La montagne et l'autre

Bonjour,

Compagne d’un montagnard chevronné, je n’empêcherai jamais « mon homme » d’aller en montagne, je ne peux pourtant rester toujours sereine face aux dangers que représente sa passion.
Novice, je ne peux me rendre compte de l’engagement de certains de ces projets, et j’avoue ne pas rester toujours sereine face à mon téléphone en attendant de ces nouvelles ces journées ci. J’essaie au maximum de ne rien laisser paraître et lui fait énormément confiance, mais les moteurs des hélicos du pg parfois me rendent un peu parano.

Je voulais avoir vos témoignages en tant compagne ou compagnon de ces amoureux des cimes, ou bien en tant que pratiquant .

Merci d’avance

Je crois que tu devrais lui parler de tes angoisses, ou du moins en parler à quelqu’un. Garder tes angoisses pour toi n’est pas une bonne chose. Il est normal de s’angoisser un peu pour celui que tu aimes mais à tout garder, les choses ne s’arrangeront pas. Partage tes peurs avec lui. Il saura probablement te rassurer en partie.

Un jour que je travaillais d’arrache-pied pour gagner plus, les copains ont décidé d’un commun accord sans le mien d’aller faire le couloir de gaube au Vignemale.
Déçu, je décidais néanmoins d’aller les rejoindre à la sortie dès le lendemain midi.
Armé de mon appareil photo, de mon courage et de toute la jalousie que pouvait contenir mon sac, je les rejoignais vers onze heure.
Enfin, quand je dis rejoignais, c’est un bien grand mot.
J’avais beau me pencher depuis le piton carré qui surplombe le couloir, je ne voyais rien.
Sans trop comprendre, je me suis dirigé vers le sommet du Vignemale. Ils étaient peut-être déjà au sommet.
Ils n’y étaient pas.

De retour au dessus du couloir, j’ai fini par les apercevoir très bas, trop bas pour espérer les voir sortir bientôt.
A grand renfort de cris ils ont fini par me faire comprendre qu’ils étaient parti tard du refuge, que la rimaye leur avait posé des problèmes, et qu’ils étaient à cour d’eau.

J’ai dû faire tous les sommets autour du glacier en les attendant.
Bon, faut dire que le glacier a souffert de la latitude aussi. Donc j’ai fais les deux autres sommets en face du couloir qui ne voulait pas lâcher ses deux prisonniers.

Il était bien quinze heure de l’après midi quand je décidais d’abandonner mes camarades à leur triste sort.
Z’avaient qu’à m’attendre et m’emmener avec eux.
Je confectionnais un petit tas de neige avec au milieu une bouteille de deux litres d’eau et une plaque de chocolat, destinées à accueillir les vainqueurs du gaube.
Après des adieux criards, je m’en allais l’âme en peine, déçu de ne point participer aux réjouissances.

Vers dix-neuf heure, la mère d’un de mes copains m’appelait.

  • Eric n’est pas rentré. Tu n’as pas de nouvelles ?
  • Euh, non …
  • Il est 19h00 quand même, ils ne devraient pas être rentrés ?

Je sentais bien l’inquiétude naître dans sa voix.

  • Oh, vous savez, je les ai quitté à 15h00. Ils n’étaient pas encore sorti. Il devaient bien leur rester deux bonnes heures de grimpe. Plus l’escalade dans les rochers pourr… dans les rochers sur la droite, on peut compter une bonne demi-heure de plus. Après, il reste la descente jusqu’à la voiture. Deux heures s’ils sont pressés, trois s’ils ont fatigués. Et ils doivent être fatigués.
  • Mais c’est normal tout ce temps ? Ils ne devraient pas être rentrés plus tôt normalement ?
  • Si, mais ils se sont levés tard, ils ont traîné. Ne vous inquiétez pas, d’ici une heure ils seront à la voiture.
  • Ok, merci Quentin.
  • Bonsoir madame.

Sur le coup, c’est moi qui était inquiet. Bien-sûr qu’ils devaient être sorti les types. Et depuis un moment encore. Je tournais en rond, ne sachant trop quoi faire.
Vers vingt heure, la mère du copain rappelait.

  • Quentin, c’est encore moi. Je n’ai toujours pas de nouvelles.
    Sa voix nouée avait du mal à prononcer les mots qu’elle redoutait.

  • mais non, pas de soucis, ils doivent être à la voiture, mais vous savez en montagne ça ne capte pas partout. Il faut attendre qu’ils soient en vallée. Écoutez, dans une heure, si vous n’avez pas de nouvelles, rappelez moi. On avisera. D’ailleurs, rappelez moi de toute façon, j’ai bien envie qu’ils me racontent leur sortie. A tout à l’heure.
    Cette fois-ci, je préparais mes affaires et m’imaginais déjà au pied du couloir dans la nuit.
    Une demi-heure plus tard, Eric m’appelait:

  • ma mère m’a dit que tu t’inquiétais pour nous ? Et il partit d’un grand éclat de rire. Ça y est, on l’a sorti ce satané couloir. Et merci pour l’eau et le chocolat, ça nous a fait super plaisir en arrivant.

Voilà. La montagne c’est du plaisir pour ceux qui y sont, c’est de l’angoisse pour ceux qui restent.
Comme dit Aurore: parles lui. Explique lui ce que tu ressents. Ce sera bien mieux pour vous deux.

On sait bien que ceux qui attendent sont dans l’anxiété, ce qui est à double tranchants : car des fois on serait plus en sécurité en bivouaquant tranquillement, mais on se dit que la consigne donnée est d’alerter le secours en montagne si pas de nouvelles à telle heure, donc pas question de bivouac pour s’y faire réveiller par les secouristes !!! Alors on continue à marcher. Si le terrain est pas trop difficile, ça va, mais bon … Et pourtant il faut bien se mettre d’accord d’avance sur l’heure d’alerte si pas de nouvelles.

Je dis toujours qu’il faut laisser 24 heures à une cordée pour qu’elle montre qu’elle est capable de se tirer d’affaire par ses propres moyens, mais la consigne est quand même l’alerte à minuit parce que toute une nuit d’attente serait trop dur pour ma douce.
D’autant qu’une nuit j’étais en panne sous l’orage, en chemisette, sur une route de montagne à un endroit où le portable ne passait pas, obligé de dormir dans le fourgon, et qu’elle avait été morte d’angoisse au point d’alerter par téléphone tous les copains du coin qu’on connaissait !!!

Autrement la seule fois où elle a réellement alerté le secours, c’est qu’à la suite de l’épuisement de la batterie de mon portable je n’avais pas pu la rassurer pour lui dire que certes j’avais du retard, mais rien de cassé. Mais comme c’était la consigne elle l’a fait, et je lui ai dit merci, même si ça a été en fait inutile puisque je suis arrivé à la voiture en même temps que les secouristes, il est vrai fort tard par une nuit très fraîche… (smiley du chat égyptien qui rase les murs …)

Il y a une excellente nouvelle d’Anne Sauvy à ce propos, après plusieurs fausses alertes le mec se retrouve vraiment très mal, et se demande avec angoisse combien de temps elle attendra pour demander l’hélicoptère. Tandis qu’elle, sermonnée et honteuse de ses angoisses, est tranquillement partie faire la fête avec ses copines … Bref l’essentiel est de se fixer des règles de conduite, et principalement une heure d’alerte faute de nouvelles … et de prendre soin de la batterie de son portable !

Il vaut mieux alerter les secours pour rien que ne pas les alerter pour quelque chose. Ils ne vous en voudront pas.

Essaie de parler avec lui de ton inquiétude, et de convenir de « rdv » au téléphone (le portable passe de mieux en mieux aussi en montagne), p.ex. une fois qu’il est au sommet, de retour à la voiture, et de connaître son horaire approximatif.
Nous on s’est arrangé comme ça, et c’est sympa de recevoir un MMS avec la photo du sommet!
C’est vrai qu’il m’arrive relativement souvant d’appeller la première, et en général il allait le faire « tout soudain », comme quoi les grands esprits se rencontrent…

Et bien, moi, une fois, j’ai bivouaqué sur un sommet, c’était le week-end de Pâques. On a préféré cette option à une descente craignos dans la nuit noire. Et on s’est bien caillé, aussi.
Et figurez-vous que mon copain de l’époque ne s’est absolument pas inquiété…
Et nous on est descendu le lendemain matin, au lever du jour.
De retour à la maison, je lui raconte nos mésaventures. Et là, il m’a dit : « Ah bon, tu devais rentrer dimanche ? je croyais que ça durait tout le week-end ! »
Comme quoi il y a des personnes plus ou moins anxieuses…
Je ne sais pas si c’est une chance ou pas, mais je ne suis jamais tombée sur un copain qui se fasse du soucis pour moi, quand je partais en montagne. Ou bien ils le cachaient bien.
Peut-être qu’ils souffraient en silence…

je crois que c’est quelquechose d’assez inévitable d’être anxieux quand sa moitié part en montagne… (mais c’est pas que la montagne, parfois un retard alors qu’il devait prendre la route et on se demande s’il y a pas eu un accident aussi…)

moi je me souviens de l’été où je bossais à Montroc, et mon compagnon de l’époque était parti faire les Drus avec des copains (dont un guide, et pas n’importe lequel en plus…)
la Verte et les Drus je les voyais super bien depuis mon boulot
sauf que ce jour là je les voyais plus tellement il y avait de brouillard, c’était plein mois d’aout mais ça caillait, et on sentait la bonne tempête de neige là haut
évidemment le portable le passait pas
impossible d’appeler le refuge de la charpoua pour savoir s’ils étaient partis ou non
j’ai même tenté d’appeler le refuge des cosmiques qui d’après l’OHM avait des liaisons radios fréquentes avec la charpoua
résultat, je n’avais aucun renseignement et c’était la panique

3 h plus tard, coup de fil
ils étaient en bas
limite en train de se bidonner
moi un peu verte de rage de n’avoir pas eu de nouvelles avant

c’est vrai que ceux qui partent vivent ça de l’intérieur, ceux qui restent de l’extérieur et c’est pas le plus facile

je trouve que c’est une très bonne idée de lui dire
effectivement fixez vous une heure d’appel si « pas de nouvelles »
mais parlez en :wink:

ceci dit il n’y a pas grand chose qui fera que tu seras moins inquiète
on sait pertinemment ce qui peut se passer là haut :confused:

merci de vos témoignages !

j’ai un peu peur de ces rendez vous téléphoniques car dans le cas d’une déficience de portable, je redoublerai de craintes ! mais je lui parlerai d’une heure critique à déterminer avant d’appeler le pg , ce que je n’ai jamais fait pour l’instant.

[quote=« foffer74, id: 979663, post:8, topic:95348 »]ceci dit il n’y a pas grand chose qui fera que tu seras moins inquiète
on sait pertinemment ce qui peut se passer là haut :/[/quote]
merci pour cela aussi !

Je vais continuer à flipper sans trop rien dire, surtout que, je sais à quel point il peut être prudent; ce que je ne souhaites surtout pas c’est ce que vous racontez dans ces messages, qu’il redescende plutôt que de bivouaquer.

Merci encore


« C’est pas parce que je suis paranoiaque qu’il ne sont pas tous après moi » pierre desproges