Il est des sites d’escalade où vous retournez avec plaisir, par plaisir, pour une voie, une ambiance, un clin d’œil, un petit rien accroché au milieu de nulle part et d’autres sites où la moindre évocation du nom, le moindre souvenir vous fait venir les larmes aux yeux.
Souvenir d’échecs mémorables, de blessures visibles ou invisibles.
Souvenir d’une histoire gâchée par trop de non-dits, souvenir d’une femme aujourd’hui enveloppée dans sa robe de passé que l’on s’efforce d’oublier, souvenir d’une femme unique de par son sourire, ses yeux, ses formes au soleil couchant, l’écho de ses rires répercuté sur les faces grises du calcaire.
Souvenir d’une femme prise dans le carcan de sa vie et affublée de chaînes trop lourdes pour elle, souvenir d’une femme qui se disait libre comme le vent, mais qui était en fait pieds et mains liés.
Souvenir d’une femme intelligente dont le regard bleuté restera à jamais gravé en moi.
Ce soir, sur un site d’escalade dont je tairais le nom tellement il m’est inaudible, je me suis confronté à mes souvenirs et croyez-moi, ce ne fut pas simple d’en faire abstraction, de se concentrer sur le rocher et de se hisser vers le ciel.
Seule la chaleur accablante de cette fin d’après-midi, la corde qui me retenait en cas de chute et le cliquetis des mousquetons me ramenaient à l’escalade.