Impressions du bivouac

Dormir en montagne : quel privilège !

Bivouaquer en montagne, c’est accéder à un monde inconnu, insoupçonné, peuplé de chimères. Celui qui ne fait que passer sur le sentier, gravir une paroi ou courir sur la carapace du glacier ne peut pas prétendre avoir réellement connu la montagne. Pour cela, il faut dormir avec elle, blotti contre son sein, sans nulle autre protection qu’une veste polaire ou un duvet.

Bivouaquer en montagne, ce n’est plus être momentanément toléré dans un espace qui n’est pas le nôtre, c’est lui appartenir pleinement, se fondre en lui. C’est devenir roc et poussière parmi le roc et la poussière, silence et obscurité dans le Silence et l’Obscurité.

Tout est tellement différent pendant la nuit. On oublie cela si l’on dort sous un toit. On oublie que la lune est un phare et le silence une torture pour l’esprit. Le bivouac en devient presque une expérience mystique tant il décuple certains de nos sens. Une expérience dont on ressort différent, pas au premier bivouac, ni au second, mais à force de bivouacs, à force de baigner dans la pureté du soir, à force de négociation avec le froid impitoyable, à force de solitude obscure. Le bivouac est un instant à priori d’inconfort et de lutte contre un environnement hostile mais il apporte, plus que tout autre, une sensation de bien-être, d’apaisement et d’harmonie.

Texte à partager aussi là : http://leschronics.blogspot.fr/2012/10/au-bivouac.html

R

Mouais, la lune m’a souvent réveillé en se levant en pleine nuit, même en étant sous tente ou en refuge (avec fenêtre et volets entre-ouverts pour qu’il fasse moins chaud).
Et pour le silence, c’est totalement subjectif. Je connais beaucoup de monde pour qui le silence est reposant, surtout la nuit, et ne leur torture pas du tout l’esprit.

Exact le silence ne torture pas l’esprit. Aucun bruit ne torture l’esprit d’ailleurs, hormis… celui du renard qui cherche à chaparder un peu de nourriture ou la paire de grosses odorantes. Quoique… les hurlements de mammifères fin septembre m’ont vraiment questionnée : brame du cerf ou génisse protégeant son petit contre une meute de loups ?

  • le ronfleur
  • le torrent qui débite bien, et son bruit d’autoroute
  • la tente qui claque au vent (sur certaines tente, quand elles ne sont pas assez tendue, une légère brise dans un sens précis suffit à faire un bruit régulier et désagréable)
  • plein d’autres bruits, mais le plus souvent liés à des activités ou des installations humaines, donc ça ne concerne pas les bivouacs en des lieux bien reculés.

Une génisse ne risque pas de protéger son petit, vu que par définition elle n’en a encore jamais eu.
Par contre c’était peut être une vache chanteuse qui faisait des vocalises.
Ca peut être aussi un chamois qui fait une sorte de brame, déjà entendu la nuit.

Je voulais éviter d’écrire le mot vache, bon c’est raté.

Des vaches faisant des vocalises ? Wouarf, la nuit ? Jusqu’à l’aube ?

Ok pour l’idée du chamois. J’ignorai qu’il avait aussi cette capacité. Je vais surfer sur youtube pour avoir une idée du son.

Le torrent m’évoque plutôt le bruit d’une puissante machine à laver (chacun ses références, ;)). Sans compter l’humidité et les insectes que sa proximité apporte. A éviter donc.

C’est plus que probable à cette période. Et elles en font du bruit ces grosses bêbêtes :slight_smile:

Joli texte ! :slight_smile:
Je crois que je n’ai bivouaqué qu’une seule fois tout seul en montagne, à l’autre bout du monde, et effectivement le silence de la nuit n’est pas anodin.
A deux ou plus, le silence n’est plus le même, c’est comme cela que je le préfère…
Nicolas

Posté en tant qu’invité par laboudio:

Petite et ancienne (1984 !!!) histoire de bivouac, assez loin de toutes considérations poétiques…

Lorsque je quitte le col des Verts, il est 16h45, ce qui ne me laisse qu’une demi-heure de clarté. C’est plus qu’il ne m’en faut, la neige est somptueuse et j’ai l’impression de rider dans un sorbet à la mandarine……
C’est quoi, le truc noir, dans ma glace à l’orange, là-bas ?
Le truc noir, c’est un suédois, Yann-Eric, la quarantaine grimaçante pour cause de fracture ouverte du tibia…
Il a fait une mauvaise chute et a beaucoup de chance que je sois là.
Deux options s’offrent à moi : descendre chercher les secours en laissant le pauvre garçon hurler à la mort, ou les attendre avec lui. En effet, mes parents qui savent où je suis ne manqueront pas de donner l’alerte lorsqu’ils ne me verront pas rentrer.
La première a l’avantage d’une probable intervention pédestre nocturne des gendarmes, mais l’inconvénient de laisser seul un blessé très amoché. La seconde retarde l’intervention des secours, mais me permet de prendre soin du scandinave.
Devant l’état de ce dernier, je choisis la solution du bivouac forcé.
Le gars est bien équipé, et je l’aide à s’habiller le plus chaudement possible car son immobilité va bientôt le refroidir, le soleil venant de basculer derrière l’horizon.
Nous échangeons quelques mots en anglais, mais je comprends vite qu’il se bat contre la douleur et que toute conversation lui sera pénible.
L’hémorragie est arrêtée, mais je n’ai pas osé toucher à sa jambe tordue. Tout à l’heure, la vue de l’os du tibia sortant de la peau déchirée m’a un peu retourné l’estomac.
Il fait froid. Je tourne autour de mon compagnon en chantant tous ce qui me passe par la tête, je ne veux pas qu’il s’endorme.
Se rend-il compte de la chance qu’il a d’entendre « Le curé de Camaret » à 2000m d’altitude, par –10°, chanté d’une voix bêlante par un soprano congelé ?
A voir son visage, je ne suis pas sûr qu’il goûte tout le sel de la situation…
Du reste, je commence aussi à trouver la nuit bien longue.
Ma doudoune a atterrit sur les épaules de Yann-Eric depuis longtemps, et je ne conserve une température correct qu’au prix de nombreux exercices physiques autour du blessé.
Je lutte désormais aussi contre le sommeil, et j’admire cette volonté qui me tient debout. Je ne me connaissais pas aussi opiniâtre…
Mon camarade semble rassuré par l’optimisme que j’affiche, et se bat lui aussi avec courage contre les vagues de douleurs qui l’assaillent.
Vingt fois j’ai cru décelé la lueur de l’aube au-dessus de la sombre masse de la Pointe Percée. Vingt fois déçu, je ne lève plus la tête.
C’est en contemplant le visage blafard de Yann-Eric que je sens enfin l’arrivée prochaine du jour.
Un rapide regard vers l’Est me confirme l’impression.
Ce ne sera plus très long, maintenant.
C’est beau un bruit d’hélicoptère. Un bruit qui enfle, un bruit qui monte vers nous, inexorablement.
Le bruit de la vie…
Sommes-nous si visibles qu’il vienne droit sur nous ? J’agite le bras, inutilement.
L’Alouette pose ses patins à une trentaine de mètres de nous. Deux gendarmes en sautent et courent vers nous.
Je regarde Yann-Eric, il me sourit.
Il retournera en montagne…

La poésie du bivouac ?
Alors là, je me marre ! (Si vous permettez et quoiqu’il n’y ait pas vraiment de quoi se marrer. Enfin, vous faites ce que vous voulez, tous les goûts sont dans la nature.)
Pour moi, la poésie du bivouac, c’est: froid, inconfort, humidité, insomnie etc.
Évidemment, me direz-vous, mais avec un bon matériel… certes, certes, mais dans ce cas le poids du sac est incompatible avec l’agrément de la course.
En bref, le bivouac, j’évite absolument dans la mesure du possible.

Pour moi, c’est la « lumière de la nuit » avec les sommets éclairés par la lune, le bruit du vent sur le sursac, comme une voile.
L’aurore, puis le dieu Râ qui affole la crête, vers l’est,
… et les centaines de trainées gazeuses des avions à réactions pleins d’hommes d’affaires qui font tourner la planète dès 6hoo du matin.

Le tout en image et surtout en musique là : http://www.dailymotion.com/video/xh105y_bivouac_sport