Wow. Tu as de la chance de t’en être tiré, SDH
L’article du Dr Querellou dit effectivement que le danger de mort est tellement imminent qu’il faut faire descendre immédiatement. C’est ce que certains interprètent comme voulant dire: descendre immédiatement en toutes circonstances et quel que soit le danger de blessures/séquelles secondaires, ce qui, dans un contexte d’escalade, implique bien sûr qu’il est hors de question d’essayer de rejoindre la victime. Pourtant dans sa description de la phase de sauvetage - clairement indiquée comme devant être mise en application par le(s) partenaire(s) de la victime - il rejoint Mortimer et le HSE en suggérant que pour une personne déjà inconsciente, il est recommandé d’évacuer la victime en position foetale. Ceci suppose, bien sûr, d’abord de rejoindre la victime puis de prendre 4-5 min de plus pour effectuer la manip de mise en position.
Mes efforts à essayer de comprendre les implications du syndrome pour l’autosauvetage en escalade/montagne n’ont rien à voir avec la superstition (à moins qu’on considère que toutes les méthodes de prévention d’accidents - pas juste en escalade - et tout apprentissage de techniques de sauvetage reviennent à essayer de conjurer le mauvais sort). Ces efforts sont plutôt dus au fait que les informations disponibles sont souvent incomplètes ou contradictoires. Le syndrome est un problème qui touche toutes les activités en hauteur protégées par baudrier. Les auteurs des articles de synthèse ramassent donc des données provenant d’études focalisées sur différentes activités mais ne semblent pas réaliser que les implications pratiques sont nécessairement différentes pour les différentes activités. Sans que ce soit clairement dit, les recommandations de Querellou, Mortimer et HSE semblent plutôt s’appliquer aux situations de spéléo et de travaux en hauteur où le partenaire décrocheur peut rapidement rejoindre la victime en rappelant sur une autre corde et peut assez rapidement la transférer sur son baudrier, par exemple en faisant débrayer (ou couper) la corde de la victime par un autre partenaire. La manip montrée dans l’article de Querellou, en particulier, est une illustration produite par Petzl pour des situations de travaux en hauteur.
Ces techniques ne vont être que rarement (ou seulement très partiellement) applicables en paroi ou en crevasse (au fait: en autosauvetage d’escalade, on ne transfère pas une victime sur le baudrier du sauveteur pour la redescendre, on la transfère ultimement au descendeur commun pour faire un rappel en tandem. C’est important de pratiquer ces choses-là à l’avance si on fait des longues voies). Pour une situation de premier de cordée suspendu inconscient, le mettre en position foetale implique d’abord de s’extraire du relais, remonter jusqu’à la victime, l’évaluer rapidement et apporter les premiers soins les plus urgents, ce qui, selon les circonstances, peut prendre un temps très variable. Si on a bien pratiqué l’extraction du relais et la remontée sur prusiks et qu’on a (prévu) une façon rapide de convertir le relais en tirage vers le haut (facile avec un relais sur ancrages fixes, moins évident sur coinceurs), même si la victime est plus loin que la mi-corde, on peut arriver à la victime aux alentours de 10-15 min. mais il faut vraiment tracer. Bien sûr, dans d’autres circonstances, ça peut prendre beaucoup plus longtemps. Il faut ensuite la mettre en position et on est encore loin de l’avoir redescendue, surtout si on est sur corde simple. En crevasse, il y a d’autres contraintes. L’option de descendre jusqu’à la prochaine surface plane n’est généralement pas possible. Le partenaire devrait pouvoir rejoindre la victime relativement rapidement sur un autre brin de rappel mais, après l’avoir (théoriquement) mise en position foetale, il faut encore l’extraire par mouflage avec toutes les complications que ça entraîne pour une victime inconsciente, surtout s’il n’y a qu’un seul sauveteur (sans compter le facteur froid). Heureusement qu’il soit très rare qu’une chute en crevasse laisse la victime inconsciente pour la durée du sauvetage!
Les manuels d’autosauvetage ne sont pas plus clairs. En Am. du nord, les 2 « bibles de l’autosauvetage » sont le Fasulo et le Tyson & Loomis. Les deux indiquent l’urgence de ramener la victime sur une surface plane mais sans donner d’échéances et sans vraiment explorer les implications pratiques. Tyson&Loomis envisagent uniquement le scénario de monter jusqu’à la victime, l’attacher à un relais intermédiaire par une longe débayable non-chargée, redescendre au relais principal pour le défaire (chargeant du même coup la victime sur le relais intermédiaire), remonter, récupérer la corde, l’installer pour un rappel, transférer la victime sur l’ATC et effectuer le rappel en tandem (et faire tout ça « le plus vite possible, vu l’urgence »!!!). Fasulo est plus réaliste, envisageant également la possibilité de faire descendre la victime par balancier mais en prévenant bien que c’est risqué et sans donner de détails (probablement pour s’éviter d’éventuelles poursuites). En fait le risque envisagé par Fasulo est plutôt celui encouru par la cordée au complet engendré par la solution de descente par balancier. Il présume que si on opte pour cette solution, c’est qu’on peut descendre la victime sans trop l’amocher.
C’est pourquoi j’essaye de voir par les forums s’il n’y aurait pas un peu plus de consensus parmi les grimpeurs, s’il n’existerait pas d’autres techniques applicables (j’apprends de temps en temps des techniques que je ne connaissais pas avant, qui sont appliquées couramment par certains guides mais qui n’apparaissent pas dans les manuels) ou s’il n’y aurait pas moyen de susciter des avis plus pertinents de la part de spécialistes.
Oui c’est moi. Bizarre comment ? J’ai bien dit dès la première phrase que c’est moi qui avait démarré cette discussion sur Mountainproject.