Entraîné par une avalanche

Posté en tant qu’invité par Vendredi:

Sortie à ski à 2 personnes le 13 mars en fin de journée pour profiter de la pleine lune et de la neige poudreuse. Mon compagnon (34) est très expérimenté et parcourt cette région très souvent chaque année. Pour ma part (53), mon expérience de la randonnée à ski et de la région est moindre.
Le ciel est au départ encore nuageux et le brouillard nous enveloppe par moment. Le bulletin d’avalanches annonce niveau 3. L’objectif est un sommet de 2380m souvent parcouru tout l’hiver. L’itinéraire de montée suit des pentes modérées (clairement en dessous de 30°), mais exposé aux avalanches de pentes environnantes dans sa dernière partie.
En chemin, on se décide de changer d’objectif pour une montagne voisine de 2330m réputée nettement plus sûr sur tout le parcours.

La nuit tombe en arrivant au sommet, le ciel est complétement dégagé mais on ne voit pas la lune.

Pour la descente, nous nous dirigeons sur la droite de la piste de montée dans une grande combe. Dans le souvenir de mon compagnon, les pentes devraient y être peu pentues. Les frontales ne permettent pas d’avoir une vue d’ensemble. La pente, au contraire, reste raide et nous oblige de chercher un chemin de descente encore plus à droite. L’espace entre les skieurs est d’environ 30m.
Soudain, sans aucun bruit, une grande plaque de neige se déclenche. Mon compagnon est emporté. La fracture de la plaque passe juste devant mes skis.
Je suis des yeux sa lampe frontale qui reste visible longtemps puis disparaît. Quelques secondes après, par bonheur, elle réapparait.

Mon compagnon n’est pas blessé. Dès le départ de l’avalanche, il a pu ouvrir la fixation d’un premier ski à la main, puis celle du second avec le pied. Il a gardé les bâtons dans les mains.
Pendant toute le descente avec la plaque, couché sur le ventre et regardant vers le haut, il a essayé de rester sur l’avalanche et se poussant avec les bras et les piolets. Cela a fonctionné jusqu’au moment de l’arrêt de l’avanche. A ce moment, il a basculé vers l’avant et a été recouvert de neige. Il a pu se dégager par lui-même très rapidement, d’abord le haut du corps puis les jambes.

En le rejoignant, je découvre que la plaque a glissé sur une couche de neige extrêment dure. La hauteur à la coupure était d’environ 40 cm. Mon compagnon a glissé environ 60-80m. Autour de nous, ll y a des quantités énormes de neige en blocs assez peu compacts. Une bonne partie de la pente a dû partir mais on ne peut le distinger avec nos frontales.

Après les premiers moments de grande émotion, la question des skis se posent. La longue descente à pied dans la haute neige serait très difficile.
Par chance, après une courte recherche, les deux skis sont retrouvés assez proches l’un de l’autre à la surface de l’avalanche.

Nous avons ensuite pu reprendre notre descente à ski. Le cône de l’avalanche nous a paru très long.
Encore sous le choc, la fin de notre excursion a requis toute notre attention pour rester sur le bon itinéraire et maîtriser la neige était devenue cartonnée et très peu maniable.

Rétrospectivement, nous avons eu énormément de chance, car évidemment nous avons commis beaucoup d’erreurs:

-risque d’avanches élévé (3), surtout pour une sortie nocturne
-changement d’itinéraire sans préparation préalable
-sortie de nuit donc vue d’ensemble des pentes nulle
-choix du parcours de descente totalement inadapté. On a constaté le lendemain sur une carte que la pente où la plaque s’est déclenchée était inclinée à 34°, orientation E. On aurait dû rester sur la pente de montée qui est parcourue tout l’hiver, donc mieux stabilisée
-un manque de réaction défensive dans une situation délicate de la personne expérimentée, mais aussi du participant moins expérimenté (on aurait pu remonter sur nos traces).

Posté en tant qu’invité par el primo:

lucky man!!! heureux pour vous que cela se termine bien!
peut on savoir quel massif ou quel sommet?

Merci pour ce témoignage très intéressant.
Je crois que tu as bien analysé les choses après coup.

Une seule remarque (de détail). Tu écris : « je découvre que la plaque a glissé sur une couche de neige extrêment dure »
A priori, je ne pense pas que ce soit vrai. Pour moi, la plaque a glissé sur une couche fragile, et a eu un effet de bulldozer, en écrasant ce qui était dessous.
Je me souviens du témoignage d’un copain qui avait survécu à une avalanche sur une pente raide. Il m’avait dit qu’avant la coulée, il montait en taillant facilement des marches avec ses pieds. Après la coulée, il fallait des crampons pour évoluer.

Et malheureusement, ce jour là, les autres de l’équipe n’avait pas tous eu votre chance…

[quote=« Paul G, id: 856414, post:3, topic:85215 »]Une seule remarque (de détail). Tu écris : « je découvre que la plaque a glissé sur une couche de neige extrêment dure »
A priori, je ne pense pas que ce soit vrai. Pour moi, la plaque a glissé sur une couche fragile, et a eu un effet de bulldozer, en écrasant ce qui était dessous.
Je me souviens du témoignage d’un copain qui avait survécu à une avalanche sur une pente raide. Il m’avait dit qu’avant la coulée, il montait en taillant facilement des marches avec ses pieds. Après la coulée, il fallait des crampons pour évoluer.[/quote]

En effet, il est admis que l’avalanche se déclenche sur une couche fragile. Mais celle-ci étant emportée par l’avalanche, il reste en général une couche suffisamment dure pour résister à son passage. La couche dure ne serait donc pas la cause de l’avalanche, plutôt une conséquence.

Merci Vendredi pour ce témoignage utile. Nous faisons tous des erreurs, nous avons heureusement souvent de la chance dans ces moments là, mais il n’est pas donné à tous de savoir faire une analyse critique des causes comme tu le fais.
Une nouvelle fois on peut voir que c’est l’enchaînement de circonstances ou de décisions qui devient le déclencheur.
Permets moi un brin d’humour, un clin d’oeil, pour compléter ton propos, il manque un élément dans la prise de risque, c’était un vendredi 13 !

Posté en tant qu’invité par Vendredi:

Merci pour vos commentaires.

Cela s’est passé en Suisse, dans les Alpes orientales.

Une randonnée de nuit, c’est un peu comme une randonnée dans le brouillard: le manque de vision d’ensemble peut conduire rapidement à des choix d’itinéraire erronés.

Est-ce qu’un vendredi 13 augmente les risques? Il nous a finalement porté chance… Mais je ne vais pas utiliser ce joker trop souvent :slight_smile:

Posté en tant qu’invité par helenekouet:

Excusez moi d’etre si directe mais ce récit est tout simplement indécent pour toutes personnes et compagnons de personnes qui a l’inverse de vous n’ont pas eu la chance d’utiliser leur soit disant « joker » et ont fini leur jour étouffés sous une avalanche un vendredi 13 ou un autre jour.
Je ne vois vraiment pas ce qu’on y apprend de plus que ce que tout skieur de randonnée un tant soit peu conscient des dangers connait déjà…
:confused:
cordialement

Et bien, je te donne mon avis sur l’intérêt de ce récit :
Ceux qui sont morts sont forcément des héros, des gens expérimentés, des victimes de la fatalité, et il est absolument interdit de discuter de leurs erreurs, et d’ailleurs qui oserait dire qu’il y en a ?
Alors que ceux qui s’en sortent peuvent raconter leur histoire, analyser leurs bêtises, et essayer de les transmettre pour que ceux qui ont l’esprit assez ouvert les évitent.

Posté en tant qu’invité par la baltringue:

[quote=« helenekouet, id: 857181, post:7, topic:85215 »]Excusez moi d’etre si directe mais ce récit est tout simplement indécent pour toutes personnes et compagnons de personnes qui a l’inverse de vous n’ont pas eu la chance d’utiliser leur soit disant « joker » et ont fini leur jour étouffés sous une avalanche un vendredi 13 ou un autre jour.
Je ne vois vraiment pas ce qu’on y apprend de plus que ce que tout skieur de randonnée un tant soit peu conscient des dangers connait déjà…
:confused:
cordialement[/quote]

au contraire, ce genre de récit est hyper intéréssant. Je préfère ça que des discussions sans fin sur les accdients mortels ( fallait y aller ? ou pas ? etc etc )

j’ai rarement lu quelque chose d’aussi absurde…

Merci pour le témoignage.
tu peux preciser la carte, l’altitude et les coordonnées de la plaque?

c’est vrai que 34° par danger 3, c’est un peu de la roulette russe (cf ce document du SLF).

Bonjour Hélène,
Je côtoie et accompagne une amie qui a perdu l’année dernière un intime dans un accident du type que nous évoquons, aussi je sais combien le sentiment d’injustice est fort face à ceux qui ont eu LA chance, car ce n’est que de chance dont on parle pour ceux qui s’en sortent, je le dis en connaissance de cause.
Aussi, merci de m’excuser pour le clin d’oeil scabreux du vendredi 13. Même si je pense que le témoignage de Vendredi a son utilité, je comprends tout autant ta réaction et ne m’associe pas du tout au propos précédent.

Vendredi,
peux-tu compléter ce détail qui m’avait échappé ? Ton ami a réussi à se séparer de ses skis. Tu dis qu’il a déchaussé lui même. Avait-il des lanières de sécurité, des stop-skis ou rien ?
Hervé.

Surtout ne pas évoquer les circonstances d’un incident et encore moins celles d’un accident grave de peur qu’on y apprenne quelque chose permettant d’éviter le même type d’accident.

Posté en tant qu’invité par Vendredi:

Je vous prie de m’excuser pour ma phrase sur vendredi 13 bien mal pensée et qui a dérapé.

Les coordonnées de l’endroit sont CH 747990 222039, 2150m.

Mon ami a déchaussé ses skis équipés de stop-skis.