Le Col des Cristaux -6- L’ascension ultime

Si vous avez raté le début :
1 – La montée au refuge d’Argentière
2 – Le sauvetage en crevasse
3 – La rimaye du Glacier du Milieu
4 – SOS crampons
5 – Le couloir en Y

[u]6 – L’ascension ultime[/u]

Nous étions allongés au soleil comme des marmottes, satisfaits de notre escapade de la journée.
La gardienne répéta d’une voix sourde, devant nos mines ahuries :
« Vous voulez toujours faire la Nord-Est des Courtes demain ? »

Sa question, sa mine défaite et sa voix étouffée nous mirent en éveil, nous nous dressâmes, en alerte, pour qu’elle nous dise la suite, terrible…
Puis elle repartit sans attendre nos réponses, pour nous laisser le temps de comprendre, de réaliser.

Nous avions à peine plus de vingt ans, et la mort ne faisait pas partie de notre univers, et même nous évitions, voire refusions, d’y penser.
C’est d’ailleurs pour cela, entre autres, que nous avions changé d’endroit de camping depuis notre premier camp entre copains à « Cham » : Le premier été, nous avions planté les tentes du côté du hameau des Bois, à deux pas de la D.Z. du secours en montagne. Nous étions aux premières loges pour savoir qu’une intervention était déclenchée, et à chaque fois nous avions le cœur serré, jusqu’à ce que l’un de nous essaie de détendre l’atmosphère en disant « encore un parigot qui a une ampoule avec ses chaussures neuves !»…mais nous n’étions pas dupes.

D’un coup le soleil fut moins chaud, la neige moins étincelante, nous nous sommes retrouvés assommés, pantois, glacés…
Je suis allée chercher ma doudoune pour m’envelopper comme dans un cocon et pleurer.
Nous les connaissions à peine, on avait partagé du thé, des biscuits, des informations sur les conditions, les itinéraires, mais on avait surtout partagé cette fraternité qui existe en montagne, cet immense enthousiasme d’être là dans ce décor fabuleux et de grimper.
Cela ne faisait même pas quinze heures, nous étions encore ensemble, et voilà qu’on nous annonçait que pfuitttt ! c’était terminé pour eux.
Une plaque de neige avait glissé, les avait entraînés et ils avaient sauté les barres côté Talèfre.

Le lendemain, nous nous sommes levés à l’aube tous les quatre, chaudement habillés et nous sommes restés debout dehors pendant des heures sous les étoiles à scruter les montagnes, sans un mot.

Mes pensées se bousculaient, s’envahissaient les unes les autres, dans une ronde effrénée.
Je pensai à l’accident, pourquoi, comment…ils faisaient tellement attention ! et puis je songeai aux secouristes qui sont allés les récupérer, et annoncer ça aux parents.
Là, c’était trop de douleur, je n’osai imaginer, j’ai cherché quelque chose qui donne un sens à tout ça, qui le positive. Oui, ils sont partis jeunes, mais ils ont vécu pleinement, heureux.
Et puis, l’idée que « peut-être c’était écrit » et qu’il y a quelque chose « après », il n’y a que ça qui me rassure sinon à quoi bon ?

On a pris une rapide collation, et on est allés comme en pèlerinage jusqu’à la rimaye au pied de la pente. Dans la trace, on distinguait leurs pas, on n’a pas osé les fouler, on a marché à côté. La pente était magnifique vue d’en bas, et moins impressionnante que je ne craignais, et nous sommes revenus au refuge, apaisés par la beauté des lieux, mais tellement tristes.

Nous avons ouvert le livre du refuge. Les cahiers des refuges étaient alors respectés, les cordées notaient scrupuleusement les noms, prénoms, ville ou clubs des participants, la date et la course réalisée. Les remarques étaient concises, parfois un artiste poète ou dessinateur exprimait ses dons sur le papier, pour le plaisir de tous.
Maintenant, ces feuilles blanches servent malheureusement aussi de défouloir avec des gribouillis imbéciles sur deux pages, de papier pour allumer le feu ou noter les points à la belotte. Ce qui fait que la moitié des pages ont été arrachées, et celles qui restent ne couvrent qu’une petite période de l’année.

A cette époque, j’ai le souvenir qu’un seul de ces livres couvrait plusieurs années, ce qui fait que l’on avait une bonne idée de la fréquentation et des conditions rencontrées suivant les saisons et les années. C’était une mine d’or !
Ce qui était bien sympathique aussi c’est que l’on pouvait retrouver trace de ses propres exploits passés dans les livres conservés sur place.
Je n’avais pas encore eu le temps de le parcourir, c’est Bernard qui avait noté nos deux courses.
Nous nous sommes mis à rechercher minutieusement toutes les courses de la face Nord-Est, et c’est là que j’ai vu les petites croix…

Lorsque j’ai vu les premières, j’ai d’abord cru que c’était comme une référence de bas de page, mais j’ai vite réalisé de quoi il s’agissait car certaines étaient commentées.
Et c’est ainsi que j’ai découvert des descriptions de glissades effrénées dans cette face, des cordées seules ou une cordée en embarquant une autre, le tout se terminant très mal dans la rimaye. D’autres avaient réussi sans problème cette face, mais avaient été se tuer ailleurs, sur une autre montagne.

Il m’a semblé soudain que cette montagne des Courtes était d’un niveau supérieur à ce que nous faisions à ce moment, et que ça commençait à être vraiment sérieux au niveau alpinisme.
Il y avait heureusement aussi un récit qui m’a bien plu, et aussi un peu rassurée : il s’agissait d’un véritable miracle grâce à un alpiniste qui s’était retrouvé sans le vouloir à servir de point d’ancrage et de blocage d’une corde, chacun des coéquipiers passant de part et d’autre du sauveur malgré lui !

Je n’ai jamais compris comment cela s’est décidé, mais le jour d’après, il faisait encore bien nuit, nous marchions tous les quatre sous les étoiles vers cette face.

[i](à suivre…)

la suite est là : 7 – La grande pente[/i]

Posté en tant qu’invité par LIlOunet:

[quote=« catherine, id: 951540, post:1, topic:93363 »][i]Si vous avez raté le début :

(à suivre…)[/quote]
en tout cas t’as même pas daigner… regarder mes recettes de chataîgnes cévenoles
mais bon c’est pas grave je vais bouder :frowning:

mais si, LIlounet !!!
J’ai vu tes recettes de chataîgnes cévenoles
et tu fais bien de me le rappeler parce que j’avais des questions à te poser à ce sujet !

et hop !RDV à la suite de ton message à ce sujet pour les questions :stuck_out_tongue:

On peut écrire quoi, là, maintenant ???

Ben, ce que tu veux !
Bon, j’ai déjà 2 lecteurs, c’est pas mal !!!

Au fait, c’est permis de critiquer mon texte : le contenu, la forme…
Celui-là est un peu spécial, avec ce drame, j’avais peur d’en écrire trop ou pas assez… mais j’avais envie (besoin ?) quand même d’en parler.

ouai ben ça m’a coupé les pattes…

Mais j’attends quand même la suite !

                                 [b]❛[/b]⚈[b]•[/b]•[b]·[/b]·... ❜

Ca calme :frowning:

Je crois qu’il faut parler de ce genre de choses (et, à défaut de parler, écrire). On est un peu soulagé après.

J’espère quand même que la suite sera plus gaie. :slight_smile:

Pourquoi « à défaut »?

[quote=« Francois, id: 951770, post:11, topic:93363 »]

Pourquoi « à défaut »?[/quote]

Parce que, ça me parait difficile que Catherine nous parle à tous alors qu’elle écrit pour nous tous.

Donc le forum c’est un peu un tête-à-tête par écrit. Maintenant, on peut aussi parler en écrivant.

Posté en tant qu’invité par MR:

[quote=« catherine, id: 951625, post:5, topic:93363 »]

Ben, ce que tu veux !
Bon, j’ai déjà 2 lecteurs, c’est pas mal !!![/quote]
Allons, allons, catherine : tu sous-estimes grandement le nombre de tes lecteur, je suis sûr !
Ce n’est pas parce que l’on ne dit rien que l’on écoute pas. Et même, d’habitude, pour écouter, il faut commencer par se taire, non ?

Merci de cette suite d’histoires.
Nous sommes plus que tu ne le crois, sans doute, à la suivre de près.

Posté en tant qu’invité par lecteur:

[quote=« MR, id: 951813, post:13, topic:93363 »]

[quote=« catherine, id: 951625, post:5, topic:93363 »]Ben, ce que tu veux !
Bon, j’ai déjà 2 lecteurs, c’est pas mal !!![/quote]
Allons, allons, catherine : tu sous-estimes grandement le nombre de tes lecteur, je suis sûr !
Ce n’est pas parce que l’on ne dit rien que l’on écoute pas. Et même, d’habitude, pour écouter, il faut commencer par se taire, non ?
Merci de cette suite d’histoires.
Nous sommes plus que tu ne le crois, sans doute, à la suivre de près.[/quote]
de près je ne sais pas mais le matin on regarde si le numéro suivant et sorti :slight_smile:

Certains se demandent parfois à quoi sert C2C. Ils ont un élément de réponse avec ce post.
A quand la suite? :wink:

+1 lecteur :smiley:

C’est une suite de récits passionants, tu as l’art de sublimer des petits détails et de ne pas en faire trop.
C’est toujours avec plaisirs que je lis tes récits.

Je voulais te signaler quelque chose qui ne va pas dans cette histoire.

Ce n’est qu’hier que tu a remis un message permettant aux abonnés de savoir que « Le couloir en Y » était prêt.
C’est complètement nul de ta part, car j’ai du attendre 3 jours de plus pour rien afin de pouvoir le lire et en plus pour l’épisode ci-dessus, que j’ai découvert en même temps, je n’ai pas pu jouir de cette douce inquiétude qui tourmente quand on se dit après t’avoir lue et restant sur sa faim : « Mais quand viendra le prochain ».

MERDE ALORS!!! Un peu plus de sérieux, s’il vous plait. :wink: .

ben didonc !
y’a des accros !!!

houla, je vais prendre la grosse tête !
non, sans rire, c’est super sympa que vous preniez du plaisir à lire mes petites aventures alpinistiques !
(même si je n’écris pas si bien que ça…)

bon, là, pour ne pas rester sur une ambiance sombre, je vous remets vite fait dans la blanche neige :

La suite est là : 7 – La grande pente

Mais pas pour rien puisque tu as eu pendant 3 jours le plaisir d’attendre !
ah lala !

Lorsque l’un de nous était impatient, notre grand père maternel lui disait :
« tu as bien attendu 9 mois que ta mère te fasse, tu peux bien attendre encore 5 minutes ! »