Posté en tant qu’invité par Marcel Demont:
Et tes pompes, est-ce le pied ?
Ah ! les souliers des montagnards. Il y a ceux qu’on oublie à la maison au moment du départ, c’est très con, mais basique. Et il y a tous les autres. Par exemple… à deux heures du matin, au refuge, lorsqu’à la pâle lueur d’un lampe frontale on extrait d’un fouillis de chaussures toutes pareilles celles qu’on croit être les siennes, il arrive qu’on fasse erreur.
Ce matin-là, Maurice, un très fort grimpeur pourtant, se sentait gauche sur les prises grotesquement petites qu’offrait le rocher. A y bien regarder, il découvrit qu’il avait aux pieds deux chaussures droites. Au même moment, sur le sommet d’à côté, un collègue s’en voulait d’être si maladroit, avec ses deux souliers gauches.
Au printemps, sur le parcours de la haute route, il arrive parfois qu’un skieur fasse avec les pieds deux tours complets dans ses bottes de ski avant de parvenir à déclencher un virage, alors que non loin de là, un amateur de belles courbes perd ses lattes à tout bout de champ, victime qu’il est d’un échange le laissant équipé de pompes dont la longueur est inadaptée au réglage de ses fixations.
Il y a aussi les grolles qui égarent leur semelle au cours d’une ascension, les godillots qu’on fait cramer en voulant les faire sécher près du fourneau potager, les méchantes godasses qui laissent tout entrer : la flotte, le gravier, et rien ressortir, les tatanes dont le temps nécessaire pour les former est exactement équivalent à celui de leur durée de vie. Citons enfin les croquenots qui couinent, qui puent, ceux qui vous bouffent les pieds, et ceux qui sont inusables (la pire des calamités pour un ascensionniste aimant être à la page).
Et tes pompes, est-ce toujours le pied
Ou est-ce l’ongle incarné assuré ?
Est-ce de méchantes socques
Qui te comblent de cloques ?
De vrais sabots
Qui te font les pieds bots ?
Ou est-ce d’aimables pantoufles
Qui tes pinceaux emmitouflent ?
Est-ce de douillets brodequins
Qui à tes nougats vont très bien ?
Est-ce tes arpions dans le velours
Ou tes panards qui appellent au secours ?
Est-ce tes orteils qui béatement s’étalent
Ou tes doigts de pied qui avec douleur s’entassent ?
Est-ce tes paturons
Couverts d’oignons ?
Tes ripatons
Criblés de durillons ?
Bon, assez déraillé
A toi de débloquer
As-tu la godasse triomphante
Ou la triste pompe boitillante ?
[%sig%]