Posté en tant qu’invité par EV:
Nous avons été très émus par tes récits, jl, comme par ceux de Séverine et de Thibaud. Autant qu'un récit, tu as écrit un hymne à la fraternité, encore que le mot ne convient pas autant que celui de "frérie" (qui n'existe pas) dan le sens où J. Brel l'invente dans la chanson Jojo : "tu frères encore, Jojo, …".Comme d'autres l'ont fait, je tire mon chapeau devant ta réaction rapide, adaptée et instructive. Aussi, dans ce qui suit, ce n'est pas à toi que je m'adresse, mais j'apporte une petite pierre à ce forum J'y joue le rôle du vieux sage, non pour contester l'utilité des moyens modernes dont il serait regrettable de se priver, mais pour témoigner de la façon dont on procédait pour limiter les risques.
Etant de la génération des parents et des oncles de jl et ayant couru quelques sommets avec son grand-père, j'ai fait bien des balades et plusieurs raids de ski en haute montagne, toujours sans guide. Car, en dehors des crampons, piolet et corde, nous n'avions qu'une pelle, surtout utile pour dégager les portes des refuges, une spatule de rechange (les skis étaient en bois et se cassaient parfois), et des couteaux à neige pour le cas où, pris par le mauvais temps, il aurait fallu construire un igloo. Il ne fallait pas trop compter sur les secours, longs à prévenir et à mobiliser. Il n'y avait à peu près personne non plus pour vous venir en aide ni, à l'inverse, pour déclancher des avalanches au-dessus de soi.
Nous avions quelques règles, au moins implicites. La première était sans doute celle de renoncer à une course si les avalanches, ou le mauvais temps, paraissaient la rendre trop risquée. C'est ainsi, entre autres, que j'ai raté le Mont Blanc, et passé une autre fois trois jours dans un refuge sans tenter les sommets convoités. La deuxième règle était de considérer qu'avant Pâques, voire fin avril, on allait à la rigueur en forêt et en basse montagne, dans des lieux non dominés par de grandes pentes, mais on ne partait pas en ski de montagne ou de raid. La troisième règle était qu'on ne partait pas, après une chute de neige d'une quarantaine de centimètres par exemple, sans que s'écoulent trois jours ou parfois quatre pour lui laisser le temps de se transformer.
Et puis évidemment, nous nous instruisions sur ce que l'on savait alors de la dynamique des avalanches ; nous interrogions des montagnards chevronnés, du CAF ou locaux, avant de commencer à être expérimentés ; nous consultions les guides skieurs quand ils existaient, les cartes indiquant les couloirs classiques d'avalanche, et permettant d'estimer les pentes au-dessus ; nous demandions localement les risques et l'historique des chutes de neige, pour nous faire une idée des zones de striction et de leur adhérence ; nous tenions compte de l'heure, des ruptures de pente, etc.. L'échelle des risques est bien utile ; valable pour de grandes zones, elle demande une interprétation locale.
Cela n'empêchait pas tous les accidents. Un de mes amis, un peu casse-cou peut-être, est mort sous une petite avalanche, un jour dangereux mais en un lieu pas trop risqué. Il avait réchappé de deux autres avalanches, l'une en se dégageant difficilement de gros blocs qui les coinçaient, lui et ses compagnons, l'autre après avoir surnagé sur le haut d'une nappe, mais après 600 m de dénivellation (ce devait être sans skis).
Ce sont des règles de bon sens, pensez-y en partant. Et bonnes randonnées en ski !