Posté en tant qu’invité par l’Urbain:
Cette falaise, c’est mon jardin. J’y cultive ma forme et mon tempérament. J’y vais à pieds, en vélo, en auto-stop, 7 km, quand même. J’y ai fait à peu près tout, et même n’importe quoi. Des voies en moulinette, en tête, en solo auto-assuré, en solo intégral, du à-vue, du flash, du après-travail, de la grimpe en grosses, en chaussons, pieds nus, avec une cheville dans le plâtre, et même du solo intégral à vue pieds nus avec une cheville dans le plâtre… J’y ai cotoyé le célebrissime S.H., que l’on a vu depuis dans des émissions culturelles telles que « vis ma vie ». Je connais par coeur certaines de ses voies. J’y ai des rituels : d’abord, la grande traversée, histoire de marquer mon territoire, puis la voie tout à gauche, pour chauffer. Quand les guides arrivent avec des clients, ils me reconnaissent - signe que moi aussi, je suis un vrai montagnard.
Parlons-en, des clients : des touristes, qui viennent me patiner MES prises, qui crient et rient fort, font les cons dans MES voies, discutent avec le guide sans même se rendre compte que c’est un demi-dieu. Pire : on voit bien qu’ils s’amusent. C’est intolérable pour un alpiniste tel que moi.
En voilà justement tout un troupeau. Ca s’interpelle, ça s’exclaffe. M’ont même pas remarqué. Il est temps pour moi de plier bagages. Grimper parmis la plèbe, non merci. J’installe donc mon rappel. Je hurle « coooorde ». Pas de réaction : ça continue à bavasser. Vindiou, ils vont voir ce qu’ils vont voir. Un rappel de vrai pro. A fond la caisse. Je ne descend pas : je dégringole. Chute libre. Petit coup d’oeil : haaa, ça y est, ils m’ont repéré. Certain(e)s en restent même bouche bée. C’est le moment de placer ma spécialité : un bond d’une bonne demi-douzaine de mêtres, avant de me poser comme une fleur sur la terre ferme. Allons-y. HOP !
Houlaaa, ça va un peu vite. Je ne sais pas si j’ai bien calculé mon coup. Le sol se rapproche à vive allure. Dans le rang des touristes, un silence pesant s’est soudainement installé. Ca pue l’accident. Tout va alors très vite : pour éviter le crash, je bloque la corde…et suis rabattu violemment contre le rocher, genoux en avant. BOUM.
Comment j’ai fait, je ne sais pas. Le fait est que j’ai réussis à regagner mon vélo sans boiter, au milieu des murmures (parmi lesquels on peut tout de même distinguer quelques suites de mots, « …se faire mal…complêtement con… »).