L'Allalinhorn pour les nuls

Posté en tant qu’invité par Popol:

Dans le forum « Conditions alpinisme », un post au sujet du Cervin on nous apprend que les guides de Zermatt organisent un stratagème pour évincer les alpinistes étrangers lors de l’ascension de l’arête du Hörnli et pouvoir ainsi gravir « leur montagne » sans être importunés.
Avec la complicité du gardien du refuge ils se lèvent et partent avant les autres alpinistes.
Un guide commence l’ascension avec les clients des autres guides toutes les frontales éteintes pendants que ceux-ci (les guides) se dirigent dans une mauvaise direction toutes frontales allumées dans le but de fourvoyer la cohorte suiveuse des alpinistes étrangers.
Arrivés à un certain endroit ils éteignent leurs frontales et rejoignent leurs clients dans la voie normale qu’ils peuvent alors gravir en toute quiétude.
Simple, mais il fallait y penser.
A priori cette pratique semble aberrante mais à la réflexion, il n’en est rien.
En effet, j’ai très récemment vécu une petite mésaventure qui pourrait en partie expliquer le comportement surprenant des guides de Zermatt.

J’avais projeté de gravir avec ma compagne, l’Allalinhorn (4027 m.ü.m) par le Hohlaubgrat. C’est une course de neige, une arête peu difficile et fort fréquentée au départ de Britanniahütte. L’heure « normale » de départ préconisée par le gardien est quatre heures et demie; cependant certaines cordées ont quitté le refuge une heure plus tôt, en même temps que les prétendants au Strahlhorn.
Lorsque le jour se lève nous sommes sur le Hohlaubgletscher et nous pouvons voir plusieurs cordées progresser lentement mais déjà haut, sur l’arête que nous convoitons.
Nous évitons les éboulis de la partie inférieure de la voie et atteignons rapidement, mais sans précipitation, l’arête maintenant ensoleillée. La crête est raisonnablement large, mais à notre droite, la pente du versant nord-est que nous dominons est raide et barrée de séracs impressionnants. Je n’y descendrais pas à ski.
A notre gauche le Strahlhorn, énorme bosse de neige et le Rimpfischhorn, tout hérissé d’escarpements rocheux, semblent tout proches.
Il fait bon, aucun vent ne souffle, et la neige est déjà un peu moins dure; tant mieux : ça facilite le cramponnage.
Nous continuons notre progression, heureux de passer une fois de plus une belle journée en montagne.
Cependant un détail m’intrigue. En effet quelques centaines de mètres plus haut, une barre rocheuse défend l’accès à la crête sommitale. Ce passage est décrit dans le topo comme étant du deuxième degré, haut de trente mètres, et équipé de nombreux pitons.
Je pensais donc surmonter cet obstacle en une dizaine de minutes. Pourtant il me semble y distinguer une cordée bloquée depuis un certain temps. Une vingtaine d’autres alpinistes sont agglutinés au pied du passage rocheux.
En une heure nous atteignons l’endroit. La cordée immobilisée comprend quatre français, trois hommes et une femme. En fait, ils progressent centimètre par centimètre, le premier installe un relais à chaque piton rencontré puis fait monter les autres membres de la cordée les uns après les autres. Chacun étant assuré du haut par le premier et du bas par la personne qui le suit, celle-ci étant solidement vachée au piton inférieur. La manœuvre prend un temps infini.
On manipule des huit(s?), on sangle des becquets, on ouvre, on ferme, on visse et dévisse des mousquetons, on emmêle et on démêle la corde, on monte de quelques centimètres, on se vache, on se dévache, on se revache, on reste immobile pendant de longues minutes les jambes tremblantes en criant « Sec !! Sec !!! Seeeccc !!! ». On fait tomber un bloc gros comme une télévision.
Les ordres d’escalade fusent :

  • C’est bon tu peux y aller !
  • Attends ! Je me dévache !
  • C’est bon tu peux y aller !
  • Non la corde n’est pas tendue !
  • Mais si elle est tendue !
  • Non elle est coincée ! Tire !
  • Attends ! Il y a un nœud coincé dans une fissure !
  • … (dix minutes passent)
  • C’est bon j’ai enlevé le nœud ! Monte !
  • Non ! Il y a un bloc qui bouge !
  • Monte !
  • Non je glisse ! Sec !! Sec !!! Seeeccc !!!
  • Tu vas monter oui ou merde !
  • etc… etc…
    Peut être qu’ils tournent « les Bronzés font de l’alpinisme ». Ils vont bientôt balancer leurs chaussures et leurs montres en or.
    Ils me font penser à ces falaisistes qui squattent une voie en moulinette pendant des heures et des heures à la différence qu’eux c’est un quatre mille qu’ils squattent.
    Certains grimpeurs entreprennent de doubler cette cordée d’empotés mais ce n’est pas facile.
    A gauche les rochers sont raides et un mur de neige vertical barre la sortie. A droite un couloir de rochers très délité ne permet pas de passer sans canarder les cordées qui attendent en dessous. Il y a maintenant une douzaine d’alpinistes bloqués dans le passage, incapables d’avancer ou de reculer, lamentablement vachés, un sur un piton, un sur becquet, un sur un coinceur…
    Nous poireautons depuis une heure déjà et nous ne pouvons pas décemment jouer des coudes pour passer devant les cordées qui étaient là avant nous. Il serait d’ailleurs un peu dangereux de s’engager trop nombreux dans le passage. Vu le nombre de personnes qui nous précèdent, nous allons devoir encore poireauter une heure ou deux.
    Finalement nous sommes agacés par cette ambiance de supermarché, et de plus, des nuées commencent à envahir le ciel. Les sommets du Täschhorn, du Dom et de la Lensptize ont disparus sous les nuages. Amèrement nous décidons de redescendre.
    Tout en bas sur le glacier nous rencontrons des skieurs qui reviennent du Strahlhorn.
    C’était magnifique disent-ils; eux au moins sont heureux.
    Nous sommes quand-même furieux d’avoir vu notre journée gâchée par une cordée de sarpés. Je conçois bien que des gens qui ne pratiquent l’alpinisme peut-être pas plus d’une semaine par an aient l’envie et le droit de gravir les plus hauts sommets des Alpes; mais s’ils n’ont pas les compétences pour assurer leur progression dans des conditions normales de sécurité, qu’ils louent alors les services d’un guide. Il faut aussi considérer qu’ils mettent en danger les autres cordées en faisant tomber des pierres, en bloquant la progression dans les passages « difficiles », rallongeant ainsi les horaires avec les risques que cela induit : orages de l’après-midi, mauvaises conditions de neige ou chutes de pierres à la descente. Le problème avec les « alpinistes » tels que ceux que nous avons rencontrés lors de cette mésaventure est qu’ils ne sont même pas conscients de leur incompétence et des dangers qu’ils encourent et qu’ils font courir aux autres.

J’en reviens aux guides de Zermatt.
Vu la surfréquentation du Cervin, il y a forcément dans le grand nombre de cordées prétendant au sommet, un petit nombre de cordées d’incompétents susceptibles de bloquer les autres alpinistes pendant des heures, en particulier dans les passages équipés de cordes fixes vers le sommet du Cervin.
Il est clair que les guides de Zermatt, sans arrêt confrontés à ce problème ont étés contraints de trouver une solution qui leur permette d’exercer leur métier dans des conditions normales; c’est à dire de pouvoir gravir le Cervin en respectant un horaire normal, garant non seulement de sécurité, mais aussi d’agrément pour leurs clients.
Cette solution, ils l’ont trouvée et j’en suis ravi pour eux.

P.S : Je ne suis ni guide ni de Zermatt.

Posté en tant qu’invité par rapha:

de toute façon normalement si tu fais gaffe tu dois la vieille reconnaitre le chemin sur 30 min 15 minimum donc tu es censé flairer le piège. Cependant il y a l’aspect sécuritaire qui pourrait etre soulevé en effet induire qlq1 par erreur (erreur dans un topo par ex) n’est pas comdannble mais lancer des gens volontairement sur un fausse piste qui peut s’avérer dangereuse c’est déontologiquement douteux surtout pour des GUIDES.

Posté en tant qu’invité par s:

Cette histoire sur les guides de Zermatt est une legende, c’est vraiement du n’importe quoi. J’y suis alle l’annee derniere, sans guide, et c’est vrai qu’ils partent plus tot, mais qu’ils induisent les gens en erreur volontairement, alors la… c’est des conneries.
Quand a ta mesaventure, c’est malheureusement la rancon de la popularite croissante de l’alpinisme. C’est affligeant, mais on voit tout et n’importe quoi, surtout sur les itineraires faciles. J’etais recemment aux Aiguilles du Tour avec des debutants et on a vraiement vu des choses incroyables sur ce petit bout d’arete de rien du tout: des gens encordes a 20m. qui ne laissaient ni croiser, ni depasser, des gens crapahutant avec des batons de ski, d’autres competement carbonises, une cordee de 5 qui se marchaient dessus. Et ca crie, et ca fait des theories. A vous degouter. Il vaut mieux aller sur des sommets anonymes ou des itineraires plus difficiles.

Posté en tant qu’invité par dav:

légende ou pas, c’est vrai qu’au vu de ce que tu racontes, on pourrai comprendre le comportement des guides, mais comme le dit rapha: ça ne colle vraiment pas avec l’esprit de la profession (faut dire que je suis naïf). En tous cas je comprend que tu ai pu être dégouté, car rater une ascension (quand tu vas pas en haut c’est quand même un peu l’échec) à cause d’une autre cordée ça fout les boules. J’ai vu qq chose de similaire sur la VN de la Grande Casse y a qq années, le passage était en glace vive: je crois que c’était un gpe CAF ou UCPA je ne sais plus: je dirais qu’heureusement ils étaient encadrés… , mais bon ils ont posé cordes fixe et broches et tout le trala sur le passage un peu raide de l’entame du glacier… bonjour le bouchon à 5h du mat !
Bon ça n’a pas pris des proportions identiques, mais + il y a des cordées lentes, + tout le monde perd du temps.
Que faut-il faire ? je ne sais pas, mais je pense que si on a un groupe soit nombreux, soit de novice, il faut avoir la clairvoyance de laisser passer les cordées qui suivent… d’une ils vous font la trace, et de 2 ils gardent le sourire ;-))

Posté en tant qu’invité par hervé57:

Voici-là une expérience plutôt désagréable à vivre, être bloqué par d’autres « collègues » dans une voie et du même coup rater la sortie…

c’est sans aucun doute frustrant, mais je crois que l’ouverture de l’alpinisme à un large public engrange le fait que les voies plus ou moins faciles deviennent « banalisées » par leur fréquentation importante et qu’il est facile d’être abusé par la cotation F ou PD

Après, il est vrai que si l’on ressent de grandes difficultés dans un passage donné, autant faire en sorte que les autres n’en patissent pas, quitte à ce que d’autres alpinistes mettent les débutants à l’aise en les épaulant: moi-même, si je me retrouve sur un terrain que je ne maîtrise pas totalement et que j’ai de hésitations ou que je prends trop de temps, j’essaierai toujours d’être discret mais je souhaiterai aussi qu’un autre pratiquant plus experimenté fasse preuve de pédagogie en me donnant des conseils, du style où assurer mes appuis, ce qu’il ne faut pas faire, comment procéder etc…plutôt que de me dire de lever le pied et de redescendre dans la vallée en grinçant des dents

C’est ma philosophie: il faut essayer d’être convivial! et de le rester car cela ne peut qu’arranger les choses…Si un alpiniste débutant est en difficulté, autant ne pas le brusquer, sinon il va faire n’importe quoi…Si vraiment il y a exagération comme dans ton récit, Popol, je ne saurai pas comment réagir, tout dépend…

En tout cas, je souhaite ne jamais créer d’embouteillage sur une voie!

Hervé57

Posté en tant qu’invité par Olivier:

Pour revenir sur le problème du Cervin, je vais citer mon ascension de 2001. Partit tot du refuge, j’ai suivi les quelque frontales déjà présentes sur la montagne et rapidement me suis retrouvé sur le sommet du premier gendarme de la crete (au lieu du sentier qui le contourne) la seule solution était de faire demi tour, ce qui ne fut pas chose aisée en raison de la multitude de cordées ne comprennant pas l’erreur. Un temps precieux fut perdu, ce qui nous a contraint au bivouac dans la descente. Le lendemain apres le bivouac, en repassant sous le sommet de ce premier gendarme, je ne fut pas surprit de voir le corps sans vie d’un de ces nombreux alpinistes qui parcourent seuls la montagne, il aura surement été bousculé en tentant un demi-tour.

Si pour s’assurer la tranquilité sur leur montagne, les guides de Zermatt continuent leur pratique frauduleuse qui consiste a égarer les alpinistes étrangers, il est probable qu’un jour un lien sera fait entre leur comportement et les nombreux accidents qui ont lieu au départ de l’itinéraire de l’arête du Hoernli.