Posté en tant qu’invité par Olaf Grosbaf:
Du nouveau au sujet de l’oedème pulmonaire: http://www.snf.ch/fr/com/prr/prr_cur_aug23.asp
Communiqué de presse, Fonds national de la recherche scientifique (FNS)
"Berne, le 23 août 2004
Recherche en altitude pour aider à la compréhension d’une pathologie courante
Des Alpes aux Andes boliviennes, des chercheurs suisses sur la piste de l’œdème pulmonaire
L’homme n’est pas nécessairement adapté aux conditions extrêmes de la haute montagne. Certains individus, pourtant sportifs et entraînés, développent un œdème pulmonaire au-dessus de 3000 mètres d’altitude. Claudio Sartori et Urs Scherrer, deux chercheurs du CHUV soutenus par le Fonds national suisse (FNS), ont démontré qu’un défaut du transport du sodium à travers les cellules des alvéoles pulmonaires est à l’origine de cette pathologie.
Ces résultats ressortent d’une étude menée dans les Alpes sur une cinquantaine d’alpinistes. S’intéressant maintenant aux liens entre œdème pulmonaire et manque chronique d’oxygène, les deux scientifiques étendent leurs travaux aux Indiens Aymara de l’Altiplano bolivien. Grâce à leurs recherches, les deux spécialistes espèrent pouvoir proposer des traitements efficaces non seulement aux Boliviens, mais aussi à tous les malades chez qui un œdème pulmonaire se développe comme complication d’une maladie cardiovasculaire.
L’œdème pulmonaire de haute altitude (abrégé HAPE en anglais) se caractérise par une accumulation de liquide dans les poumons. Cette maladie constitue une importante cause de mortalité chez les alpinistes. Elle peut également toucher toute personne se rendant en haute altitude (>2500 m) pour un séjour de longue durée. L’HAPE est souvent lié à une montée trop rapide en altitude, ne laissant pas au corps le temps de s’acclimater au manque d’oxygène. « Ce risque est souvent sous-estimé, explique Urs Scherrer. Si vous prenez un groupe de personnes et les montez rapidement au sommet du Mont Rose (4634 m), environ 10% développeront un HAPE dans les 36-72h suivant leur arrivée en altitude. »
Les professeurs Urs Scherrer et Claudio Sartori ne sont pas des alpinistes chevronnés, juste des amoureux de la montagne. C’est pourtant une autre raison qui les a poussés à étudier, avec le soutien du FNS, l’œdème pulmonaire de haute altitude. « Le CHUV abrite de nombreux patients atteints d’œdème pulmonaire, remarque Urs Scherrer. Il s’agit là d’une affection fréquente qui peut se développer par exemple à la suite d’un infarctus. Souvent confronté à ces patients, j’ai voulu en savoir plus sur les causes de cette maladie. » La démarche étonne : pourquoi s’intéresser au HAPE quand on veut éclaircir les causes d’un œdème pulmonaire certes proche, mais lié à une maladie cardiovasculaire ? « L’œdème de haute altitude est un excellent modèle, répond Claudio Sartori. Il se développe chez des gens prédisposés, mais sinon en parfaite santé. Les causes de l’œdème peuvent être étudiées sans que ses signes ne soient perturbés par les effets d’une autre maladie et des médicaments nécessaires au traitement de celle-ci. »
Défaut du transport alvéolaire du sodium
Dans le cadre de cette étude, 21 alpinistes ayant déjà souffert d’un HAPE et 29 autres n’ayant jamais connu ce problème, malgré de nombreux séjours en haute altitude, ont effectué une ascension rapide à la Capanna Regina Margherita (4556 m), dans le massif du Mont Rose, avant d’y faire un séjour de 48 heures. « Les sujets ont été soumis à plusieurs tests, dont un essentiel, explique Urs Scherrer. Nous avons introduit dans leur nez un très mince cathéter pour mesurer la différence de potentiel électrique entre la muqueuse nasale et le tissu sous-cutané de l’avant-bras. Certaines cellules de la muqueuse nasale, faciles d’accès, reflètent le comportement des cellules des alvéoles pulmonaires. La différence de potentiel électrique se produit quant à elle lorsque deux milieux mis en contact n’ont pas la même concentration en certains ions, des ions sodium par exemple. Ce signal s’approche de zéro quand les deux milieux ont atteint l’équilibre ionique. »
Les chercheurs s’intéressent à la concentration du sodium dans les alvéoles pulmonaires car c’est lui qui permet la réabsorption de l’eau se trouvant dans les alvéoles du poumon. Dans les poumons, une différence de concentration ionique est créée par des « pompes » moléculaires qui transportent du sodium de l’espace alvéolaire (là où arrive l’air qu’on respire) vers l’interstice pulmonaire (là où se trouvent les vaisseaux sanguins). Afin de rééquilibrer cette différence de concentration, le liquide contenu dans les alvéoles pulmonaires suit le mouvement du sodium. Ce mécanisme permet aux poumons de se débarrasser de l’excès de liquide qui pourrait les encombrer.
Grâce aux résultats de ces expériences, publiés récemment dans l’European Respiratory Journal, Urs Scherrer et Claudio Sartori ont pu montrer que chez les personnes susceptibles à l’HAPE, il existe un défaut, probablement d’origine génétique, du transport alvéolaire des ions sodium. En effet, à basse altitude déjà, la différence de potentiel électrique est plus faible chez les sujets susceptibles à l’œdème pulmonaire que chez les sujets résistants. Pire encore : ce défaut, qui empêche l’élimination de l’eau s’accumulant dans les poumons, s’aggrave encore lors de l’exposition à l’altitude. Le salmeterol, un médicament employé pour le traitement de l’asthme, stimule ce transport et permet de diminuer de moitié le risque d’un HAPE chez des sujets prédisposés, une découverte publiée par les deux scientifiques en 2002.
Œdème pulmonaire de réentrée
« Toute cette recherche s’est déroulée dans un environnement extrême et fréquenté uniquement pendant de courtes périodes, explique Claudio Sartori. Nous aimerions maintenant étudier les effets à long terme d’un tel environnement sur l’homme. C’est pour cette raison que nous avons choisi la Bolivie et son altiplano, habitée par les Indiens Aymara depuis des milliers d’années. »
Les deux professeurs helvétiques aimeraient notamment comprendre pourquoi un habitant de La Paz (3600 m), parfaitement habitué à la vie en haute altitude, peut développer un oedème pulmonaire lorsqu’il revient d’un séjour à basse altitude, une maladie appelée œdème pulmonaire de réentrée ? « Nous allons à nouveau investiguer le transport alvéolaire du sodium, ainsi que le rôle de l’endothélium vasculaire pulmonaire, soit le tapis cellulaire qui constitue la couche interne des vaisseaux, précise Urs Scherrer. Ces cellules luttent contre le rétrécissement excessif de nos vaisseaux pulmonaires qui se produit en situation d’hypoxie. Chez certaines personnes, ce rétrécissement est tellement intense et la pression si haute qu’elle peut provoquer des ruptures de la paroi des vaisseaux capillaires pulmonaires et provoquer un œdème. Il y a deux mécanismes essentiels pour expliquer la survenue d’un œdème pulmonaire: une incapacité à évacuer le liquide ou une accumulation excessive de liquide dans le poumon, quand ce ne sont pas les deux ensemble. »"