Emois photographiques et autres vibrations artistiques

Il me semble que cette discussion peut amener vers des réflexions plus générales, je vais tenter de vous en faire part.
N’ayant pas la virtuosité de plume et de réflexion de certains, j’espère leurs lumières.
D’où vient notre émoi devant une photographie ?
Je suis curieuse de savoir comment chacun de vous « apprécie » une photo, sans la passer dans un logiciel d’analyse d’image.
Mais en fait, je me dis que certains ont été initiés, ont lu des tas de littératures à ce sujet, et en fait leur cerveau est formaté avec ces standards, donc ils vont apprécier par rapport à ces standards.
Ce n’est pas une critique, c’est juste une idée comme ça.
Dans les photos du concours C2C, j’ai été étonnée de certaines photos portées aux nues qui ne me parlaient pas du tout.
mais je n’ai pas d’éducation en photographie… donc peut-être que je n’ai pas appris à être sensible à certains ordonnancements.

Par exemple, dans un autre domaine : la musique.
J’ai eu une éducation musicale classique, je dirais même très classique, et certaines œuvres me transportent alors qu’elles laissent de marbre d’autres personnes. il y a des musiques qui me sont hermétiques, je ne les apprécie pas, voire insupportent et je suis ébahie que des publics en soient fan.

Pour chacun de ces deux arts, (peut-être tous… ) le fait d’être initié à leur dégustation permet sans doute des émois plus intenses devant un chef d’œuvre, mais ne permet pas à certains de supporter la moindre fausse note : un blanc cramé dans un coin, une note oubliée et c’est pour eux l’horreur absolue, la fin de la magie.

Une photo peut me faire rêver de par ses lignes, ses lumières, ses couleurs, ses contrastes, mais aussi par ce qu’elle évoque en moi, au-delà de ses imperfections par rapport aux standards.
Être capable de passer une imperfection permet parfois d’accéder à d’autres émotions.

https://www.youtube.com/watch?v=tAOuk0l7KNY

Bonjour Catherine,
il me semble que c’est plutôt l’inverse: c’est à mon avis l’absence de connaissances qui limite la pensée et donne des avis formatés : formatés car non remis en question et donc assujettis à ce qui a été « le plus vus ».
Pour moi le goût des standards est surtout lié à la peur de l’inconnu et à la méconnaissance des autres voies que peut prendre la photographie. Il me semble que la connaissance permet aussi de filtrer les images déjà vues, sans se laisser bluffer par la prouesse.

En photographie, ce qui est bien pratique, c’est évidemment le recours à la critique technique. Elle est exclue facilement. Elle a à mon avis peu d’intérêt parce qu’en réalité la technique n’est pas très compliquée.
Pour ce qui est de l’émotion, ce n’est pas simple de vibrer devant une photo de montagne… Vibre t’on face à un paysage que l’on reconnait? Devant la pureté d’une ligne? L’harmonie d’une lumière?
Est-on impressionné par la difficulté que l’on reconnaît derrière la prise de vue? Se met-on à la place du photographe ou du grimpeur?

Merci à toutes les deux pour cette discussion, Catherine et Ior ! :slight_smile:

Merci pour ce sujet :slight_smile:

Pour ma part, je n’ai pas étudié d’ouvrages, je n’ai pas non plus passé en revue tous les grands de la photographie, avant de me lancer.

Je trouve difficile de cerner précisément ce qui me plaît ou non dans une image. En réalité, non ; Je trouve aisé de dire à l’avance ce qui va me plaire ou non :

J’aime l’être humain, en ce qu’il a de meilleur, de plus beau. J’aime les paysages à couper le souffle. J’aime les histoires. Et j’aime les photographies qui retranscrivent cela.

Néanmoins, dans la réalisation, certains instantanés vont me laisser de marbre, malgré qu’ils remplissent ces « critères ».

Je n’aime pas les retouches extrêmes, les « transformations » ; J’apprécie assez peu le travail en studio, même si parfois la créativité m’impressionne. Je peux être sidéré par des aspects techniques hors normes, ou non.

Le plus dur pour moi serait de définir ce qui va me toucher, et non « juste » me plaire.

Lorsque je vois des portraits d’enfants sur des zones de guerre, dans le style inimitable de McCurry, j’en ai les larmes aux yeux. Mais ce n’est pas une généralité. Je sais que je vibre toutefois assez aisément lorsque je ressens intensément l’histoire qui accompagne le cliché, au travers de celui ci, sans qu’aucun mot ne soit nécessaire.

Je suis assez d’accord avec ce que dit Catherine sur les extrémités de la « technique » dans la photo (et ailleurs) ; A force de rechercher l’unique technicité ou la technique parfaite, on en vient à ne voir que les défauts techniques d’une image.

Lorsque je passe en revue certaines images de Cartier Bresson, ce sont des bouses techniques : zéro cadrage, blancs cramés, ombres noires, flou parfois… et pourtant, je les trouve belles, pour l’histoire qu’elles racontent, pour le moment qu’elles saisissent. Bon, il a aussi fait des chefs d’oeuvres techniques, heureusement :smiley:

Ça vient des selfies du sommet : tout les têtes semblent dire « et moi, et moi ! »

Je suis assez d’accord avec tes propos sur l’éducation : on n’apprécie pas tous les genres, parce qu’on a pas appris à en décrypter les subtilités (ou qu’on n’a pas d’émotions associées à certains poncifs).
Mais il y a aussi une dimension dynamique, nos goûts et sensibilités évoluent avec les années et les expériences, avec les pratiques.
Il me semble que tu es assez fan de volatiles, tu remarqueras tout un tas de truc sur une photo dédiée, alors que moi qui ne suis pas du tout porté sur cette chose passerai vite à la suivante. Et inversement, je vais bloquer sur une photo d’un paysage ariégeois, tenter de reconnaître les alentours, me rappeler quand et dans quelles circonstances j’ai pu ou je pourrais aller dans ce coin… parce que c’est ça qui m’excite.

Question de profane : on voit souvent des images vraiment originales ou avec des techniques novatrices ? En tout cas dans des sujets orientés montagne ? (ok c’est large…)

J’ai vu au ciné « le sel de la terre » sur Sebastiao Salgado (vie et œuvre, indissociable) : j’ai vraiment vécu les clichés, car ils étaient bien mis en contexte, et les plans fixes sur les photos passaient très bien malgré le format film. En revanche, en feuilletant son livre Genesis, j’ai beaucoup moins accroché car il s’agit d’une interminable succession de clichés (du moins c’est ce que j’ai ressenti). Difficile de faire vivre un cliché sans contexte je trouve.

Du coup pour reboucler, je peux me repasser mes photos de sorties et sourire devant ou bloquer sur des détails, alors qu’elles n’ont absolument aucune valeur technique ou originalité. Mais le contexte est présent. Les mêmes photos d’autres personnes, plus difficile.

Bon, j’ai peut-être enfoncé des portes ouvertes…

Merci pour le sujet.
Je me suis posé ce genre de question en regardant les photos du concours.
Mon impression sur certaines était que la photo devait évoquer des choses importantes pour son auteur, mais qu’elle ne me parlait pas du tout - et qu’un peu de technique aurait vite pu améliorer les choses.
La lecture de l’image par une personne « extérieure » au sujet n’est pas du tout la même : pour l’extérieur, un cliché pris dans une situation « banale » peut ainsi provoquer bcp + d’émotion qu’un autre pris ds une situation particulièrement intense.

J’aime bien la question aussi, elle apparait en confrontant ses émotions entre plusieurs personnes face à la même œuvre, musique, situation, paysage etc…
Je me dis qu’on a chacun des cordes plus ou moins sensibles et personnelles, qui vont vibrer facilement ou pas, négativement ou positivement d’ailleurs. Certain(e)s pourront être transporté(e)s par une musique mélancolique et grave ou au contraire voudront sortir pour rejoindre des ambiances de musiques plus joyeuses et légères. En montagne on peut être sensible à une face austère ou au contraire une herbe sympathique fleurie au soleil.
En photo, j’imagine que certains auront des filtres « techniques » en plus d’une émotion, parfois chercher des symétries, des équilibres, ou au contraire voir une belle nature désordonnée et brute.
Je verrai bien les racines de ces sensibilités, dans l’enfance et aussi les marques d’épisodes intenses de la vie, ou la chair est un peu à vif… Le tout assaisonné des aspirations personnelles qui diffèrent entre chacun. (écrit sur fond de préludes de Debussy)

Sujet intéressant Catherine, sur lequel je vais tenter de donner mon avis de photographe amateur.

Je suis tout à fait d’accord que dans un monde où l’on est entouré d’images, ce qui nous fera nous arrêter sur une photo c’est l’émotion qu’elle génère. Cette émotion sera toujours plus ou moins liée à un vécu du lecteur, même si certains photographes arrivent à les transmettre au plus grand nombre.
Néanmoins, on ne peut se cacher trop souvent derrière l’émotion transmise pour admettre la médiocrité technique.
Je vais oublier totalement la question des réglages fins pour ne pas éliminer les gens qui shootent au compact ou au téléphone, mais juste de faire l’effort d’essayer d’avoir un fond à peu près propre, de pas couper à tout bout de champ des bouts sans réflexion, bref de pas déclencher sans réfléchir.

J’ai d’ailleurs un très gros problème avec cette tendance à dire que les règles photographiques sont sans intérêt et à se reposer sur des exemples de très haute autorité dans le domaine. Les gens que vous citez comme exemple pour justifier le refus de ces règles les maitrisaient justement parfaitement, et chaque refus de ces règles peut se décrypter sur la photo pour de très bonnes raisons. Même les images de Capa lors du débarquement sont composées le plus correctement possible par rapport à la situation. Après bien sur si certains veulent considérer qu’un horizon qui penche, un contre jour non maitrisé, ou un pleine pastille injustifié apporte de l’émotion… libre à eux

Quand à la question de l’habitude, même si il est vrai qu’on note certaines dérives sur les forums photo (où régulièrement une image NB à pleine ouverture va se faire encenser alors qu’elle n’a rien de particulièrement réussi par exemple), il faudrait plutôt parler de l’incapacité de beaucoup à lire une image. C’est une habitude qui s’acquiert et qui ouvre des niveaux de lecture très intéressant sur les images. Je vous conseille d’ailleurs de trouver des explication d’image de HCB pour comprendre pourquoi quand lui il déclenche sur un minot en tricycle dans la rue ça tue, et quand vous vous essayez vous n’êtes pas satisfait.

Quant aux images du concours, j’avoue que pour moi certaines n’ont leur place qu’en temps qu’hommage aux copains disparus ou en temps qu’illustration dans le topoguide, et c’est très bien comme ça. Mais justement pour de l’image utilitaire où l’on ne peut pas forcément innover, il serait cool de respecter un minimum certaines règles que d’autre sont si prompt à décrier.

Bonjour,

Je n’y connais pas grand-chose en photo. Pendant longtemps, j’ai surtout admiré les photos de paysages « comme j’aimerais en prendre », mais tout en sachant que je n’y arriverais jamais faute d’avoir appris et faute de vouloir y consacrer du temps d’apprentissage. Les photos que j’admire avec de telles caractéristiques sont par exemple celles de Glag qui participe sur ce forum.

Sur ce site, j’apprécie aussi les photos « techniques » : celles qui montrent l’itinéraire, les passages à repérer.

Cette année, j’ai eu la chance de rencontrer une accompagnatrice de montagne qui m’a montré qu’on pouvait aussi faire autre chose avec la photo, rendre des émotions, évoquer une histoire…
http://www.ambredelalpe.com/Galeries
En voyant certaines de ses photos, je me suis vraiment dit que l’art de la photo et l’art de la peinture se rejoignaient dans des sommets dont je peux admirer la beauté des réalisations, et qui me confortent dans mon idée que tout en admirant les résultats, ce n’est pas une activité pour laquelle il me conviendrait d’investir dans plus d’efforts, et donc je resterai à faire des photos souvenirs de mes randos qui n’auront rien à voir avec ce que des artistes photographes peuvent faire.

Du coup, avec cette diversité de nature et d’usage des photos, je n’ose plus parler de « la » photographie.
Et je veux bien admettre qu’il y ait des « règles » de création des photos, mais je pense que ces règles doivent justement être très bien comprises et parfois complètement dépassées par les artistes pour arriver à faire des photographies qui soient des œuvres originales et non une quasi-copie de modèles normalisés.

Et quelque part, ce qui me fait admirer une photo, c’est quand je me dis que pour cette photo, le matériel n’y est pas pour grand-chose même s’il est une aide importante, mais la pertinence du choix du photographe y est pour beaucoup.

Bernard

Tu veux dire novatrices par la technique employée?
Pour commencer, l’allègement du matériel photo a permis des prises de vue qui n’étaient pas possible autrefois, quand il fallait se trimballer avec tout un bardas de plaques de verre ou autre.
Pour ce qui est de qq chose d’actuel, il y a bien sûr, pleins de progrès techniques liés à l’usage du numérique. (mais qui font aussi perdre d’autres choses.)
On pourrait parler des bidouilles sur les images moitié couleur, moitié noir et blanc, sur la possibilité d’avoir une image ayant deux expositions différentes, une pour le ciel, une pour la montagne, ce qui évite que le ciel perde tous ses détails. Revenir à des techniques anciennes fait aujourd’hui parti paradoxalement parti d’une démarche novatrice.
Je cherche des exemples, mais malheureusement je connais peu de photographes de montagne. En général la photo de montagne m’ennuie profondément.

Dans les discussions photos la technique est souvent appelée à la rescousse quand on a rien à dire. (soit que la photo soit mauvaise, soit que le regardeur ait peu de sensibilité). C’est rarement très intéressant.
Il y a des règles de base sur la composition d’une photo (règle des tiers, ect…), sur l’usage de la technique (profondeur de champs, couple diaphragme/ vitesse, blablabla…) mais tout ceci s’apprend assez vite.
Après, reste à cultiver sa sensibilité, sa capacité à recevoir les choses, à les entendre, malgré ou avec leurs aspérités, leurs gênes, leurs maladresses et leur fulgurances. Et 'est probablement ce qui demande le plus d’attention et d’humilité.

Il y a un très beau livre de Bernard Plossu, qui s’appelle Nuage Soleil. Il a été réalisé avec un petit appareil ayant pour seuls réglages la position Nuage ou Soleil. Les photos sont très touchantes…

Posté en tant qu’invité par Jean24:

Edit modération : Post supprimés comme les précédents, et comme le seront les suivants.

/articles/106743/fr/charte-du-forum#droits-et-devoirs-du-contributeur
Il serait temps de s’en souvenir. Les posts volontairement désobligeants sont systématiquement supprimés, inutile de demander des explications.

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