Gauche ou droite?

Posté en tant qu’invité par Stalker:

Puisqu’il pleut à Chamonix ce weekend, je me pose des questions graves, et notamment est-ce que les alpinistes sont plutôt de gauche ou de droite ?
Quand je fais des stats sur mes coéquipiers c’est 50/50, mais je me demande si les grands noms de cet art n’ont pas une tendance plutôt de droite ?
Ca m’intéresse de connaître votre avis.

Posté en tant qu’invité par s@m:

Sens orographique ?

Posté en tant qu’invité par l’insupportable alain:

pourquoi???

y’a une difference???

Posté en tant qu’invité par Gilles:

Cela dépend de l’importance que l’on apporte à chose par rapport à l’idée que l’on en fait …

Posté en tant qu’invité par claudio:

Spontanément, et en généralisant beaucoup, je crois qu’on peut dire que le skieur et l’alpiniste ONT L’AIR plutôt « de droite », quand le randonneur et le grimpeur ONT L’AIR plutôt « de gauche ». Mais c’est une vue de l’esprit, évidemment. Car qu’en est-il finalement de ceux, heureusement les plus nombreux, qui font un peu de tout ? Eh bien, ils sont des électeurs comme les autres, et votent tantôt à droite, tantôt à gauche.

Non, sérieusement, savoir si les alpinistes sont plutôt de droite ou de gauche est une question à laquelle il est impossible de répondre dans des termes aussi généraux. Sans doute d’ailleurs des catégories comme « libéral », « conservateur », seraient-elles plus appropriées que « de droite » ou « de gauche », qu’elles traversent d’ailleurs. Et plus intéressant de faire une sociologie des sports de montagne (et non des individus qui les pratiquent). S’agissant de l’alpinisme, cette activité et le discours qui l’entoure (livres, conversations de refuge) me semble marqué, pour le meilleur, par la prégnance de valeurs idéalistes, écologistes, libertaires (individualisme et anarchisme, de droite comme de gauche) et, pour le pire, la persistance - en France - d’une certain héritage vichyste (sadomasochisme, sexisme, exaltation de la virilité et de l’effort, lyrisme et mysticisme de la « nature », opposée à la « ville », mauvaise par essence), également de droite et de gauche… Voir à ce sujet le très remarquable livre d’Alice Travers, Politique et représentations de la montagne sous Vichy, paru chez l’Harmattan. Certain « grands noms de cet art » y sont épinglés pour leur opportunisme, voire leur aveuglement, ou plus simplement leur indifférence. Ceci dit en 2003… Depuis, les « grands noms » semblent accompagner le pouls de l’époque, non seulement par leurs prises de positions, mais dans leur pratique : l’écologie radicale de Messner, la médiatisation de Profit, l’éthique respectueuse de Berhault.

Sinon, beaucoup plus simplement, un ami qui se trouve « à ma gauche » me le dit souvent : regarde le budget que tu consacres à cette activité ; ce ne peut pas être un sport de gauche… D’un certain point de vue, un peu « vieille gauche », justement, l’alpinisme est évidemment une activité privilégiée, individualiste, bourgeoise. Mais on a aussi dit ça de Flaubert et Wagner ; et quant au prolétariat (au grand dam de mon ami), est-il encore bien « de gauche » aujourd’hui ? Bref : l’alpinisme est une activité qui s’est considérablement démocratisée et attire désormais beaucoup de gens de la classe moyenne, de droite comme de gauche.

Ce qui s’appelle noyer le poisson. Il fait meilleur à Chamonix ?

claudio

Posté en tant qu’invité par âlex:

Hum, pourquoi faudrait-il forcément que tout ce qu’on fait dans la vie soit motivé directement ou indirectement par une tendance politique ?

Personnellement ca me ferait bien c… d’apprendre que quand je vais en montagne, j’accomplis un acte politique !

Sinon j’aimerai aussi pourfendre ce cliché à 2 euros cité par Claudio et qui voudrait nous faire croire qu’une activité qui coute cher est forcément une « activité de droite ». C’est nimp ! Quand on aime on ne compte pas, surtout si nos moyens le permettent.
Ou alors ca voudrait dire que « riche » = « droite » et « fauché » = « gauche ». Peut-être mais alors si je comprends bien, tout le monde veut être de droite !?

Posté en tant qu’invité par claudio:

Oui, bien sûr, Alex, tu as raison de pourfendre ce cliché « vieille gauche » que - merci de l’avoir précisé - je me contente de citer. La question initialement posée étant de savoir si les alpinistes sont plutôt de droite ou de gauche (question trop générale, à mon avis), je voulais juste mettre en évidence le fait qu’un certain idéal d’égalité d’accès aux sports de montagne se heurte à la réalité des conditions (financières, socio-culturelles) de la pratique de ces sports. Dit autrement : si t’es né aux Minguettes de parents immigrés, tu as moins de chance (je ne dis pas que c’est impossible, mais ça ne se fera pas tout seul) de lire, comprendre et transmettre Flaubert, ou de mettre les pieds en montagne, que d’autres. Pas question pour moi de se culpabiliser pour ça (on va pas se mettre à manger des hamburgers non plus sous prétexte que le chevreuil, c’est bourge…). Pas question non plus que ça me laisse indifférent.

C’est pourquoi je ne suis pas tellement d’accord avec toi pour soustraire aussi facilement que tu le fais DU politique (je ne parle pas de « la » politique) les sports de montagne. D’abord parce qu’il y a certaines règles en montagne qui ressortissent directement du politique : on n’y est pas seul, on y vit ensemble. Ensuite, parce que la montagne est un enjeu économique considérable, qu’elle est aménagée et/ou défigurée, qu’on peut contester certaines POLITIQUES de la montagne, et à ce titre participer à des débats politiques dont le sujet est la montagne. Enfin, parce que l’histoire des relations entre l’homme et la montagne, et plus spécialement l’histoire de l’alpinisme, est étroitement liée aux idéologies de conquête, de l’ascension du MtAiguille à celles des faces nord des Grandes Jorasses et de l’Eiger (fascisme italien vs. nazisme), en passant par l’âge d’or de l’alpinisme anglais et la savante géopolitique des premières himalayennes. Si AUJOURD’HUI nous avons le privilège de nous adonner, comme Berhault, à une pratique en apparence désintéressée et pure, il se pourrait aussi bien que celle-ci ne soit que le reflet de l’individualisme et de la tentation du bonheur privatisé qui dominent l’ensemble des secteurs de la cité (=polis). Ignorer tout cela est un droit et une attitude respectables, mais peut-être aussi bien une confirmation de ce soupçon.

Un vieux grec(pas Livanos, Aristote) parlait de l’homme comme animal politique ; ça n’est pas une insulte, bien au contraire. La différence entre l’alpiniste et le chamois passe là : le premier provoque des dégâts, mais est susceptible d’en prendre conscience ; le second reste innocent.

Cordialement,

Posté en tant qu’invité par Stalker:

C’est un plaisir de discuter avec des gens cultivés :slight_smile:
J’ai été initié à l’alpinisme à l’époque communiste (en 86) dans un pays de l’Est. Les associations de montagne assuraient, comme tous les clubs de sport d’ailleurs, gratuitement l’équipement et le transport pour pratiquer. Ce qui ôtait la barrière financière à l’entrée, celle qui m’a empêché de pratiquer en France pendant mes années d’étudiant fauché. Pour cette même raison je suis d’accord qu’on rencontre plus des randonneurs modestes que des alpinistes modestes. Et je ne parle pas du prolétariat peri-urbain ou rural qui n’a pas de sous pour se déplacer jusqu’à la montagne (et qui perd la culture qui l’y pousserait). Et dire que dans les années 50 et 60 il y avait des cars ouvriers qui faisaient Paris/Chamonix tous les weekends… Mais en effet, le prolétariat est-il de gauche ???
Sinon j’ai été assez étonné par les films de Rebuffat que j’ai regardé récemment. Il n’y parle que d"amitié virile", « récompense de l’effort » … des valeurs plus Figaro que Libé. Et dire que c’était le moins guerrier du groupe de l’Annapurna !
Bon, il fait meilleur à Cham’ et j’y vais demain matin pour tâter du beau granit…
A bientôt !

Posté en tant qu’invité par Andy:

Vraiment , vous êtes les conquerants de l’inutlie !

Posté en tant qu’invité par céréalclimber:

moi j’suis plutot de sensibilité de gauche

Posté en tant qu’invité par Brobodoblom:

Accomplit-on un acte politique quand on va en montagne ?
Au sens strict du terme, non mais la pratique de la montagne est un acte socialement défini. Pourquoi va-t-on en montagne ?
Les réponses sont mutiples et interdépendantes. Ainsi, Rébuffat, quand il grimpait, parlait de virilité, de courage… On peut aussi remarquer que l’alpinisme a servi au nationalisme ( cf face N de l’Eiger ).
Mais le montagnard ne va-t-il pas en montagne aussi pour quitter la société qu’il trouve trop aseptisée, pas assez épanoissante ? Cela ne peut-il pas mener à une certaine critique de la société ?
Enfin, pour alimenter le débat, le profil de l’alpiniste n’a-til pas changé même si on observe toujours qu’il vient de classes sociales aisées ? On voit en effet de plus en plus de montagnards devenir des quasi–mystiques ( Lionel Daudet, Chantal Mauduit… ). Effet de mode ?

Posté en tant qu’invité par benoit:

Calmons nous, mauduit peut être, mais Daudet est franchement pas mystique, il est un peu barge ce qui est différent.

Posté en tant qu’invité par jeveuxgrimper:

c la politique qui essaye d´embrigader le montagnard: le grimpeur passioné en a rien a foutre de la politique!!!

quand on pratique un sport pur on est pas attiré par le mensonge, les luttes de pouvoir et toutes ces conneries de TOUT les partis politiques

je rebondis avec les questions suivantes : les grandes expés nationales: allemandes au nanga parbat, chinoises a l´everest etaient elles composées de grimpeurs ou de gens intéréssés illuminés par des doctrines politiques propagandistes

Posté en tant qu’invité par claudio:

La passion a bon dos…

Moi aussi, je veux grimper. Et d’ailleurs je le fais - tout le monde ne peut pas en dire autant (cf. message précédent sur quelques évidences concernant l’accès des plus démunis, d’un point de vue financier ou culturel, aux sports de montagne)

Au risque de ressasser, voire de lasser, (et parce que je crois que ça en vaut la peine, y compris pour la montagne) je continuerai donc à contester la position non seulement individualiste, mais naïve d’Alex et « Jeveuxgrimper ».

Je partage l’idéal que vous défendez, et suis d’accord avec le jugement de « Brododoblom », à savoir que l’être humain, par la pratique de certaines activités, aspire à renouer avec certaines valeurs que la vie en société pourrait tendre à faire oublier. Les sports de montagne font partie de ces activités. Mais il y a une chose qu’il ne faut pas perdre de vue, c’est que la « montagne » comme objet de rêverie, de désir, de conquête, de fantasmes (et d’outrages) est un phénomène récent, historiquement et culturellement hyper-codifié. Le goût pour les hauteurs est un produit de l’époque moderne (au sens large, c’est-à-dire à partir du 16è siècle en Europe), typiquement occidental dans sa forme (même si, comme d’autres pans de la culture, il s’est « mondialisé » depuis), et qui connaît une véritable explosion à partir du 19è siècle, caractérisé par l’avènement des valeurs romantiques (liberté, « passion », justement - cf. la musique de l’époque, par ex. l’AlpenSymphonie de R. Strauss -, et… nationalisme). Tout cela pour dire que les valeurs que vous mettez en avant pour justifier une pratique totalement désintéressée et pure de la montagne ne sortent pas de nulle part. Elles sont plus que légitimes, et personnellement j’y adhère en grande partie (j’exclus le nationalisme, mais ce n’est pas difficile : ceux qui continuent à le défendre se sont à l’évidence trompés d’époque).

Avec l’individualisme et la revendication d’une certaine innocuité du désir et de la passion, on est en revanche en plein dans l’époque. Si on y ajoute le désintérêt pour la « chose publique » (et la montagne, comme l’air et la mer, en fait partie - jusqu’à quand? c’est un autre sujet), c’est à dire le désintérêt pour LE politique - auquel « les luttes de pouvoir et toutes ces conneries de TOUT les partis politiques » (« Jeveuxgrimper » dixit) ne sont pas étrangers -, on voit bien à quel sorte d’intérêts ces valeurs peuvent servir. Les passions des individus, pour innocentes et légitimes qu’elles soient, sont aujourd’hui la cible de marchés, après avoir fait l’objet de manipulations idéologiques en tous genres de la part de régimes autoritaires (colonialistes, nationalistes, fascistes, communistes).

Voilà, à mon avis, un problème politique qui dépasse les clivages droite/gauche et les problèmes partisans : comment arracher des systèmes idéologiques dominants (aujourd’hui, c’est le marché) l’authenticité des valeurs qui nous ont conduit à aimer la montagne ? Cela incite, à n’en pas douter, à dépasser le narcissisme consumériste et replacer ses passions « désintéressées » dans un contexte où elles font l’objet d’« intéressements » divers - c’est-à-dire ne pas laisser le politique aux politiques.

Passionnément,

claudio

Posté en tant qu’invité par Alain:

C’est quoi la différence gauche-droite ?
Il y a une dizaine d’années je croyais savoir mais la j’en suis revenu à mes certitudes d’il y a 20 ans :
gauche = fourchette,
droite = couteau.

C’est pas que ça m’intéresse plus mais je vois que les plus érudits n’ont pas donné de réponse vraiment marquée…

Posté en tant qu’invité par Dom:

Alain a écrit:

C’est quoi la différence gauche-droite ?
Il y a une dizaine d’années je croyais savoir mais la j’en
suis revenu à mes certitudes d’il y a 20 ans :
gauche = fourchette,
droite = couteau.

et pour les petits chinois, ça donne kwââ ??

Posté en tant qu’invité par Etienne:

Il y a plus simple: la gauche, c’est le côté où le pouce est à droite, et réciproquement.
Ce qui fera sérieusement avancer le débat.

Posté en tant qu’invité par claudio:

pas mal. on dirait du mao…

Posté en tant qu’invité par Fredo:

La même expression que mon adjudant à l’armée !!
Adjudant Etienne à mon commandement « ahou ! »

Posté en tant qu’invité par La Marmotte:

Comme ont dit certains d’entre-vous: rien à battre de la politique lorsque je vais en montagne.
Par contre, je vous promets que si je croise « Jean-Marie Noenoeildufront » sur le glacier Blanc, la crevasse la plus profonde est pour sa pomme. Et en plus, je rebouche le tout. Et à la main s’il le faut… Et toc ;-)))