Posté en tant qu’invité par romainvisiteur:
Bonjour à tous,
Je ne viens jamais sur ce genre de site, mais là je passais par là, et cette fois je n’ai pu résister…
Concernant les 212 :
Pour commencer, je peux vous assurer (de sources a priori sûres et pas des « il me semble », « je crois ») qu’à cette date les 212 officiels n’ont jamais été gravis, encore moins d’un seul coup. Je n’ai jamais vu nulle part que Luis Alejos (ou Jean Buyse ou autre) avait effectué cette liste, même s’il n’en est pas loin. Je n’ai jamais vu nulle part non plus que les « chasses-fantômes » les avaient tous fait, ils cherchent à compléter/modifier la liste, point.
Si je me trompe, merci de me le dire en me citant des sources, mais je suis ici assez sûr de moi.
Pour conclure, concernant la liste complète officielle des 212, tout reste à faire.
Concernant les 129 principaux :
Les 129 ont effectivement été gravis par plusieurs personnes, mais sur plusieurs années, pas d’un coup non plus. Après, de là à dire qu’il y a au moins 200 espagnols… il est vrai qu’ils sont très présents dans les Pyrénées, peut-être que 20 est un peu limite, mais une cinquantaine me semble beaucoup plus juste. Pour ma part je connais beaucoup d’espagnols montagnards dignes de ce nom, mais aucun n’a fait « ne serait-ce que » les 129. Pour les français, effectivement je pense qu’il doit y en avoir 20, peut-être 30…
Bref, là encore, si quelqu’un a une(des) source(s) qui me contredit, je suis preneur.
Pour conclure cette fois sur les principaux, réussir la liste sur plusieurs années n’est pas une « première », mais la réussir d’un coup… n’a jamais été fait non plus (je crois que le « record » est de 5 ans).
Voilà, ça c’était surtout pour les « collectionneurs », bon gré ou malgré eux.
Maintenant, ce qui me fait surtout réagir, c’est que j’ai lu à un endroit un truc du genre « en France il ne reste plus beaucoup de premières »… et ça ça me révolte complètement. Il ne reste plus beaucoup de premières ??? Dans l’immensité des montagnes ?? Alors que l’alpinisme n’existe que depuis 200 ans et se pratique dans l’un des plus grands terrains de jeu de la planète ?!
Je m’explique…
On a tendance à ne plus forcément s’en rendre compte de nos jours, mais la construction d’un stade sportif est souvent une prouesse architecturale/technique etc. (entre ceux qui contiennent 80 000 personnes, ceux qui ont des toits amovibles…). Mais une fois que le stade est construit, ça y est, c’est fini ? Bien sûr que non, il reste tout à faire dedans (évènements sportifs, concerts… hein).
La montagne c’est pareil. Les anciens ont conquis l’intégralité des sommets de la planète (ou la plupart), puis ensuite avec l’ère de la difficulté volontaire, ils ont ouvert toutes (ou la plupart) les voies permettant d’y accéder, pour tous les niveaux. Ok, d’accord, vu comme ça, ils ont tout fait. S’il reste quelques sommets et/ou voies à ouvrir, a priori elles ne sont pas intéressantes. Il reste bien quelques parcelles où personnes n’y a jamais mis les pieds, mais bon, je considère cette ère terminée… (même si je suis malgré tout persuadé que pour les personnes en manque d’aventure « vierge » en paroi il y a encore vraiment de quoi faire avec les sommets et les voies à ouvrir, même en France…)
Bref, en tous cas, cela ne constitue que la construction du « stade ». Ils n’ont pas « tout fait », loin de là. Ils ont décrit des itinéraires dans divers guides, le stade est en place, maintenant à nous d’y « jouer » dedans ! (je mets entre guillemets car les termes « stade » et « jouer », j’aime pas trop mais bon). Les anciens n’ont pas tout fait, ils nous ont surtout offert un « stade » absolument gigantesque, à nous de créer dedans maintenant. Cet univers n’est-il pas assez vaste et fantastique ? Ou manquons nous d’imagination ? Je dis n’importe quoi, mais par exemple, pour en rester aux « collectionneurs », pourquoi toujours viser l’altitude ? On peut aussi viser « tous les sommets et/ou toutes les courses de telle ou telle difficulté », « tous les sommets commençant par tel ou tel lettre », effectuer des traversées diverses et variées, faire tous les 3000 de telle ou telle façon… gravir des sommets différemment… pourquoi pas même « augmenter » les altitudes en démarrant en spéléo ! bref, franchement, c’est infini.
C’est exactement ce que disait P. Berhault : « ceux qui pensent que tout est fait dans les Alpes me font sourire, il reste plein de problèmes encore, tu peux remplir ta vie d’aventure ici ». Idem, Messner : « l’alpinisme perdurera si les jeunes comprennent qu’ils ne doivent pas se contenter de répéter ce que nous avons fait, mais inventer de nouvelles choses pour se rapprocher des montagnes de manière différente. ».
Un petit mot pour finir sur les « premières », sur l’Aneto, le Vignemale… dès 1904. Peut-être qu’ils ont été gravis avant cette date, seulement il me semble que la montagne (qui est, il ne faut pas l’oublier, un milieu pas accessible pour tous, loin de là…) est surtout une histoire de partage de la part de ceux qui y vont. Gravir un sommet puis « le cacher », quel égoïsme ! D’autant plus qu’à cette époque, entre les conditions et l’équipement qu’ils avaient, et quand on voit les expéditions qu’ils montaient pour gravir le Mont Perdu (!) je pense que si quelqu’un était monté au sommet de l’Aneto avant 1904 (ce qui est, il ne faut pas l’oublier, encore très tôt dans l’histoire de la montagne), on le saurait… Quoi qu’il en soit, la gloire va à celui qui n’a pas été « égoïste », c’est à mon avis normal et mérité. Donc pour moi, en effet, la première ascension de l’Aneto, c’est 1904, point. Avant cette date, personne n’y avait posé un pied.
Je voulais aussi approfondir un peu sur le terme « collectionneur », tant que j’y suis… ça ne doit pas avoir sa place ici mais je sais que c’est souvent un terme que beaucoup n’aiment pas : soit disant il faut aller en montagne de façon plus « simple »…???
Au fond, tous les montagnards sont des collectionneurs, qu’ils le veuillent ou non. Pourquoi on va sur tel sommet, voir tel lac ? Soit parce qu’on l’aime bien, soit (et c’est plus souvent ça je crois l’essence de la montagne) parce qu’on y est jamais allé.
Pourquoi il arrive un jour où l’on cherche à « collectionner » volontairement et ne pas se contenter d’un par ci un par là ? Parce qu’il arrive un moment où l’on cherche « quoi faire », et tout simplement parce que c’est une manière de se créer un défi pour que naisse une nouvelle aventure. L’un de vous l’a dit, « j’ai fait les 129 sans m’en rendre compte, simplement parce que je voulais connaitre des endroits, puis d’autres endroits… puis un jour tu te rends compte qu’il ne t’en reste que 10, alors tu conclues… »
La montagne, pour ceux qui la fréquente régulièrement, c’est une affaire de collection. Combien de fois j’ai entendu qu’il ne fallait pas collectionner ! Que ça n’était pas dans « l’éthique » ! Mais quelle éthique ? L’éthique de la montagne, n’est ce pas justement la liberté ? Chacun fait ce qu’il veut, et quand on voit les listes de courses interminables de ceux qui critiquent les « collectionneurs », on rigole. Et puis le fait de « collectionner » s’inscrit dans une histoire complète.
Pour rester avec P. Berhault, n’a-t-il pas essayé d’enchaîner d’un coup les 82 4000 alpins principaux ? Lui qui, semble t-il, a été un modèle d’éthique, un des rares à n’être jamais critiqué (incritiquable !) ? Comme il disait, vouloir connaitre la totalité des 4000 alpins, pour un amoureux des Alpes et de la montagne, c’est une évidence.
Enfin, pour revenir sur nos 3000 pyrénéens, un petit mot aussi sur le fait que gravir les 129 principaux « est » ou « n’est pas » un exploit…
Tout d’abord et pour être le plus direct possible, non ça n’est pas un exploit, effectivement. J’ai 24 ans et je pense ne pas être loin des 212. Mais c’est fort ! C’est très fort même ! Je ne dis bien sûr pas ça pour me « vanter », simplement vous pensez que c’est donné à tout le monde ? Il faut un peu se mettre au niveau de Mr et Mme tout le monde de temps en temps histoire de redescendre sur terre : les gens sont très fiers lorsqu’ils font une grande randonnée et ultra fiers lorsqu’ils gravissent 1 3000 dans leur vie, et parlent de ce qui est, pour eux, un exploit. Alors en gravir 129, 212… Mais effectivement, pour quelqu’un qui crapahute (très) régulièrement dans les Pyrénées, on peut y arriver « vite ».
Quand je dis que pour ma part je n’en suis pas loin, je tiens à préciser tout d’abord que je n’y suis pas arrivé volontairement… tout simplement car ça ne m’intéresse pas, la collection pour la collection… Par contre, la collection comme ossature d’une aventure…
Je pense que les gens qui ont fait les 129 et/ou ne sont pas loin des 212 sont des personnes qui fréquentent assidument les Pyrénées, ou bien qui y crapahutent depuis un nombre d’années très important…
Je tiens aussi à préciser que pour ma part, pour ne pas être loin des 212, j’y suis depuis tout petit, et même en ayant que 24 ans, j’ai traversé 2 fois les Pyrénées (première à 19 ans et deuxième en 25 jours avec plus de 60 sommets dont… 33 3000 en dix jours (de l’Aneto au Balaïtous, et bien sûr les plus hauts et les plus mythiques)…), je suis professionnel (et diplôméS fédéral), et pour couronner le tout, je suis sponsorisé. Tout ça pour dire que je n’ai pas de mérite particulier, j’y suis tout simplement tout le temps… c’est ma vie.
Je pense qu’à notre époque, où l’on sait que le corps humain suffisamment entrainé peut faire des choses PRESQUE illimitées, le vrai « exploit », c’est d’arriver à partager. J’ai ramené plus de 30h d’images filmées de ma seconde traversée, et bien qu’elle fût très rude, je peux vous assurer que faire des aller-retours pour filmer seul, rester concentré sans cesse pour ne pas rater THE image, etc. c’est de loin ce qui a été la plus grande difficulté de cette traversée…
Je me lance dans l’ascension des 212 d’un coup dans quelques mois. Pas pour la collection (puisque je connais donc la plupart) même s’il s’agit précisément de cela, mais surtout parce que ce défi constitue une belle ossature à une aventure digne de ce nom. Je ne descendrai pas tant que je n’aurai pas en poche les 212. De cette manière, je pense pouvoir là-aussi vivre des choses intéressantes.
Mes sincères félicitations à ceux qui ont réalisé, même en plusieurs années, la liste des 129, car sans être un « exploit », c’est quelque chose de fort, de rare à juste titre. Bravo aussi à ceux qui en ont l’initiative, quelque soit la(les) motivation(s), et même si ceux-là ne réussissent pas, mes félicitations pour la démarche.
Bravo à Txomin pour ses 129 en 24 ans, et bravo pour l’article (quel qu’il soit. Et puis c’est si facile de critiquer…). Sur quelques mois ou toute une vie, tout le monde ne fait pas ça. Lui qui veut aller ailleurs et qui est sollicité pour partager cette aventure, qu’il n’hésite pas, car en plus d’être au moins autant intéressant que d’aller sur des sommets, partager rend service aux autres.
Enfin, pour ceux qui pensent que « tout est fait », que sur notre planète l’aventure, la vraie, n’a plus de place ou qu’il faut aller sur les pôles ou je ne sais où pour la vivre, et bien je trouve cela très dommage… Je vous assure qu’avec de l’imagination, de l’idée, il n’y a pas de limite… Je dois avoir dans ma tête l’équivalent de 10 vies d’aventures nouvelles, de choses jamais faîtes… et il n’y en a que très peu à l’étranger, je suis assez casanier !
En espérant avoir apporté ma pierre à l’édifice de ce « débat » que certains ont lancé peut-être sans le vouloir, (et si ça n’en était pas un, de l’avoir créé !)
Amicalement,
Romain