Posté en tant qu’invité par FM:
lu ça ce matin :
Pistes sous haute surveillance
Paul-Victor Amaudruz et son équipe sécurisent tout le domaine de Verbier. Ce guide de montagne s’avoue parfois blasé par l’irresponsabilité de certains skieurs, mais jamais par son travail.
Olivier Dessibourg
Mercredi 4 janvier 2006
«C’est arrivé là», coupe-t-il en désignant une césure dans la couche neigeuse. Vu depuis la télécabine du Funispace à Verbier, l’endroit ressemble à un vertigineux toboggan neigeux parsemé de rochers. Le 18 décembre, un skieur s’y est pourtant glissé. Et a déclenché une avalanche, qui l’a emporté. L’équipe de secours a pu rapidement sauver le casse-cou, grièvement blessé mais vivant.
«Face à un tel accident, je ne me sens désormais plus du tout impliqué; ce gars n’est pas arrivé là par hasard. Sinon je n’en dormirais plus la nuit», commente simplement Paul-Victor Amaudruz. Car des cas semblables, le chef de la sécurité de Téléverbier en a connu plus d’un durant ces vingt dernières années. Agé de 43 ans, ce guide de montagne jovial dirige depuis cinq ans une équipe de 30 à 40 patrouilleurs chargés de sécuriser les pistes de la station. «Des gens très compétents, en qui j’ai une confiance totale.»
Evaluation de l’enneigement, déclenchement d’avalanches par minage, pose de filets de sécurité: à chaque jour son lot d’activités, avec comme seul point commun l’ouverture des pistes vers 8h45, si possible. «Comme un courtier à la Bourse, j’aime cette animation tôt le matin, quand il faut coordonner les activités de mes collègues», confie-t-il.
Or malgré cet immense travail de balisage, il se trouve chaque année des skieurs assez téméraires pour braver l’interdit. Paul-Victor Amaudruz n’en est pas dépité: «Si certaines gens ont décidé de faire du ski hors piste, rien ne peut les en empêcher. Dès lors, notre démarche consiste à faire qu’elles sachent exactement les risques qu’elles encourent.» Evacuer toute réaction d’émotion lors d’un sauvetage devient ensuite plus facile. «Nous faisons notre boulot, sans prendre sur nous! Ce qui ne nous empêche pas de faire un debriefing de l’accident par la suite, pour vérifier si tout a été bien fait.»
Loin de s’apitoyer sur le sort de ces quidams imprudents, le chef de la sécurité s’avoue plus touché lorsque ceux-ci déclenchent des avalanches emportant des skieurs qui respectent le balisage. Marié, père d’un enfant de 2 ans, il cerne un problème qu’il a vécu jadis: «Les jeunes patrouilleurs sont très motivés. Je dois parfois canaliser leur fougue avant qu’ils n’aillent se mettre en danger pour sauver des gens.»
Des gens qui, selon lui, ne s’assument pas: «Lors d’un sauvetage, il nous a fallu deux rappels sur corde pour accéder à deux personnes coincées dans les rochers. Bien qu’étant équipées, elles nous ont dit, béatement, ne pas savoir que le secteur était dangereux…» Ce comportement teinté d’inconscience, Paul-Victor Amaudruz l’attribue à un changement de mentalité, ainsi qu’à l’influence des publicités exaltant le ski extrême: «Nous allons de plus en plus récupérer des skieurs dans des endroits risqués. Aujourd’hui, les gens estiment normal qu’on vienne les secourir; peu marquent de la gratitude.» Et de raconter: «Récemment, nous avons sorti un skieur d’une avalanche. Deux jours plus tard, nous le croisons dans un secteur dangereux… Il nous a juste dit bonjour.»
A ce manque de reconnaissance - «sauf de la part des professionnels de la montagne qui connaissent notre travail» - s’ajoutent parfois les exigences de ses employeurs, les exploitants des remontées mécaniques; après des chutes de neige, Paul-Victor Amaudruz se voit souvent pressé d’ouvrir les pistes le plus tôt possible. «Or il s’agit d’une grosse responsabilité. Il faut par exemple s’assurer que les pentes en amont sont sûres. L’objectif est de s’approcher chaque jour au maximum du risque zéro, même si je crains que tôt ou tard il n’arrive quelque chose.» Et en cas de pépin, il le sait, c’est vers lui que se retournera la justice.
Comment gérer une telle charge? «C’est le métier de guide qui ressort: comme lors d’une course d’alpinisme, je n’ai pas le droit de me «planter». Je fais aussi confiance à mon intuition.» Intègre, posé et déterminé, l’homme n’avait pas hésité à rendre son tablier durant l’hiver 1999. Après d’abondantes chutes de neige, il avait refusé de précipiter la réouverture des pistes, s’attirant d’abord les remontrances de ses supérieurs. Le lendemain, plusieurs avalanches lui donnaient raison, et il était prié de reprendre son poste.
Blasé, Paul-Victor Amaudruz admet l’être quelque peu par les agissements de ces skieurs irresponsables, mais jamais par son travail. «Mon activité me donne d’immenses satisfactions, et beaucoup de liberté. Sécuriser tout le domaine de Verbier constitue en grand défi. De plus, voir le soleil se lever sur le massif du Mont-Blanc ou skier dans la poudreuse reste à chaque fois exceptionnel. Je suis né à Trient, je suis un homme de la montagne. J’y passe d’ailleurs tous mes loisirs», confie celui qui a aussi traversé par deux fois l’Atlantique à la voile. «Si je n’avais pas fait guide dès l’adolescence, puis patrouilleur? Je me serais probablement embêté.»
Le Temps, 4 janvier 2006
`
Et en complément, cela se passait hier mardi 3 janvier à quelques encablures de Verbier :
Un jeune skieur valaisan perd la vie dans une avalanche à Nendaz
Hors-piste en cause - Danger d’avalanche important
Nendaz (AP) Un Valaisan de 22 ans a été tué par une avalanche mardi matin alors qu’il pratiquait le hors-piste au Bec des Etagnes, au-dessus de Nendaz (VS). Son compagnon de ski s’en est tiré indemne. Le danger d’avalanche est très élevé dans une grande partie du Valais.
L’accident s’est produit vers 11.30 heures, a une altitude de 3.000 mètres. Les deux skieurs avaient quitté le domaine skiable du Mont-Fort pour se diriger vers le lac de Cleuson lorsqu’une coulée de 100 mètres de large s’est déclenchée dans la face nord du Bec des Etagnes, sur une pente abrupte, a précisé la police cantonale valaisanne.
L’un des skieurs, qui était équipé d’un détecteur pour victime d’avalanche, a été emporté par la masse de neige, tandis que son compagnon n’a pas été recouvert et a pu appeler les secours. Grâce à un appareil fixé sous l’hélicoptère de la compagnie Air-Glaciers, les sauveteurs ont rapidement localisé le malheureux sous quatre mètres de neige. Malgré une rapide intervention, le jeune homme originaire de la région n’a pas pu être sauvé. Son corps a été héliporté à Sion. L’avalanche mortelle faisait 150 mètres de long.
La police rappelle que les conditions d’enneigement sont très mauvaises et recommande de rester sur les domaines skiables sécurisés. Plusieurs autres coulées se sont en effet spontanément déclenchées mardi, révélant une instabilité du manteau neigeux. Des secouristes valaisans ont d’ailleurs été dépêchés mardi après-midi sur le versant italien du Grand-St-Bernard afin d’intervenir sur une autre avalanche.
L’Institut fédéral pour l’étude de la neige et des avalanches a aussi annoncé en début de semaine un danger d’avalanche important dans une grande partie des Alpes. En Valais, particulièrement au-dessus de 2.000 mètres, il convient de redoubler de prudence.
C’est le deuxième décès dû à une avalanche de l’hiver. Vendredi dernier, un skieur allemand a perdu la vie au Piz Griatschouls, au- dessus de Zuoz, dans les Grisons.
Edicom