La nature nous offre tellement de quoi nous émerveiller !
Sur Arte il y a des passeurs de beauté (et de reflexions)
https://www.arte.tv/fr/videos/051584-005-A/a-5-metres-de-la-surface-des-oceans/
La beauté de notre planète (post à émerveillements et réflexions)
Ouais, l’homme n’en finit plus de manger son chapeau!
Pourquoi ne pas en profiter, sur ce forum de montagne, pour citer quelques phrases qui retracent le sentiment mitigé qu’éveilla chez Hegel un voyage qu’il fit dans les Alpes à 25 ans, et qu’il relata dans son « Journal d’un voyage dans les Alpes Bernoises » ?
« Hegel est parti dans les Alpes tout animé d’un esprit rousseauiste et imprégné de la nouvelle esthétique du sentiment apparue au xvme siècle, et pour laquelle la montagne reflétait la virginité d’une nature non maîtrisée par la raison. Mais Hegel n’éprouvera pas dans ces paysages rocheux l’émotion de Rousseau; bien plutôt, il sera frappé par le caractère chaotique, inhospitalier et triste de la haute montagne. R. Legros soutient ici que son rousseauisme même a empêché Hegel de se laisser séduire par la haute montagne: quand Rousseau célébrait la montagne, c’était en évoquant ses plaines verdoyantes plus que les sommets qu’il ne connaissait d’ailleurs pas; c’est donc bien l’esthétique du sentiment qui suscite les réserves de Hegel. En outre, pendant son séjour dans les Alpes, Hegel va prendre un regard nouveau sur la nature, un regard pour lequel la
nature est «imprégnée d’un esprit qui la transcende» (p. 33). Cette redéfinition de la beauté naturelle forgée par Hegel va provoquer un intérêt nouveau pour la haute montagne, et en juillet 1802, Turner fera le même tour que le philosophe, occasion pour lui de croquer des paysages avant de réaliser ses gravures et ses peintures. »
G.W.F. Hegel, Journal d’un voyage dans les alpes bernoises (du 25 au 31 juillet 1796). Traduction de Robert Legros et Fabienne Verstraeten, à partir de Rosenkranz, G.W.F. Hegels Leben, Berlin, 1844. Précédé de: Robert Legros, Hegel et Turner dans les Alpes - Persée
"A ne pas vouloir se laisser prendre à quelque apparence que ce soit, Hegel ne cesse de trouver le paysage qu’il traverse « triste et ennuyeux ». Dès le premier jour, « le bruit du torrent (le) lasse ». Les montagnes ? « Ni l’œil ni l’imagination ne trouvent dans ces masses informes un point où le premier pourrait se reposer avec plaisir et où la seconde trouverait une occupation et un jeu ». Les glaciers ? « Leur vision ne présente rien d’intéressant ». La langue terminale du glacier ? « Une rue boueuse, …rien de grandiose ni de gracieux ». Les sommets altiers et prestigieux ? L’Eiger ni la Jungfrau « n’éveillent les sentiments de sublime et de grandeur auxquels nous nous étions attendus ». L’impression générale : « quelque chose d’étouffant et d’angoissant ».
Le moins que l’on puisse dire, c’est que Hegel ne se repaît pas de la contemplation du paysage. Si le premier soir la fatigue le dispense d’aller voir le clair de lune, un départ trop matinal le privera le lendemain du spectacle des arcs-en-ciel sur la cascade. Arrivé à l’étape il passe de longues heures à jouer aux cartes avec ses collègues. […] Ajoutons à cela que Hegel dès le second jour souffre des pieds, au point qu’il envisagera d’abandonner en chemin et l’on comprendra qu’il accueille avec soulagement le retour dans la vallée le dimanche 31 juillet : « La vue des collines moins élevées fit du bien à nos yeux ». […] Un seul spectacle avive sa plume et ranime sa phrase, le spectacle des chutes d’eau. On retrouve alors dans la description des cascades l’écho du style exalté qui caractérise la conclusion de la Phénoménologie de l’Esprit. […] Les cascades offrent à Hegel un support de réflexion philosophique - là réside l’originalité de la démarche de Hegel. Son esprit arrive à extraire des significations là où son corps, souffrant, son œil, déçu, son imagination, défaillante, n’ont pu trouver à s’épanouir. La cascade est un élément dynamique du paysage, son mouvement est synonyme sinon de vie, du moins d’énergie. On comprend que Hegel soit plus sollicité par les expression jaillissantes du paysage que par ses tableaux statiques. Mais le spectacle des chutes d’eau ne l’entraîne vers nulle appréciation esthétique, encore moins vers un quelconque épanchement lyrique louant la générosité et les bienfaits de l’Alpe - Dieu est congédié de la Nature ; […] Une cascade qui rebondit en une multitude de fines gouttelettes, et voici « l’esprit libéré de la nécessité naturelle ». Une chute d’eau où se mêlent contradictoirement la permanence de la chute et le renouvellement continuel de l’eau, et voilà « un concept pur de la nécessité naturelle ». « Aucune volonté, mais éternellement le même fracas des flots contre le rocher ; pas de place pour l’action humaine ».
Les vacances de Hegel - Persée
En juillet 1796, Hegel, alors âgé de 25 ans, précepteur à Berne depuis trois ans, éprouve lui aussi ce nouvel attrait pour les paysages alpestres. En sept jours, avec trois amis et un guide, il traverse l’Oberland bernois : d’Interlaken à Meiringen en passant par Lauterbrunnen et Grindelwald, puis de Meiringen à Altdorf en passant par le col de Grimsel, le col de la Furka et Andermatt. […] Pendant sa randonnée dans l’Oberland bernois, Hegel ne ressent pas les impressions exaltantes de Rousseau. Mais à vrai dire les paysages montagneux qu’il traverse ne sont pas ceux qui enchantaient Rousseau. Ce dernier n’a pas connu ni voulu voir la haute montagne, celle qui est rocheuse, déchirée par des glaciers, coupée par des gorges profondes. Il était séduit, de même que Hegel, par la basse montagne, bucolique et fleurie. Quand Rousseau écrit qu’il lui faut « des torrents, des rochers, des sapins, des bois noirs » , c’est à la montagne des environs de Chambéry qu’il songe, non pas à la montagne des environs de Chamonix. […] Hegel, malgré sa déception à la vision d’un glacier, avait lui aussi ressenti, au pied de la partie supérieure de la chute de Reichenbach, le sentiment exaltant d’une puissance saisissante et insaisissable. « Spectacle grandiose » d’une nature où « le regard ne cesse de se perdre » , « vue qu’aucune peinture ne saurait rendre » , note-t-il dans son Journal de voyage.
Rousseau et Hegel. Promenades alpines
Je constate que tu donnes un caractère quelque peu extensible au terme « quelques » !