Posté en tant qu’invité par Tienoun dou Brand:
Glace mâle & glace femelle : Lliboutry décrivait cette conception dans son cours, # 1963, en faisant remarquer que ce concept était sensiblement le même autant chez les Tibétains que chez les Quechuas ou les Inuits … malgré la distance et l’absence probable de contact entre ces populations éloignées.
En effet, la glace naturelle, issue du névé est bulleuse, elle paraît blanche à la surface du glacier, tandis que celle fabriquée à partir du regel de l’eau dans les crevasses semble plus bleue et plus dense (la teneur de l’eau en gaz est faible et variable selon la nature des gaz et les bulles sont beaucoup plus petites - Cf. : bulles endogènes et bulles exogènes dans l’impérissable traité de Lliboutry -. Bref, l’étude des gaz du passé piégés dans la glace, doit tenir compte de cette nature, sinon on se retrouve avec des époques où disparaissent les Gaz à effet de serre. Heureusement les forages se situent aux centres des calottes où la température ne permet pas de fonte).
Partout, la bleue est jugée de meilleure qualité dite « mâle », tandis que la plus bulleuse est réputée « femelle ».
L’idéal pour les Inuits, c’est de s’approvisionner de blocs d’icebergs bien bleus, pour leur eau de consommation.
Quant au reste, ça ressemble aux glaciers couverts ou bien rocheux : en effet, si on débarrasse la glace de son couvert morainique, de quelques dizaines de cm pour les couverts jusqu’à plusieurs mètres pour les rocheux, la glace paraît « noire », car pas éclairée à part les quelques décimètres carrés d’exposition.
Mais, une fois extraite et exposée au soleil, elle va, en général, apparaître blanche comme la glace en évidence à la surface.
C’est ainsi que les ouvriers dans les stations de ski, qui posent des pylônes de téléski ou Catex dans des endroits couverts d’éboulis, découvrent, sous plusieurs mètres de cailloux, des glaciers rocheux et décrivent la glace « noire » (versants généreux en éboulis, le plus souvent exposés au Nord, dès 2800 m, dans les Alpes).
Recouvrir légèrement la glace pour la faire fondre, c’est ainsi qu’on procédait en montagne avec une fine couche de cendre : dans ce cas, le noircissement augmente la transmission du rayonnement solaire à la couche de neige ou de glace sous-jacente.
Au contraire, pour protéger la neige ou la glace du soleil, on peut augmenter la couche de cendre et à partir de 2 cm environ elle devient isolante. Bien sûr, les professionnels des stations de ski savent bien utiliser des couvertures isolantes ou réfléchissantes (type « bidime » ou aluminées) pour protéger des tronçons de piste exposés.
En ajoutant de la neige ou bien de la glace blanche de surface à une masse de glacier couvert ou rocheux, on ne fait que protéger l’apport artificiel, car on l’entrepose dans un endroit favorable où déjà existe un glacier couvert ou rocheux, ce qui l’isole de la chaleur géothermique provenant du sol, en le posant sur une base qui va rester au moins à 0 °C (c’est à la base du glacier préexistant que se produit la fonte due à la géothermie). Si en plus on recouvre le tout de cendre - charbon de bois- ou de cailloux, on protège le tout. On a ainsi réinventé non pas le « fil à couper le beurre » mais la technique ancestrale de conservation de la glace. Tout cela rappelle le commerce de la glace florissant avant l’apparition des réfrigérateurs, le transport de fort loin (par bateau, depuis les fronts de glaciers descendant encore en ce début du XX° siècle jusqu’au fond de fjords norvégiens. Ou bien l’entretien des glacières du Vercors pour approvisionner les villes voisines) et le stockage de la glace de glacier dans des endroits protégés, les « glacières » dont subsistent encore quelquefois de beaux vestiges, dans les collines, près des grandes villes (près d’Aubagne et Gémenos, la « glacière » sur la route du Col de l’Espigoulier, etc).
D’une façon générale les amas de glace recouverts ou de glace interstitielle de glacier rocheux sont nombreux dans les massifs montagneux. Discrets sous leurs couverts de débris, ils sont peu connus, bien qu’une fois repérée leur physionomie, on en voit beaucoup. Ils constituent un formidable réservoir d’eau gelée, au même titre que les glaciers et ils se renouvellent régulièrement, tant que les conditions climatiques locales le permettent par apport de neige et d’eau de pluie. Il convient de préserver ces ressources d’altitude, car elles sont exposées aux pollutions des stations de ski, la plupart du temps par méconnaissance de ces composantes du milieux naturel.
Enfin, quant à l’idée rocambolesque de générer un nouveau glacier par simple réunion d’éléments glacés mâle et femelle, une « greffe » magique, ça relève de la poésie pure !
Le laps de temps supposé de 4 ou 5 ans pour une amorce d’écoulement dans la pente est totalement irréaliste. Il faudrait envisager un apport artificiel énorme pour constituer une épaisseur susceptible d’amorcer un mouvement.
Voilà encore un bel exemple de divagation journalistique en ces temps de réchauffement du climat. C’est la surchauffe des esprits et l’édification de processus fumeux, « de gens qui ne se doutent de rien » et qui n’ont pas le temps de vérifier leur chronique.
Mais il faut bien vivre n’est-ce pas ?
:lol: Tienoun dou Brand