responsable de nombreux buts sans raisons parfois même bien avant de quitter le refuge. C’est ma hantise en montagne. Mais à force de perseverer et d’y aller parfois à « contre coeur » il est de moins en moins présent, laissant juste le petit soupçon de peur qui incite à la prudence sans gâcher le plaisir. Où du moins il a changé de niveau et ne se fait ressentir que sur ded courses de plus en plus dures, j’imagine que je progresse. :wink:

1 Like

Le mal des rimayes, c’est un grand classique. Rien de plus naturel. Il disparaît dès qu’on est engagé dans l’action.

1 Like

Pour moi il apparait des que je suis cuit, du coup c’est régulièrement les descentes ou les derniers ressaut technique qui me font peur.
Sauf qu’il faut bien descendre…et les rappels sont souvent une source d’angoisse
Mais ce que j’ai compris dans mes dernieres courses: quand je commence a stresser comme cela, il faut que je change de t-shirt (souvent, je suis entrain de prendre froid, et c’est ma sueur froide dans le dos qui me fait cela) et que je fasse une petite pause (photo, pic-nic…) en ne regardant pas la source de l’angoisse.
Et puis, ca passe.