Dimanche 2 novembre, la barrière a été mise juste à la sortie d’Ailefroide.
La neige tombée ces jours-ci tient encore bien dans les prés sur une jolie petite épaisseur, et fait superbement ressortir les belles couleurs d’automne, le doré des mélèzes, le blond des touffes de graminées.
Une dame se précipite vers nous : « venez vite nous aider, il y a une bête blessée on n’arrive pas à la relever » et lorsqu’on lui demande «quel genre de bête », elle nous dit « ce doit être un chamois, il a les cornes sciées, il saigne ».
On se précipite en pensant « salauds de chasseurs », et on voit allongée dans un creux du terrain une sorte de ravissante petite biche toute affolée qui donne des coups de ses longues pattes grêles pour tenter de se relever. Mais ça n’a de résultat que de la faire tourner en rond. Sur le dessus de son crâne, deux boursouflures sanguinolentes, mais je rassure la dame : non, les cornes n’ont pas été sciées, elles sont tombées, c’est normal, elles tombent tous les ans et repoussent, et il parait que ça peut saigner, j’ai lu ça dans les livres.
En tous cas, la pauvre bête se fatigue, s’énerve, son pouls s’affole, elle se débat, a du mal à respirer…
On pense que le mieux est de téléphoner aux gars du Parc des Ecrins.
La dame doit partir, elle nous dit qu’elle téléphonera en bas, à Pelvoux.
François part pour téléphoner depuis le café qui n’est pas très loin, je reste pour calmer la blessée. J’arrive à l’apaiser, une main sur les yeux, une sur le flan, elle se laisse caresser, reprend son souffle. En fait, c’est un petit mâle. Que lui est-il arrivé ? Est-ce la période du rut, et a-t-il pris un mauvais coup ?
Mais des gens arrivent, avec deux chiens, il s’agite, gesticule dans tous les sens, manque de me donner un coup de sabot dans la figure, arrive même à sauter en l’air, mais n’arrive pas à se mettre debout. J’avertis les gens pour qu’ils tiennent leurs chiens, en fait ils sont bergers (pas du coin), leurs chiens sont hyper bien dressés et restent assis là où leur maitre leur a ordonné, les museaux frétillants quand même !
L’un deux palpe l’animal, trouve qu’il n’a rien de cassé, qu’il a des mouvements convulsifs et conclue que la bestiole a peut-être été empoisonnée…
Il cherche à appeler les secours, mais bizarrement ça ne donne rien alors qu’il a le réseau !
Finalement il appelle les pompiers.
Ensuite il réalisera qu’il avait fait le 118 au lieu du 112…
(c’est fou ce que la pub peut nous faire mémoriser de choses à notre insu !)
François revient, il avait finalement téléphoné aux pompiers lui aussi (Le Parc des Ecrins était aux abonnés absents) qui ont dit « qu’ils envoyaient une équipe en reconnaissance ».
Ce n’est que là que j’ai compris que notre petit protégé n’en n’avait plus pour longtemps, il n’en pouvait plus, se débattait plus mollement, moins souvent, son cœur battait la chamade…
Il parait que leur cœur peut fournir un effort très violent en cas d’urgence, mais il ne faut pas que cela dure trop. Là ça avait sûrement trop duré, et de toute façon, comment soigner une bête sauvage ? J’espérais que les « secours » arriveraient vite pour le coup de grâce, et que celui-ci se ferait paisiblement…
Nous sommes partis randonner jusqu’au pré de Madame Carle en pataugeant bien dans la neige. A côté des quelques traces de pas de randonneurs, des traces bien enfoncées de pattes fines à sabots. L’hiver doit être bien dur pour ces bêtes, je ne sais pas si « la notre » avait déjà baladé ses petits sabots jusque là…
Au retour, je suis allée voir la petite cuvette : elle était vide, seule une petite trace comme une fleur de coquelicot témoignait de ce qui s’y était passé…
PS : je ne m’y connais pas trop en biche et chevreuils, j’ai pensé que c’était un petit de cerf. Puis j’ai lu que les chevreuils perdaient leurs cornes en automne, alors que les cerfs les perdaient au printemps.
Donc, c’était plutôt un chevreuil.