Gestion discutable sur la gestion du Mercantour (autre sujet que les balcons du Mercantour)

Bonjour,

Ci-dessous une copie de la lettre que 2 de mes amis et moi-même avons fait parvenir au siège social du parc du Mercantour la semaine dernière.

Madame, Monsieur,

Pratiquant depuis de nombreuses années la randonnée à pied et le bivouac dans la parc national du Mercantour, nous constatons au fil des années une dérive continue de ce que doivent être les objectifs fondamentaux d’un parc national.

En effet, dans la législation fondatrice des parcs nationaux, à la différence des parcs naturels régionaux, ceux-ci ont pour vocation de préserver, sauvegarder la faune et la flore.

Voici une liste non exhaustive des nuisances constatées :

  • Maintien du transport motorisé à la vallée des Merveilles.

  • Augmentation continue de la circulation automobile au col de Salèse.

  • Concert annuel au Lac Nègre.

  • Omniprésence de déchets variés (plaques de polystirène, plastiques, bidons, etc …) au lac de la Fous et régression de la propreté des sentiers.

  • Zônes de pâturages (vaches, moutons, chevaux) s’élevant de plus en plus en altitude (vaches au lacs Balaour, chevaux sous le lac Niré). A quand un élevage de porcs ?
    Les conséquences sont diverses : érosion des sols, pollution des ruisseaux et lacs, gêne pour la faune, bivouac restreint dû aux déjections du bétail.

  • Pour finir, le dernier projet conu de création d’un sentier à la pelle mécanique joignant les lacs d’altitude au coeur du parc.

Au vu de cette énumération, la gestion du parc national du Mercantour se rapproche de celle d’un parc naturel régional.
Il est donc urgent d’agir rapidement pour l’esprit même du parc sans quoi il n’aura plus de raison d’être.

Nous vous remercions par avance de prendre en considération nos remarques.
Pour information, copie envoyée à Mountain Wilderness.

FIN DE LA LETTRE

Il est évident que, puisque dans le parc, il y a des propriétés privées, la gestion peut s’avérer délicate dans la mesure où il est préférable de garder une certaine « paix sociale » mais tout de même !!!

Snowisa

Posté en tant qu’invité par eqsfjiodfs:

Point de vue extrémement intéressant. Bravo.

Tous à Rabuons demain !

Bof et notament

Je ne suis pas un spécialiste PN, mais les reproches d’extraterritorialité et le sentiment d’expropriation évoquée dans le rapport de Jean-Pierre Giran de 2003 me semble une problématique importante.
Parler de paix sociale/propriétés privés est vraiment nul. Les collectivités et particuliers restent presque toujours propriétaire de leur territoire sauf que la quasi-totalité des décisions n’est plus prise par eux. Jean Pierre Giran évoque une expropriation réglementaire. Crois tu que cela te ferais plaisir sur ton bout de jardin ?
Ces territoires ont existés bien avant qu’une structure extraterritoriale soit imposée par l’état. Il est normal/logique de prendre en compte les besoins/pratiques, parfois ancestrales, de ces territoires. Si on ne le souhaite pas, il faut aller au bout de la logique et réaliser une vraie expropriation en payant les collectivités/particuliers propriétaires des lieux.

il me semble que concernant le Mercantour, les propriétaires (communes, privés) ont été indemnisés (après on peut discuter sur le montant de l’indemnisation mais c’est un autre débat)

le Parc de la Vanoise par contre, en tant que premier parc, n’a pas vraiment indemnisé les propriétaires à l’époque, c’était le premier parc à l’essai et donc ils n’avaient pas anticipé le problème surtout qu’à cette époque, le pays était encore centralisé, les politiques essentiellement étatiques : mais par cette erreur « originelle », ils ont semé l’antipathie locale face au Parc National (à laquelle on ajoute les contraintes…), avec un fort sentiment d’injustice côté propriétaires (privés, communes) et ce dès le début, et sentiment qui perdurent encore, notamment chez les personnes ayant vécu l’implantation du parc.

pour ce qui des parcs nationaux récents et du millesime 2007 (3 parcs) évidemment l’erreur a été soigneusement évité, des structures de concertations plus élaborées s’étant mises en place, avec implication locale.

pourquoi dénigrer ce propos puisque tu vas un peu dans le même sens ensuite…

car cela soulève quand même une vraie question!! un Parc National a une gestion « autoritaire » là il s’implante, en zone centrale, avec des principes bien définis, certes…mais en pratique, malgré les principes bien clairs, il y a des problèmes d’ambiguité des situations, ambiguité des décisions, que ne se privent pas de remarquer les collectivités locales concernées…qui les utilisent et mettent en exergue dans les rapports de force quand il y en a.

certaines communes, ou des privés accusent par exemple le PNV de faire une gestion à deux vitesse, genre "vous tolérez les allers-retour permanent du 4x4 de l’agriculteur et moi vous m’empêchez de faire restaurer mon chalet avec des lauzes!! " etc…bien souvent, les critiques mettent tout sur le même plan.

en ligne de mire des critiques, généralement le directeur du Parc, souvent accusé au niveau de la gestion des chalets et des refuges dans le coeur du Parc, de « faire comme bon lui semble », d’être « inconstant dans ses avis »

ayant fait l’année dernière un travail sur les relations entre le Parc de la Vanoise et deux collectivités (que je peux communiquer si ça intéresse, mais il est bien modeste vis-à-vis de l’énorme travail effectué par Lionel Laslaz dans sa thèse sur les Parcs Nationaux ) je peux te dire que même si je n’aurai pas formulé le problème dans les mêmes termes que snowisa, il y a bien des réalités au quotidien sur les conflits de légitimité entre le Parc et les communes/propriétaires privés…des relations souvent complexes, parfois très tendues.

C’est bien les termes qui ne me conviennent pas. Parler de paix sociale pour définir les relations avec les propriétaires (ou ex) de ces territoires. C’est bien le parc qui s’est rajouté et non l’inverse.

Ces termes me semblent nettement plus proche de la réalité.

oui, de toute évidence.

Pour faire bien barbare (vous m’en excuserez d’avance!) :

on peut dire que le Parc est un projet d’aménagement (aménagement, dans le sens « aménagement du territoire », pas dans le sens « construire ») à initiative supra-locale, appliqué sur un territoire pré-existant. Ce territoire sert de support au Parc et doit se plier aux contraintes de ses prérogatives.

Conceptuellement on pourrait traduire par la guerre entre le concept de « milieu » et le concept de « territoire »

Le Parc défend, protège un « milieu » (au sens d’ « environnement », d’ « écosystème ») alors que les collectivités locales se fondent sur le fait qu’on est sur un « territoire » (au sens de « pouvoir exercé », d’identité, d’appropriation).

Bien souvent les collectivités locales acceptent mal qu’on vienne leur dire de quoi sera fait leur « territoire » avec la simple autorité que l’on attache à la protection du « milieu ». Après quoi la Nation se justifie en disant que ce « milieu » est suffisamment exceptionnel pour qu’on le considère comme un « patrimoine ».

Faire du « milieu » un « patrimoine » sous-entend une exigence de transmission du bien « patrimonial » (qui n’était à l’origine qu’un « milieu »). Or la Nation se porte garante de cette exigence de transmission, estimant qu’elle ne peut être assurée qu’à l’échelle supra-locale.

Sauf que, le « patrimoine », les collectivités locales veulent bien en entendre parler si celui a une retombée au niveau du « territoire » (vie locale, tourisme etc…).

Seulement la mise en valeur du « patrimoine » (sentier, accès etc…) doit à la fois permettre des retombées au niveau du « territoire » mais aussi doit être compatible avec l’exigence de transmission!!! Et là, tout devient ambigu…Les Parcs sont au coeur du problème.

C’est un peu schématique, mais en gros c’est un peu ça le fond du problème, notamment concernant le Mercantour

Tu as bien résumé.
Tu pourrais compléter le décor en positionnant les associations écologiques qui sont bien souvent extraterritoriale.

[quote=tetof]Bof et notament

Je ne suis pas un spécialiste PN, mais les reproches d’extraterritorialité et le sentiment d’expropriation évoquée dans le rapport de Jean-Pierre Giran de 2003 me semble une problématique importante.
Parler de paix sociale/propriétés privés est vraiment nul. Les collectivités et particuliers restent presque toujours propriétaire de leur territoire sauf que la quasi-totalité des décisions n’est plus prise par eux. Jean Pierre Giran évoque une expropriation réglementaire. Crois tu que cela te ferais plaisir sur ton bout de jardin ?
Ces territoires ont existés bien avant qu’une structure extraterritoriale soit imposée par l’état. Il est normal/logique de prendre en compte les besoins/pratiques, parfois ancestrales, de ces territoires. Si on ne le souhaite pas, il faut aller au bout de la logique et réaliser une vraie expropriation en payant les collectivités/particuliers propriétaires des lieux.[/quote]
heu, les diverses collectivités ne sont pas propriétaires de « leur » territoire, sauf les communes qui ont un domaine privé, parfois important (alpages, forêts, terrains d’altitude). Autrement elles ont certains droits et pouvoirs spécialement prévus par des textes juridiques, c’est tout.

De plus, dans notre République, ont été abolis par la loi du 4 août 1789 les privilèges liés à la naissance en un lieu déterminé. Ce qui fait que tout français est partout chez lui sur le territoire de la République, et aujourd’hui que tout citoyen de l’Union Européenne est partout chez lui sur le territoire de l’Union. Bref le national (et l’européen), l’horrible extraterritorial, est pleinement légitime à intervenir au niveau régional ou local, et je ne suis pas un jacobin fondamentaliste, loin de là.
Peut-être tout simplement un problème d’instruction civique :confused:

Les collectivités sont tout simplement, à leurs niveaux respectifs, l’émanation des intérêts économiques des habitants ou de certains d’entre eux, ceux qui ont eu les moyens de se faire élire localement. Il appartient à l’échelon supérieur d’harmoniser ces intérêts avec les intérêts plus généraux d’urbanisme, d’environnement, etc, et ce n’est pas de l’expropriation. D’ailleurs c’est bien la définition de la propriété dans le code civil de 1804, la « constitution des propriétaires », article 544 : « La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements » Autrement dit l’intérêt général est toujours au dessus du droit de propriété.

Reste à vérifier que le niveau supérieur agit bien dans l’intérêt général, ce qui est une autre histoire :slight_smile:

Henri

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