La chute en escalade et les années 60/70

À y faire bien attention je ne pense pas que notre désaccord soit aussi profond qu’on pourrait le croire. Là où je te rejoins, c’est que s’entraîner à voler n’est pas nécessaire pour progresser dans le 5ème, et début de 6ème degré. Par contre je n’irais pas jusqu’à appeler cela stupide (je n’ai pas non plus changé d’avis depuis si peu :stuck_out_tongue:)

En effet il y a d’une part le fait de progresser, et d’autre part le fait de progresser plus ou moins rapidement vers un objectif. Ce que j’affirme c’est qu’en apprenant à chuter et en acceptant de forcer jusqu’à la chute tôt dans l’apprentissage, on progresse plus vite, pas qu’on ne progresse pas du tout si on ne le fait pas.

Par exemple ça me paraît difficile d’atteindre le 7a/b en un temps réduit (1 à 2 ans de pratique) sans aller jusqu’à la chute dès que le profil des voies permet de le faire sans risque. D’ailleurs j’insiste qu’on peut largement chuter sans se faire mal dans du 5sup, y compris sur des falaises où les points sont « éloignés » par rapport aux standards modernes (exemple de Cormot en Bourgogne).

Il y a plusieurs raisons à cet effet accélérateur de progression, entre autres le fait de qu’en forçant jusqu’à la chute, on augmente la sollicitation musculaire, ou encore que le fait d’essayer un mouvement qui semble impossible et de tomber permet d’avoir des sensations qui améliorent la compréhension de notre corps, des positionnements qui fonctionnent ou pas, et parfois… de ne pas tomber et se rendre compte qu’un mouvement qui semblait impossible est en fait tout à fait possible.

Je précise que le fait de vouloir atteindre un certain niveau rapidement ne relève pas forcément d’une question d’ego, ça peut être tout simplement parce qu’on brûle d’envie de découvrir le plaisir de la grimpe dans certaines voies, plaisir qui selon moi est démultiplié et de plus en plus fréquent à partir du 6sup/7a. On peut vouloir progresser vite pour pouvoir aller mettre les doigts dans La Rose des Sables à Buoux par exemple, ou autres voies aux mouvements et à l’ambiance d’anthologie, sans avoir besoin d’attendre 5 ans, ou parfois plus.

Dernier ajout : ce n’est qu’une vision possible de la pratique de l’escalade et en aucun cas je ne prétends que c’est la seule, ou la meilleure.

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D’ajouter compte-tenu de l’explosion du nombre de pratiquants, il y en a sans doute moins en proportion dans le haut niveau

Y’a heureusement des tas de bouquins historiques qui relatent trés bien ce qui se passait à ce moment là, avec un peu de curiosité tu pourras aisément retrouver ces déclarations de Ron Kauk, qui était un grimpeur précurseur… parmi d’autres.

Sans vouloir t’offenser, le fait de grimper à cette époque ne te donne pas forcément raison. Tu prétend fièrement appartenir aux pionniers, mais on on en a vu un paquet d’autres avant toi qui ont traversé cette époque, et de mon coté je pense en particulier à un auvergnat, qui fort d’une modestie qui te fait malheureusement défaut avait enchainé du 8a+ en 1985 et pratiqué du solo (ta fierté) dans des niveaux que tu n’as jamais palpé même en saucissonant dans une corde. Donc la question des risques et des chutes à cette époque, on ne t’as pas attendu pour l’aborder, et le ton doctoral que tu emploies, comme dirait le Grec, à mon humble avis, te dessert plus qu’autre chose.

Cela me rappelle de vieux souvenirs du CAF qu’on évoque parfois avec un ami. Les quinqua et plus du créneau lui disait avec le ton des vieux sages, qu’il ne fallait jamais voler, et qu’en s’accrochant au prix de durs labeurs, il pourrait peut-être se frotter au 6c dans 5 ans. Au final il y est allé dès qu’il en à eu l’occasion, pour y voler allègrement. Aussitôt dans ce niveau, il est passé de 6c à 8a en 1 an, puis il lui a fallut 2 ans de plus pour enchainer son premier 8c+ (et pas en espagne). Sa force a été de savoir s’émanciper des vieux préjugés et des conseils de vieux bougres, qui certes avaient de l’expérience et un parcours que nous respections, mais qui s’étaitent forgé à une autre époque.

Les temps changent.

Ca ne l’est pas, de la même manière que ce ne l’est pas de travailler la lecture comme tu l’as évoqué. Et le plus malin reste de travailler chaque aspect de la grimpe sans en mettre un seul au ban.

N’essaies pas de nous faire passer pour des idiots à dire qu’on doit forcément voler ou qu’on peut voler partout. La première chose que j’ai écrite à ce sujet, c’est la capacité à distinguer les situations à risques des anodines et d’avoir une approche raisonnée.

On a à faire a une grimpeuse en salle, qui à un blocage psychologique. Si je peux comprendre que dans les années 70 en montagne, ton discours est cohérent, ici on est en 2024, dans une salle, avec quelqu’un qui n’a pas l’ambition immédiate de faire la Devies-Gervasutti à Ailefroide. Alors débarquer sur ses grands chevaux… et nous parler des 70. C’est quoi le but ?

Tu veux lui apprendre à desescalader et à ne jamais chuter ?
Identifier une chute, la dédramatiser, faire le distinguo entre une peure rationnelle et irrationelle, tout en comprenant le fonctionnement du matériel de sécurité ne peux qu’apporter des atouts pour progresser.

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Je crois Martin que tu n’as pas compris ce que je dit ou bien tu cherches à polémiquer inutilement
J’ai bien écrit à plusieurs reprises qu’il n’est pas possible de comparer 2 époques espacées de 54 ans
J’ai dit pareil que toi, l’esprit de l’escalade a changé et c’est tant mieux
Mais je trouve stupide de conseiller à la jeune femme qui a lancé ce sujet de s’entraîner à faire des vols répétés alors que c’est justement ce qui lui fait peur mais qu’à partir de 12 m, donc en dessous, tout va bien !
Si elle avait un niveau supérieur, ce conseil serait judicieux mais si elle avait un niveau supérieur, il est probable qu’elle n’aurait plus peur en dessus de 12 m
Il est dommage qu’elle ait quitté la discussion car elle n’a pas précisé si elle a peur en tête ou en moulinette
PS : en 70, il m’arrivait de faire du bloc à Fontainebleau et déjà tout le monde tombait ou plutôt sautait…

En moulinette c’est très courant je pense (en tète on compte la distance jusqu’au dernier ou prochain point). Ma méthode: laisser une dernière dégaine avant le relais!

La moulinette peut se réaliser en tête ou en second !
Rien compris à ta manip ?

Domage cette peur irrationelle de la chute, même en salle ou en couenne. C’est pourtant l’endroit idéal, fait pour se mettre des tirs et donc progresser techniquement, en niveau max, et aussi savoir dans quoi tu tombes, et dans quoi tu tombes jamais.
La peur de tomber en salle/couenne asseptisée te bride donc probablement pas mal sur ta progression en niveau rocher, et donc par extrapolation sur ton niveau max que tu pourrais atteindre en rocher montagne / TA.
Ce n’est pas du tout un reproche, le plus important c’est de se faire plaisir, connaitre ses limites, et savoir de quoi on est capable/pas capable :wink:

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Oui je suis bien conscient et c’est quelque chose que je devrais travailler. Ce qui est encore plus frustrant c’est quand j’étais débutant je me prennais des plombs en série, sans avoir la moindre peur, mais ensuite, après une periode ou je me suis lancé dans des pratiques plus engagées (grande voie, TA, alpi) j’ai pas pu me remettre dans l’état d’esprit « couenne ».

Ce qui rend le travail de la chute difficile pour moi, c’est que j’arrive quand-même à sauter, mais pas réellement à tomber. Peut-être une question de « controle ».

En ce moment je ne grimpe pas tant que ça, car pas mal occupé avec le boulot et la vie quotidienne. J’arrive à maintenir mon niveau, mais après l’été je vais essayer de trouver des partenaires plus reguliers pour essayer de monter un peu le niveau.

Irrationnelle, irrationnelle…
Le principe d’une chute, en général, c’est qu’à l’arrivée ça fait plutôt mal qu’autre chose, non ?

P’têt pas.
Le côté aseptisé fait aussi qu’ensuite, si tu en as trop pris l’habitude, dès que tu te retrouves en rocher montagne ou TA pas équipé voire un peu foireux, tu te sens tout nu et un peu bloqué. L’expression « terrain non-protégeable », par exemple, on entendait pas ça il fut un temps où « se protéger » c’était d’abord … ne pas tomber.

Si, selon moi c’est « irrationnelle » si justement il n’y a aucune conséquence à la chute (= ça ne fait pas mal du tout dans la très grande majorité des cas, bien heureusement…) lorsque l’on pratique une escalade dite sportive (en salle et couenne aseptisée) ou dans la majorité des situations on peut y prendre des vols (indépendamment d’un mauvais assurage/assureur ou de quelques configurations rencontrées en couenne ou en effet il faut éviter de se la coller ; mais en général dans le crux, c’est suffisamment bien étudié/équipé pour pouvoir se concentrer à 100% sur sa grimpe sans psychoter sur des arrières pensées dramatiques et donc se bloquer de manière irrationnelle).

Donc pour moi, si déjà tu flippes (de manière irrationnelle donc), sur une éventuelle chute en salle ou en couenne (sans conséquence donc), ça peut aussi avoir des conséquences et te pénaliser sur certains autres points en montagne : dans ta « solidité mental », ton analyse du terrain, et la rationalité de tes réactions et décisions.
Et progresser en prenant du niveau en salle ou en couenne (=en acceptant donc naturellement les vols) fera aussi que ton niveau en rocher montagne ne pourra que mécaniquement augmenter, même si c’est faible.

Mais je suis également d’accord que de pratiquer majoritairement en terrains aseptisé (la chute fait parti intégrante de la pratique) fait que l’on est complètement à la rue en rocher montagne ou TA foireux/péteux (chute interdite). Normal, ce sont 2 disciplines bien différentes…

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Exactement, d’ailleurs c’est moi qui avait évoqué le term pour parler de ma propre peur, que je ressens le plus dans les situations objectivement les moins dangereuses (loin du sol, dans un profil deversant, avec un point souvent pas très loin).

C’est d’ailleurs pas que dans les cruxs que ça influence la grimpe, mais aussi la somme des toutes les petites hésitations et tensions pendant la grimpe qui font qu’on se fatigue plus.

Objectiver la situation te permettras de sortir de cette boucle.

A bien comprendre que la peur existe chez tout le monde, mais que les pratiquants apprennent à la travailler. Chez les anciennes générations, c’était normal, c’était l’essence de l’activité. Chez les nouvelles, on parle surtout de force à doigts, de resi, de protocole 5x5 etc… et la mode est au sport, au physique, et donc aux voies conforts et bien équipées (ou à la perche).

Ceci-dit, tout est question d’habitude, et l’habitude c’est la pratique. Dédramatiser la chute (lorsque elle est sans risques) c’est apprendre à l’accepter, voir même a y prendre du plaisir. Le mieux c’est donc… de s’entraîner a chuter.

L’important pour ne pas se faire mal, c’est d’analyser les conséquences avant de grimper. En salle tu regardes ta voie : «si je tombe ici qu’est ce qui se passe» (rien), «si je tombe ici avec le mou en main qu’est ce qui se passe» (oui a la 3eme dégaine je suis trop près du sol), «si je saute la dernière dégaine qu’est ce qui se passe (rien)». Une fois que tu as fait le bilan, si il n’y a pas de loup il reste plus qu’à foncer. Le mieux est de se poser les questions avant la voie, pas dedans. Une fois cet exercice acquis en salle, tu peux le refaire dehors.

En alpi et en GV, surtout faciles, les chutes sont dangereuses (dans le dur c’est généralement moins vrai), tu gardes la marge, et tu passes en mode zéro chute. Tous les grimpeurs de montagne ont ce mode :wink:

Mais je pense qu’un oeil objectif sur la voie et les conséquences d’une chute, avant ton run, te permettra à la fois de te faire plus plaisir tout en t’apprenant à te méfier des situations réellement dangereuses plutôt que la chute de façon générale. La peur peut être une véritable entrave dans le plaisir de grimper. Ça reste le facteur limitant chez la très vaste majorité des grimpeurs, et le facteur qui démarque les meilleurs. Avant d’être une activité physique, cela reste surtout une activité mentale.

Après je ne le répéterai jamais assez, mais un bon assureur, attentif, assurant dynamique, ça change un rapport à la chute. Les chutes violentes, même anodines, sont désagréables et dissuadent de recommencer. La confiance à 100% dans la personne a l’autre bout de la corde, c’est un facteur de performance. Que ce soit en salle où en montagne :wink:
Souvent ça commence par là…

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Je ne suis pas vraiment d’accord avec ça, en considérant une pratique « montagne ». Et là, il faut dissocier deux pratiques : La grande voie en montagne et l’alpinisme rocheux.

En alpi rocheux, il ne faut pas tomber, et évidement, c’est en totale contradiction avec la pratique qui nécessite de s’exposer. Le problème est donc de gérer cette contradiction : Tu ne dois pas tomber, et pourtant, il faut que tu te mettes dans des situations ou tu seras en risque de tomber.
Et là, la solution n’est pas de savoir tomber, mais de maitriser ta progression physiquement, techniquement et mentalement. Ça passe par l’entrainement et l’expérimentation. Pousser petit à petit les limites, prendre confiance, connaitre ses limites.

Et même en GV. Lorsque les points sont loin, que la récupération serait difficile (traversée, …), les secours compliqués, voir improbables, tomber ne sera pas vraiment une option …

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:+1:t2:

Et sans parler de l’assurage efficace compliqué à mettre en œuvre …
Donc ne pas mettre sur le même plan en terme de niveau de prise de risque ( bien compris et donc assumé) lié à une chute tous les types de pratique.
Un intéressant exposé en couenne sur le sujet du côté de notre ami américain.

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On peut bien sûr tomber en alpinisme rocheux, sinon on ne s’embêterait pas avec des coinceurs, des pitons, la cordes dynamiques et tout le tintouin.

Simplement ça dépend où. Certes beaucoup de chutes sont exposées, mais encore une fois c’est surtout valable dans le facile, et malgré tout ce n’est pas le cas partout, loin de là. Mais c’est pareil en GV supposée sportive.

Ce n’est pas la pratique le problème, mais les configurations de chute, il y a des passages exposés et d’autres non, quelle que soit la pratique.

Envisager la chute selon les pratiques est un automatisme et je pense une erreur. À mon sens, il est préférable d’être en mesure d’évaluer les configurations au cas par cas pour identifier les situations où l’on peut tomber et lorsque l’on ne peut pas. Que ce soit en alpi rocheux, en trad, en grande voie, en couenne, ou même en bloc, etc…

C’est un ami européen, mais vidéo très intéressante sur le sujet, une fois de plus.

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