Allez, après moult et moult essais, celui ci est le bon.
Voici la suite de la suite du gras jaune.
Pour les liens qui n’arrêtent pas de planter, on verra plus tard. Zut!
(quelqu’un aurait un truc pour la tête? ne me répondez pas « un chapeau »!!)
donc. la suite:
-qu…quoi ?
- la croix, je la vois.
A ce stade de l’histoire, les alpins ne connaissant pas nos misérables montagnes, pourraient croire à une vision divine. Que nenni. Lourdes ne se trouvant qu’à quelques dizaines de kilomètres ne justifie pas une intrusion impromptue dans ce récit.
La croix. Bien sûr. Celle qui marque la fin des difficultés. La croix qui annonce le chemin du soleil et la voie vers la liberté où nous croyons tous terminer, comme Jésus, notre sauveur…
Oups. Je m’emballe là.
Non, je parle de la croix qui indique l’entrée de la cheminée pour les grimpeurs en errance sur le pierrier parsemé de cairns et de sentiers perfides qui amènent le touriste vers la falaise.
Je redescends sur terre :
- ah, oui. La croix…
Au-dessus de moi, à quelques mètres, la croix métallique est toujours là. C’est vrai qu’elle est utile cette croix. Quand je quitte ce sommet, je ne pense qu’à elle, jusqu’à la retrouver.
Jean-Pierre me rejoint et nous doublons le premier panneau de signalisation montagnard pyrénéen.
La vue se débouche enfin. Le soleil illumine les pierres du Rein de Pombie, le pierrier le plus pénible que je connaisse.
Je sais qu’à partir de là, la réelle difficulté commence pour moi. Pour mon compagnon aussi, hélas.
Nous cheminons doucement entre les blocs. Il n’est plus question d’observer le paysage qui pourtant le mériterait.
Les cailloux glissent les uns sur les autres. Nous dérapons. Deux pas en avant, un pas en arrière. La progression est lente. Il est bientôt midi et le soleil n’en finit plus de s’échauffer.
Je jette un œil vers le short de Jean-Pierre. Sa peau se nuance de belles couleurs roses.
Je suis content de porter un pantalon.
Les arrêts se suivent et se ressemblent. Mon sac est allégé de la première bouteille.
Ce pierrier n’en finit pas. C’est un vrai désert suspendu entre ciel et terre. Il fait chaud.
Jean-Pierre fuit de partout. Il est trempé. Une multitude de petits canaux doit relier les pores à sa bouche. Le transfert est direct.
La vision surréaliste que j’attends se produit enfin.
Le névé est toujours là.
Au beau milieu de ce désert de pierre, sous cette chaleur écrasante, subsiste éternellement ce petit bout de neige. Quelle que soit l’année, quelle que soit la période, j’ai toujours croisé ce passage avec bonheur. C’est un havre de frais qui redonne vie et envie au grimpeur démotivé.
Je saute à pieds joints dedans. Quel plaisir. Les cordées qui nous ont doublé ne l’ont pas encore trop piétiné.
Jean-Pierre ne pense plus. Il ne voit plus non plus. Je ne suis même pas sûr qu’il se soit rendu compte du changement de nature du sol. Il est temps qu’on arrive.
Nous avons déjà triplé le temps de traversée du pierrier.
La deuxième bouteille est entamée.
Le regard posé au fond de sa trace de pied à venir, mon compagnon avance. Sur ses cuisses se dessine la douleur musculaire. Il peine. Nous sommes bientôt en haut.
Je ne sais pas comment il fait pour ne pas craquer. Il m’a l’air épuisé.
Peu à peu, nous approchons du sommet.
Enfin, la vue se dégage sur trois cent soixante degrés.
Nous y sommes. Enfin, presque.
Un dernier passage un peu aérien mais horizontal, nous en sépare.
Une quinzaine de personnes terminent leur repas et se prennent en photo.
- On mange ici ? On fera le sommet après, quand vous serez reposé ?
- Ce n’est pas là ? Ah bon. Non alors. On va au sommet, on mange là-bas.
Je ne sais pas d’où il tire ses ressources.
Je désescalade un bloc, passe sur l’étroit pont de pierre et jette un œil aux couloirs de chaque côté : De vilains goulets à cailloux sur plusieurs centaines de mètres se terminent sur des barres rocheuses. J’ai toujours ce vilain sentiment d’insécurité qui me maintient en vie.
La remontée en face se fait sur des gradins un peu lisses, avec des contremarches déversantes.
La face nord, froide et sombre m’attire.
Derrière moi Jean-Pierre vient de traverser. Il entame la remontée. Il semble aller mieux.
La vue de l’arrivée le motive.
Nous sortons finalement au sommet, au milieu de bonjour français, holà espagnols, amas de sacs multicolores et sandwiches odorants.
Ça y est.
Un regard, un sourire.
Je suis content de partager ce moment avec beau-papa.
Le vent sèche son visage qui scrute l’horizon.
Je lui montre la vallée au Nord avec au bout la ville de Pau, la station de ski d’Artouste, le Lurien, le Palas et le Balaïtous. La vue s’étire très loin jusqu’au Vignemale et la Grande Fache.
Au Sud, le col du Pourtalet donne l’accès à l’Espagne. Les voitures aux coffres alourdis de cigarettes et d’alcools quittent les parkings. Les ventas doivent vomir leurs touristes abreuvés de tourons, de piquillos et de moscatel.
A l’Ouest, derrière le petit pic d’Ossau, le lac Bersau surveille les lacs d’Ayous.
Le plateau envahi par les vaches déverse ses promeneurs vers le lac de Bious-Artigues.
Le pic du midi d’Ossau, est un ancien volcan. Il n’en reste presque rien. Mais ce qui en fait un pic particulier, c’est sa situation sur la chaîne des Pyrénées. Il est tout seul au milieu d’une vallée. Même s’il ne culmine qu’à deux mille huit cent quatre vint quatre mètres, il se détache des autres sommets depuis le centre de Pau. Il rayonne tellement, qu’il en est humanisé. Il est baptisé « Jean-Pierre », du prénom du berger qui l’aurait gravi la première fois à la poursuite d’une brebis égarée, ou peut être dérivé de géant de pierre, surnom qu’impose le massif.
Vous comprendrez là que c’est un sommet que j’affectionne particulièrement, tant par l’intérêt de sa surface de jeu que par la majesté du lieu et le respect qu’il suscite.
mais, et le gras jaune?
oui oui, j’y viens…