Etages de végétation dans les Alpes

Bonjour,

Je lis actuellement le livre de Bernard Fischesser « La vie de la montagne », que je recommande vivement à tous les passionnés de montagne. Il y indique les différents étages de végétations pour les Alpes françaises, et même pour certains massifs. Cependant, en comparant ses schémas avec mes observations sur le terrain ou mes lectures de cartes IGN, les altitudes ne correspondent pas.
Exemple : en Chartreuse-Belledonne, j’observe que la limite supérieure des forêts tourne vers 1700-1800 m (étage montagnard). Quid de l’étage subalpin et de ses forêts d’épicéas ? Comment expliquer le passage sans transition d’une forêt de feuillus/conifères à des zones herbeuses ou d’éboulis, à seulement 1800 m (montée à la Croix de Belledonne par le Crozet) ? Est-ce le vent, l’exposition, la nature du sol…?

Merci

J’aurais tendance à dire : si pas de transition => action humaine la plupart du temps => dans toncas ça pourrait être du à la présence de bêtes (alpage ?) mais apparemment pas de maison autour selon IGN, donc on peut oublier, mais apparemment tu es en Nord => plus froid=> arbres poussent moins haut, et surtout ça a l’air raide : reptation de la neige et avalanches surement assez fréquentes => moins d’arbres dans les zones raides bien enneigées.

EDIT: mais je connais pas ce coin, j’ai simplement regaardé la carte IGN, si quelqu’un connaissant le coin aurait une idée de l’origine de cette limite franche, je suis preneur.

Je pense que le vent l’exposition, la nature du sol jouent très clairement mais que les effets sont nuancés et que les différences sont progressives. Par exemple, c’est rare que tous les arbres fassent en gros 30m et que d’un coup à 15m d’une crète, ils sont tous à 5m à cause du vent… même chose pour le sol et autre.
Remarque, dans le cas d’un éboulis toujours actif (j’entends tujours en mouvement), peut être c’est plus fréquent d’avoir un changement de végétation brutal du type forêt de conifères/ presque rien, ou juste quelques plantes herbacées ou petits arbres types saules nains.

Quant à la limite supérieure de la forêt, lorsqu’elle est naturelle elle forme justement une jolie transition avec une zone avec des arbres espacés, en effet un arbre va avoir tendance à cause de son ombre, refroidir le sol, donc limiter la période où la croissance de l’arbre est possible (température du sol supérieure à 12degrés en gros). Donc un arbre séparé aura un sol plus chaud que le même arbre au même endroit si il est entouré d’autres arbres, et la limite de la forêt est justement dictée par la période de végétation (100jours avec température du sol de plus de 12° pour la forêt), donc du coup plus tu montes plus els arbres seront clairsemés jusqu’à ne plus arriver à pousser.

Ceci n’est qu’ une petite conclusion personnelle d’après mes cours d’écologie, il est possible que je me trompe.

il y a des facteurs limitants autres que l’altitude: si le secteur est trop sec, les grands arbres ne peuvent se développer; si la zone est réguliérement recouverte par des éboulis ou des avalanches, les arbres sont détruits et se réimplantent difficilement
pour le lac crozet, les pentes raides, peu stables du secteur me semblent une explication suffisante
pour la chartreuse, par contre, la violence du vent sur et à proximité des crêtes , combinée à l’action humaine, me semble la raison principale de l’absence de transition; on constate d’ailleurs le même phénoméne dans les vosges ou le jura

Je n’observe pas ça en Belledonne en général, et au Crozet en particulier : on passe bien des feuillus aux conifères, puis aux arcosses et bouleaux et enfin à la végétation basse (herbe, rhodos, résineux rampant), avec des zones de transitions mixtes bien sûr.
Il y a des pins à crochets sur des éperons. Il y a qq mélèzes dans des coins de forêts non exploitées (ou qui ont survécu à l’entretien de la forêt, en étant assez sexy par exemple).
Et évidemment, les zones de transitions ne sont pas à altitude constante, elles dépendent de l’orientation, de l’exploitation forestière, du paturage, des dégats faits par les avalanches et éboulements, etc.

Et principalement de la latitude, l’étagement altitudinal étant par ex. très différent dans les Alpes du nord et du sud

Attention, ces étages de végétation sont théoriques, et il y a beaucoup de variations locales. Dans les Alpes du nord, le passage de l’étage montagnard (hêtraie-sapinière) à l’étage subalpin (en théorie, épicéa, pin à crochets ou pin cembro) est très fortement influencé par la pression de pâturage. En chartreuse comme dans les Bauges, le passage brutal des forêts montagnardes à des zones de pelouse est essentiellement lié à des pressions de pâturage (anciennes ou actuelles). Malgré la diminution progressive de l’activité pastorale en montagne, ces zones abandonnées (ou progressivement délaissées depuis 20-30 ans) n’ont pas toutes encore été recolonisées par la forêt : il faut du temps pour que la forêt regagne le territoire.

Il y a pas mal de zones de montagne dans les Alpes du Nord (et dans les Alpes du sud aussi, avec le mélèze qui regagne plein de zones pastorales délaissées) où l’on voit ce phénomène de recolonisation forestière de l’étage subalpin suite à la diminution de pression pastorale. Le passage à une forêt subalpine peut prendre du temps, car la recolonisation forestière peut passer par des stades intermédiaires de végétation (forêts d’aulnes verts, etc). D’autant plus qu’à certains endroits, la pression de la faune herbivore (chevreuils par ex) occasionne beaucoup de dégâts sur les jeunes pousses d’épicéa (Bauges, Chartreuse) et ralentit fortement ce processus.

Tout ça aussi, c’est de la théorie. Localement, d’autres facteurs peuvent influencer l’installation ou non d’une forêt subalpine : couloir d’avalanche, zone ventée, etc. Mais globalement, c’est la pression de pâturage qui est l’élément le plus fréquent qui détermine l’absence de forêt subalpine.

Si le sujet t’intéresse, tu peux contacter les deux parcs (Bauges et Chartreuse) et demander à parler au chargé de mission scientifique pour en discuter, tu peux aussi contacter l’ONF.

Et enfin, il y a une bible incontournable sur le sujet (bien plus précise et approfondie que le bouquin « grand public » de Fischesser):

« Paul Ozenda. La végétation de la chaîne alpine dans l’espace montagnard européen. (éd. Masson, 1985) »
Un peu ancien, mais toujours d’actualité et sans concurrence!