En 2003, été aux mauvaises conditions, sur un glacier facile bien crevassé, j’ai été témoin d’une chute en crevasse de personnes très proches. La mort a rodé mais n’a rien emporté, nous avons pu réagir à temps en s’improvisant secouristes, le temps que le vrais secouristes arrivent. La brutalité de l’évènement, la parenté et l’attachement viscérale aux personnes accidentées dont on a craint pour la vie, hé bien ça laisse un choc, disons 3heures d’angoisse très forte lors de l’évènement lui-même, puis faut du temps pour décanter le truc.
Comment faire pour opérer son « retour à la montagne » si on le souhaite vraiment?
ben ça dépend des gens
là pour le cas de cet accident, la chute de deux personnes en crevasse s’est faite par manque d’expérience du terrain, manque de vigilance, par un encordement pas assez long (à peine 2m!!) alors que çe jour-là l’autre cordée dont je faisais partie avait respecté les règles et n’avait pas eu de problème, sur terrain comparable.
Malgré cela, afin de pouvoir appeler les secours car le portable passait pas, un d’entre nous a du prendre le risque de franchir une partie du glacier, heureusement vite découverte(glace) du glacier, tout seul . En second ressort moi aussi après j’ai pris ce risque de manière plus contestable…Ce sont des choix dont on peut toujours discuter après, s’en vouloir ou non, on les a fait, c’est fait c’est fait, voilà…ce qui compte c’est que tout soit bien terminé. Et dans l’avenir on envisage les choses autrement.
Conséquence : je sais pourquoi l’accident s’est produit car à la base tout n’avait pas été fait pour descendre dans des conditions de sécurité acceptable, c’est à dire pour palier à un incident, type un pont qui lache.
Les causes sont entendues, les conséquences comprises, les solutions à apporter sont intégrée, donc pour mon cas, il n’y a pas eu de fatalité, voilà ma manière de surmonter le « choc ». Et pour notre cas heureux, puisqu’il n’y a pas eu de morts, c’est un avertissement. Quand il y a un drame c’est pas pareil, c’est évident. Je ne sais pas si j’aurai continué, aucune idée…
Evidemment quand je marche sur un glacier dans des conditions similaires, c’est à dire après transformation de la neige avec des ponts douteux de partout, hé bien je n’aime pas cela, je me rappelle imédiatement l’accident, je suis ultra-vigilant et je mets la pression pour que tout soit bien respecté. De manière générale, j’essaie d’éviter dans mes choix de courses d’être confronté à ce genre de situation et de conditions.
N’empêche que cette saison-là, 2003, je me suis arrêté pour l’alpi au jour du 20 juillet… . Provisoirement, bien sur. Mais j’ai mis un trait pour que le temps fasse son travail et remettent les choses au clair. Solution : j’ai diversifié! J’ai fait de la rando, du VTT, un peu de canyon facile, de l’escalade en couenne etc…le temps qu’en alpi, les choses décantent. Je ne dis pas qu’on oublie, on oublie jamais, surtout quand ça s’est mal terminé 
D’ailleurs on ne me redemandera de remonter ce glacier quand bien même il est tout bouché, je viens pas en montagne pour me faire mal à l’esprit.
D’un autre côté, c’est soit on arrête parce que le malaise est trop grand, soit on continue quand même et dans ce cas, hé bien, il faut tirer la leçon de ce qui s’est passé, c’est à dire que, même si c’est, ou bien ça aurait pu être, tragique, il faut en tirer quelque chose de positif. De toute façon ça ne change à ce qui s’est passé… L’ami qui est décédé, faut penser à lui, le proche qui a failli y rester, faut penser à lui et donc par considération, il faut que cet évènement fasse changer les choses, qu’on fasse renaître le phoenix de ses cendres d’une manière ou d’une autre…
En tout cas, en cas de malaise, de peur convulsive, je crois qu’il vaut mieux pas forcer, la montagne est un loisir, pas un martyrologue. Faut reprendre progressivement si le besoin est formulé, sans forcer et laisser le temps faire la part des choses.