Exact. Comme évoqué plus haut, je crois qu’on mêle des considérations morales à la question de la légitimité du recours au service public (car, en France, c’en est un) des secours.
Alors, je vais intervenir en tant que fille d’un ancien Colonel de sapeurs-pompiers, chef du groupement nord Seine-et-Marne, pilote d’hélico, ayant participé à la fondation du GRIMP (Groupement d’Intervention en Milieu Périlleux).
Depuis les années 80, ce serpent de mer de la « remise en cause de la gratuité des secours héliportés » agite les débats. Il faut savoir que ce ne sont pas les communes qui financent les secours, mais les départements. Pour les pompiers, les financements proviennent du Ministère de l’Intérieur. Pour le PGHM, c’est le Ministère des Armées.
Depuis vingt ou trente ans, en zone pompiers (donc, cela concerne les accidentés de la route…), les pouvoirs publics ont limité leur investissements dans les hélicos sécurité civile (mon père s’est battu vingt ans pour que l’Ile de France obtienne deux hélicos pour desservir… 12 millions d’habitants, des zones industrielles et deux aéroports, sachant qu’un transport d’un accidenté sur la Francilienne jusqu’à Necker prend 3 heures par la route contre 20 minutes en hélico). N’investissant pas, on a donc transféré les dépenses de secours du budget de l’Etat à celui… de la sécu, en accroissant le recours aux hélicos du SAMU (en Ile-de-France, c’est celui du CHU Créteil).
L’Etat a différé l’investissement pour renouveler son parc d’EC 145 et leur substituer des H145 qui viennent de sortir et sont plus puissants, renouvellement qui devrait être réalisé d’ici 2028 pour tout le territoire, outre-mer compris (42 machines). Idem pour la flotte de Canadairs (because… les mégafeux).
Rien n’a été anticipé et les gouvernements ont serré la vis (moi, je pense qu’on pourrait serrer la vis sur d’autres choses, mais bon). Cinglant réquisitoire de la Cour des comptes sur la gestion de la flotte de la Sécurité civile
Le débat sur la gratuité des secours est aussi, on s’en doute, porté par les assureurs, qui voient là une manne en termes de nouvelles primes potentielles.
Quant aux questions morales, consistant à arbitrer en ce qui relève de l’inconscience ou du « risque normal », je reprends ma casquette d’avocat pour rappeler tout de même que le risque pénal (par exemple, le « délit de mise en danger de la vie d’autrui par négligence, ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence prévue par la loi ou le règlement », pour ne citer que celui-là, n’est pas assurable.
Que le secours soit gratuit n’exonère nullement de l’éventualité de poursuites engagées par le Parquet. Le domaine de la responsabilité, ce n’est pas le caractère payant du secours, c’est le risque pénal.
Quant à l’alpe ou la route, honnêtement, je ne vois pas en quoi certains types de conduite sur la route seraient plus légitimes que de choisir de prendre un risque en montagne. Je rappelle quand même que la montagne, tous sports confondus, c’est environ 120 morts par an contre 3000 sur la route, sans évoquer les invalidités consécutives (aller faire un tour à Garches, cela redonne le sens des chiffres et des réalités).
Enfin, j’avais vu passer une thèse, récemment, de Maud Vanpoulle, qui analysait l’accidentologie de montagne, d’après les données de la Base SERAC. Il y était écrit que les montagnards ayant des années de pratique avaient tendance à appeler les secours moins fréquemment et moins rapidement, mais lorsqu’ils le font, c’est souvent parce que l’accident est plus grave. A l’inverse, les néophytes ont une tendance plus naturelle à appeler très vite, pour des accidents plus bénins.
De cette étude, on concluait que ce qu’il manque, c’est, avant tout, la formation des pratiquants.