Etymologie du mot "dévisser"

Vous la connaissez? Un de mes associés me demande, mais je ne la connais pas.

[quote=« davidB, id: 576876, post:4, topic:60410 »]Je possède un ancien dictionnaire de la montagne par Jacques Gautrat, édition du Seuil 1970. Ce dictionnaire a beaucoup vieilli. Voilà ce qu’on peut y lire à l’article dévissage :

Dévissage Terme emprunté par les alpinistes aux métiers du bois et du fer. Signifie : tomber d’une paroi rocheuse ou glaciaire. Ce terme peut surprendre du fait que tomber est toujours beaucoup plus rapide que dévisser un écrou par exemple. L’idée d’instantanéité liée à celle de chute, et l’idée d’un travail lent liée à celle de dévissage, semblent infirmer l’analogie. Aussi faut-il chercher une autre explication à l’emploi de ce verbe.
Il n’est pas choquant de dire être vissé à une paroi, pour désigné un grimpeur littéralement rivé au rocher ; par opposition, les alpinistes ont donc adopté le mot dévisser qui, de plus, étant un terme de métier, se trouvait valorisé d’une qualité incontestable pour le milieu alpin, souvent féru et pénétré de technicité.
Le terme dévissage a perdu sa précision, et l’image qu’il suggère est totalement fausse, à moins qu’elle n’évoque le grand tourbillon dans lequel la victime d’une chute semble entraînée. En effet, la vision lointaine d’un tel spectacle peut rappeler le dévissage d’un corps autour d’une hélicoïde imaginaire.

Compare maintenant avec l’article dévisser (au mot souche vis) dans le Dictionnaire historique de la langue française sous la direction de Alain Rey. Édition Le Robert, 1992.

Le préfixé dévisser, verbe transitif, (1768), « faire que (qqch.) ne soit plus vissé », s’emploie familièrement par métaphore dans les locutions dévisser son billard (où billard signifie « queue de billard ») « mourir » (1862 en argot), dévisser la tête à quelqu’un (1877) « tordre » (1870, se faire dévisser le coco « se faire tuer »).
Au figuré, dévisser qqn correspond à « faire perdre sa place, sa position » comme déboulonner.
Par métaphore, dévisser, repris comme intransitif, signifie en alpinisme « lâcher prise et tomber » (fin 19e s.) d’où familièrement, « partir ».[/quote]

Le TLF nous apprend en particulier l’usage que en fit Flaubert, avec la signification de « faire perdre l’équilibre à quelqu’un » mais dans un tout autre contexte.

[quote=TLF]DÉVISSER, verbe.
I. Emploi trans.
A. Défaire (ce qui est vissé). Dévisser un bouchon, un couvercle, un écrou. Anton. visser, revisser. Elle dévissa (…) avec un couteau les vis de la porte (GONCOURT, Journal, 1864, p. 57). Il dévissa le capuchon de son stylo (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 262).

  1. [P. méton. de l’obj.]
    a) Détacher ou desserrer (un objet fixé par une ou plusieurs vis). Dévisser un verrou. Il passe beaucoup de temps à dévisser, à revisser les commutateurs électriques (DUHAMEL, Journ. Salav., 1927, p. 30).
    b) Ouvrir un objet fermé par une pièce mobile vissée. Dévisser un bocal, un tube. Moyses dévissa son stylographe (FARGUE, Piéton Paris, 1939, p. 49).
    Emploi pronom. à sens passif. Être défait par le desserrage de vis ou d’un pas de vis. Cela se visse et se dévisse à volonté : c’est une boîte (HUGO, Misér., t. 1, 1862, p. 959). Un encrier et poudrier se dévissant en trois parties (GRANDJEAN, Orfèvr. XIXe s., 1962, p. 59).
  2. P. anal. [L’objet désigne une partie du corps]
    a) Tordre, forcer (comme si on allait séparer, sortir d’une articulation). Dévisser le bras, le cou de qqn. Ah toi, si tu parles, je te dévisse la tête (AUDIBERTI, Femmes bœuf, 1948, p. 123).
    Rem. On rencontre ds la docum. dévissé, ée, adj. dans ce sens. Synon. distendu. Remi dont la taille, par un caractère de race, semblait dévissée (FRANCE, Chat maigre, 1879, p. 190).
    Arg. Dévisser le coco, la poire, le pompon, la tronche à qqn. L’étrangler, lui tordre le cou. Aucun idiome n’est plus métaphorique que l’argot. « Dévisser le coco », tordre le cou; « tortiller », manger (HUGO, Misér., t. 2, 1862, p. 198). Dévisser son billard. Mourir. Le vieux polichinelle nommé Changarnier a dévissé son billard, hier au soir (FLAUB., Corresp., 1877, p. 317).
    Emploi pronom. réfl. indir. Se dévisser la tête, le cou. Prendre des positions anormales, forcées (pour essayer de voir, etc.) :
  3. … le dimanche, je suivais des familles dans la rue, des familles qui traînent des enfants par la main, des enfants qui se dévissent le cou pour regarder en arrière.
    COCTEAU, Théâtre de poche, 1949, p. 148.
    Arg. Se dévisser le tempérament, le trou de balle. Faire des efforts démesurés. Synon. se décarcasser. On a beau se dévisser le trou de balle pour lui faire plaisir, il n’est jamais content (BRUANT 1901).
    b) Dévisser son regard, ses yeux de. Les détacher d’un objet ou d’une personne sur lesquels ils sont fixés. Ernest regardait le cercueil, rien que le cercueil, sans pouvoir en dévisser ses yeux (JOUVE, Scène capit., 1935, p. 60).
    [b]B. Au fig.
  4. [L’obj. désigne une pers.]
    a) Séparer quelqu’un de ce à quoi il était fortement attaché, retenu :
  5. Le conseiller Dollinger vient de mourir. Ce que l’honneur n’avait pas pu faire, la mort s’en est chargée. Elle a dévissé de son rond de cuir le magistrat inamovible.
    A. DAUDET, Contes du lundi, 1873, p. 23.
    En partic. Perturber l’équilibre de quelqu’un. Synon. fam. déboussoler. Son changement de résidence l’avait complètement dévissé (FLAUB., Corresp., 1867, p. 344).[/b]
    b) P. ext. Renvoyer, destituer. Celui-là ne se laissera pas dévisser (CLEMENCEAU, Vers réparation, 1899, p. 373).
  6. [L’obj. désigne un inanimé abstr.] Analyser en séparant les éléments. Synon. démonter. Il (…) dévissait le style le plus abstrus avec l’adresse d’un expert (HUYSMANS, Là-bas, t. 1, 1891, p. 37).
    II. Emplois subjectifs intrans.
    A. ALPINISME. Lâcher prise et tomber. (Quasi-) synon. décrocher. P. ext. La métaphore « dévisser », usitée par les alpinistes, est parfois appliquée à une chute à grande vitesse [du skieur] en haut d’une « bosse » (Comment parlent les sportifs ds Vie Lang., 1953, p. 140).
    B. Arg. et pop.
  7. S’en aller, partir (au sens concr. ou métaph.). Est-ce que t’es marié, toi? Non… Oh! ben, comme ça, t’es peinard, tu peux dévisser en douce (AYMÉ, Brûlebois, 1926, p. 188).
    Emploi pronom. réfl., spéc. Changer de place, bouger. Les piocheurs travaillent trois heures de suite sans se dévisser (LÉVY-PINET 1894, p. 308).
  8. Mourir. Y a des choses qu’on ne refuse pas sur l’oreiller, ou au moment de dévisser (ARNOUX, Rêv. policier amat., 1945, p. 132).
  9. Déraisonner (cf. ESN. 1966).
    Rem. On rencontre ds la docum. a) Dévissage, subst. masc. Action de dévisser, fait de se dévisser; p. méton., état de ce qui est dévissé. Dévissage d’un raccord, d’une lampe. Jean entreprend toute une série de manœuvres : ouverture du capot, dévissage des bougies, injection d’essence, etc. (ROMAINS, Knock, 1923, I, p. 2).b) Dévissoir, subst. masc. Système permettant de dévisser. Des fusils à deux balles, des baïonnettes à dévissoirs (MALRAUX, Cond. hum., 1933, p. 298). Ce mot n’est pas attesté ds les dict. gén. des XIXe et XXe siècles.
    Prononc. et Orth. : [devise], (je) dévisse [devis]. Ds Ac. 1835-1932. Étymol. et Hist. 1. 1768 (Encyclop. t. 27, Métallurgie, Le charbon minéral ou de terre, p. 1a); 2. arg. 1846 dévisser le coco (Féval d’apr. ESN. 1966); 1862 dévisser son billard (COLOMBEY, Esprit des voleurs, p. 291 ds LARCH. 1872, p. 118). Dér. de visser*; préf. dé-* (lat. dis-). Fréq. abs. littér. : 56 (dévissé : 18). Bbg. PAULI 1921, pp. 45-46.[/quote]

Miles dévisse? je comprends maintenant pourquoi cette ouverture d’esprit! :wink:

Merci pour ces définitions. LE terme est somme toute assez simple et pas spécifique à notre activité.

Mais évidemment, l’étymologie de dé-visser il faut aller la chercher chez sa racine vis. Puisque on dévisse ce qui est vissé, cet à dire, attaché, retenu, par une vis.

Je vous laisse spéculer sur si le mot vice, dérivé du latin vitium, (défaut, mauvaise qualité, imperfection, défectuosité, inconvénient), souvent opposé aux concepts de rectitude, droit chemin… trouve son origine aussi dans la forme tortueuse et aléatoire de la vigne, vitis.

Ce que voudrait dire qu’être souvent vissé aux montagnes est un vice

Je crois avoir vu que cela s’appliquait à l’escalade artif.
Dévisser s’était quand le point sur lequel le grimpeur était pendu se détachait. Même si ce point est plus souvent un clou qu’une vis :confused:

Dans le chapitre « aventure des mots », même si ça ne fait pas avancer le débat, il y a les croisements vis/vrille. Vrille se rattache, comme vis, à la vigne - par similitude de forme. L’outil est une tige terminée par une vis. Et avec vrille, il y a la locution « partir en vrille », équivalent aéronautique presque parfait de "dévisser "en escalade ou alpinisme… Dévisser, c’est à la fois « être arraché à une position vissée [au rocher, à un « clou »] », et, qui sait, décrire dans sa chute le mouvement de l’avion en perdition?
Enfin, comme d’hab’, in vino veritas…

Quelle mémoire ! Il y a beau temps que j’avais écrit ceci. Je n’ai malheureusement rien à ajouter quant à l’origine de cette expression.

Je me souvenais juste avoir déjà lu la réponse sur nos forums.
La fonction « recherche » a fait le reste…