Un article bien venu en complément à plusieurs discussions en cours :
Les boucs émissaires de la mort blanche par Simon Petite
[details=Les boucs émissaires de la mort blanche]Une hécatombe. Depuis l’ouverture de la saison de ski, huit personnes ont déjà péri dans des avalanches en Suisse. Il est donc tentant de chercher des coupables. La vox populi les a déjà trouvés en la personne des amateurs et des amatrices de hors piste.
Par deux fois ces derniers jours, à Anzère et à Zermatt, une coulée a été déclenchée emportant d’autres skieurs sur des pistes balisées, heureusement sans faire de victimes. Les décès sont tous survenus lors de sorties de ski de randonnée. La personne disparue dimanche en Valais était même accompagnée d’un guide professionnel. On est donc loin du profil du «freerider» sans foi ni loi décrit en boucle dans les médias. Il est simpliste de mettre toutes les pratiques dans le même sac.
Les stations de ski ont beau jeu de se retourner contre leurs clients. A Zermatt, les fauteurs d’avalanche ont été livrés à la police. De quoi faire – un peu – réfléchir celles et ceux qui passent outre les panneaux et les barrières signalant un danger. Il faut s’en réjouir, car la montagne n’est pas une zone de non-droit et chacun devrait être conscient des possibles conséquences de ses actes.
Mais la responsabilité des skieurs et des snowboardeurs n’exonère en rien les sociétés de remontées mécaniques. Elles ont le devoir de sécuriser leurs pistes. Aucune avalanche ne devrait normalement débouler entre les piquets, qu’elle soit déclenchée par des skieurs hors piste ou non. Et comment ne pas voir l’hypocrisie des stations, elles qui, à longueur d’année, vantent leurs charmes à coups d’images de champs de poudreuse immaculée.
Il y a là un paradoxe. Notre société est friande de liberté et de sensations fortes, mais elle peine à accepter quand quelqu’un le paie de sa vie. Chaque drame comporte une dose de fatalité et une autre de négligence. Mais la montagne aura toujours sa part d’imprévisibilité et le juridisme étroit n’y changera rien.
Quiconque s’aventure en altitude doit assumer un risque, même minime. L’an dernier, lors du procès de la Jungfrau, après la mort de huit recrues dans une avalanche, les guides de montagne craignaient de devoir à l’avenir se prémunir contre les risques de poursuite. Exactement comme les médecins qui se retrouvent de plus en plus souvent devant les tribunaux.
On peut saluer de telles évolutions mais il faut aussi y voir l’obsession d’un contrôle absolu. Or, que ce soit sur les tables d’opération ou sur les pentes des sommets, ce contrôle est illusoire. Comme dans d’autres domaines que le ski hors piste, interdire apparaît un peu court. Il faut aussi sensibiliser sur les dangers de la montagne, ou encore montrer par des campagnes choc ce que signifie être pris dans une avalanche. C’est le prix à payer, alors que les stations visent à attirer toujours plus d’adeptes. Davantage de monde dans un milieu hostile et fragile, voilà qui devrait aussi faire réfléchir.[/details]
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