Posté en tant qu’invité par Juanito:
Bonjour
Je suis actuellement au mexique, en séjour professionnel, et je me suis baladé ce week-end sur les pentes de l’iztaccihuatl, 5200m environ, dans le but finalement fort présomptueux de me détendre entre deux bouffées de gazoil plombé de mexico-city. J’en ai retiré une expérience cuisante qu’il me tarde de partager avec un public averti ou susceptible de l’être bientôt. Au soleil au bord de la piscine de l’hôtel, à siroter une pina colada, j’ai quand même l’impression désagréablement picotante d’avoir eu un petit peu de bol… Voici donc:
LE CONTEXTE:
Début mars: Je suis au mexique depuis une semaine, je repars dans une semaine. Je suis assez sportif, a priori rompu à la marche en montagne après de nombreuses années passées à sillonner sommets et vallées européennes, et j’ai déjà plusieurs expériences à près ou plus 4000 dans les alpes - moins de quelques heures à chaque fois, et en été, pas en février entre deux réunions…
L’OCCASION:
Un week-end à Mexico n’est pas vraiment une panacée pour un amateur d’air pur, de cui-cuis montagnards et de fleurs des champs. Aussi quand un ami me propose d’aller faire le sommet là bas au fond, je ne résiste pas! Un ancien volcan, un plus de 5000, un peu de glacier pour décorer, voilà un programme alléchant pour un voyageur désoeuvré, séparé de sa famille, et dont l’horloge biologique est réglée sur hiver tandis qu’il fait 30 degrés toute la journée. L’occasion inattendue de faire de la montagne au mexique semble excellente. Coups de téléphone, arrangements, « mexique attitude », et le rendez vous est pris pour Amecameca samedi matin. Programme: on dort là bas, puis refuge le samedi, sommet le dimanche matin, bière le dimanche soir. Du grand classique de la montagne dominicale, valeur morale internationale.
L’ERREUR
Finalement, nous sommes libres dès le vendredi après midi. Rencontre cordialissime avec le guide (ils ne sont que 6, pratiquement tous cousins, à se partager l’accès à l’ancien volcan). « Ma pourquoi ne monteriez-vous pas dès ce soir à un refuge « Antenas »- pour vous acclimater- et on se retrouve demain en montagne »? Quelle idée merveilleuse. Vroum: Amecameca: 2300m, voiture, refuge antenas à 18h. C’est la fête: petite bière, week-end en montagne, petite clope, fini les soucis, demain l’altitude, joie. Sauf que… sauf que… Antenas est en fait à 4000m d’altitude! Le matin: gros mal de crâne. Gloups? Bon ça passe. Grosse fatigue, mais après tout, c’est normal, hein? Allons-y gaiment. Départ samedi matin. Antenas-refuge: 850m de dénivelé. Soit une arrivée au sommet du mont-blanc. Mais de manière étonnante, je monte bien. OK j’ai un peu mal au crâne, mais rien d’alarmant, et puis tout est si beau: la vue dégagée sur la plaine, le popocatepetl, l’autre volcan en activité et donc interdit, le nuage de pollution sur mexico… Bref. Tout ceci nous mène vers 18h dans un refuge de 24 places, la nuit tombante, et le MAM qui se décide enfin à montrer son vrai visage, résolument peu sympathique: 22h: Maux de têtes effroyables qui ne passe pas avec le paracétamol, minuit: fièvre et nuque raide, 2h: vomissements, 4h: délire total (inracontable) 6h: poumons encombrés… et descente immédiate…enfin… 4h de descente en titubant compte tenu de l’éloignement. Au moindre arrêt, je m’endormais littéralement, réveillé de force par le guide. Arrivée à la voiture (4000m) ça ne passe toujours pas. Il a fallu que je me retrouve à Amecameca (2300m) pour que tout s’arrête. Ne reste qu’une fatigue extrême, mais plus aucun mal de tête… Le lendemain, courbatures inhabituelles dans le torse (conséquences de respirations anormales?) mais c’est à peu près tout!
L’EXPERIENCE
Sur le coup je ne me rends pas bien compte. Je suis surtout content que ça se soit enfin terminé. Mais avec le recul, je crois que c’était quand même limite-limite comme expérience. En particulier il y a des choses dont je ne me souviens que très vaguement (un levé de lune grandiose, une remarque que j’ai faite) et qui me paraissent très lointaines voire oniriques. Signe d’un manque pathologique de lucidité. La nuit que j’ai passée, je ne la souhaite à personne d’autre: grelottements, étouffements, fièvre, et puis cette sensation finale que plus rien n’a d’importance du moment que ça s’arrête. Le pire étant de constater que rien ne s’améliore, au contraire (un peu comme un lendemain de cuite sans fin!). Par bonheur un des guides locaux m’a filé un truc sympa qui m’a permis de dormir un peu en fin de nuit et surtout d’arrêter d’avoir FROID. Je ne sais pas ce que c’était (et je ne veux pas le savoir ).
CONCLUSION
J’ai clairement très peu envie de vivre de nouveau ce genre d’expérience. Suis-je banni à vie des hautes altitudes? Je ne pense pas, mais je vais faire super gaffe à l’avenir; Moi qui toute ma vie ait lu en diagonale les sections « médicales » des journaux spécialisés, dédiées relativement souvent au MAM - maladie que je pensais réservée aux hymalayistes flirtant inconsidérément avec la mort - je vais étudier ceci avec un peu plus de respect…
Je ne prétends pas que cette expérience ait une quelconque validité universelle, mais enfin vu qu’elle m’a pris par surprise, je tiens à la faire partager. Il est possible que beaucoup de montagnards européens soient dans mon cas, et n’aient jamais vraiment pris au sérieux les risques liés à l’altitude. Il est vrai qu’il y a surement moins de risque à faire un 4000m en dormant à 3000m sans être acclimaté. En tout cas sous pretexte de beau temps et de contexte favorable j’ai pris ce week-end à 5000 pour un sommet des alpes un beau jour d’été, et ça c’est une GROSSE CONNERIE. A bon entendeur!