Posté en tant qu’invité par strider:
Benoit Jacquemot, le guide originaire d’Aussois, je suppose?
Je l’ai connu un peu…j’ai discuté avec lui en 2004, au refuge de la Dent Parrachée, avec lequel on avait passé un bon moment à table avec ses clients et son ami guide Baptiste Damevin. Franck le gardien nous a avait bien fait rigolé avec son discours du soir et avait fait exprès pour qu’on soit ensemble à table avec les deux guides pour pouvoir bavarder un peu sur notre passion.
Benoit Jacquemot c’était une figue locale parmi les guides de Haute Maurienne, il était devenu prof à l’Ensa, il représentait en quelque sorte le haut niveau (un peu comme l’a été Jean Noël Roche à une époque) et il a toujours voulu montrer qu’il y avait de la place pour de l’innovation en montagne en Haute Maurienne : il a ouvert le pilier du Pelve, la face ouest du grand bec d’Etache (avec son ami David Marnézy), ces deux parois quartzitiques qui marquaient un peu son style. Il a montré que par delà certains préjugé on pouvait venir de Vanoise et être un alpiniste de très haut niveau.
Alors c’était un guide qui allait quand même assez souvent vite, Baptiste Damevin me disait que c’était un boulimique de montagne, qu’il instaurait souvent un rythme soutenu etc Je pense que les guides locaux admiraient sa verve, son entrain, son inventivité, et sont assez fiers de lui.
Certains gens du coin feront peut être le rapprochement avec Jean Noel Roche, l’autre figure local, de la génération précédente, aussi tourné élite, aussi « boulimique » lui-aussi. Malheureusement, Jean Noël est lui aussi mort en montagne : il est tombé au Cervin, il y a quelques années. Mais je crois que la comparaison n’est pas une bonne chose et ne peut se faire dans ces termes. Jean Noël, avait été un grand novateur en Haute Maurienne à son époque, mais il avait été souvent critiqué par d’autres guides locaux d’être plus un alpiniste aventurier-ouvreur qu’un guide pédagogue c’est à dire d’être trop nerveux et pas assez patient avec ses clients, voire parfois de se penser un peu invincible…Cela n’a jamais été le cas pour Benoit Jacquemot. Benoit avançait certes rapidement en montagne, par don naturel aussi, avec l’enthousiasme et la boulimie d’un jeune, mais il était aussi lucide, c’était un prof à l’Ensa qui enseignait des principes d’humilité aux aspirants et qui savait ce que c’était que communiquer sa passion avec pédagogie.
Je ne connais pas les circonstances exactes de l’accident et loin de moi la volonté de juger, de donner des leçons.
Je pense que les guides d’Aussois et du secteur, je pense à son ami David Marnézy, à Patrick Col, à Baptiste Damevin, à Franck le gardien de la parrachée, et à tant d’autres, doivent être tous très attristés par la disparition de Benoit. Il a beaucoup apporté au milieu de la montagne local et on peut dire que l’histoire de l’exploration de la montagne en Haute Maurienne a pu renaître et va se prolonger grace à lui.
Sincères condoléances à la famille et aux proches.