Posté en tant qu’invité par thierry AVE:
C’était en septembre 2004, nous avons fait avec Michel la goulotte Chéré dans des conditions exceptionnelles, c’est-à-dire : beau temps, très bonne glace et personne d’autres que nous dans la goulotte ! Les trois critères réunis, on peut appeler cela gros coup de bol je crois! Comme quoi, on peut avoir aussi de la chance, ça me change des mes buts à répétitions à la Barre des Ecrins.
Toutefois l’évènement singulier de cette sortie n’était pas la réussite de cette goulotte, peu originale, mais la rencontre de deux écossais…
C’est dimanche soir, fin septembre, inutile de dire qu’il n’y a pas grand monde au refuge. On doit être une vingtaine à tout casser, et renseignement pris auprès des autres : tout le monde va à la voie normale du Tacul. Nous nous attablons et faisons la connaissance d’un couple d’écossais, sympa. Chose originale dans un refuge nous parlons montagne ! Des nôtres, mais surtout des leurs. Du Ben Nevis et de ses goulottes revêches qui ont la réputation être d’être fort difficiles à brocher, d’où un engagement certain. Engagement que les grimpeurs locaux oublient probablement à coup de pur Malt des Highlands…. Mais il faut bien avouer que chaque hiver, la paraisse aidant, l’éloignement desdites goulottes nous fait de loin préférer les lignes de glace du Fournel. Sur ces considérations un « good night » et au dodo tout le monde.
Le lendemain nous nous préparons lentement, pour une fois. Rien ne sert de partir trop tôt, la course est rapide, on est seuls, et si nous attaquons avant l’aube on va se geler les cacahuètes… Nous laissons ainsi partir les groupes qui vont à la voie Normale du Tacul. Au passage nous saluons nos écossais qui disparaissent dans la nuit.
En préparant les anneaux de buste, je pense à la façon dont on a organisé cette course. D’habitude nous nous organisons plusieurs semaines à l’avance, avec un succès souvent mitigé…. Pour une fois un coup de fil imprévu au refuge le vendredi et un e-mail laconique à Michel « chéré en condition – T’es OK ?» aurons suffit pour nous retrouver tous les deux dans la voiture le lendemain, excités comme des gamins qui font l’école buissonnière.
Clic-clac les crampons et départ du refuge. Premier phénomène étrange …. devant l’entrée du refuge Michel trouve un piolet, planté tout droit dans la neige, comme abandonné par son propriétaire. Il faut se rendre à l’évidence : il y a un distrait qui est parti sans rien dans les mains …. Ou alors c’est une sculpture moderne, une sorte d’allégorie sur la solitude du montagnard, ouaip, p’être bien un truc dans le genre.
Une minute plus tard nous voyons l’écossais avec qui nous avions dîné la veille qui remonte vers le refuge
« I forgot my ice axe ! » nous dit-il un peu essoufflé et suivi par sa femme, apparemment inquiète de l’étourderie de son homme… Ils reprennent la route, et quelques minutes après nous emboîtons le pas vers la goulotte, avec un petit sourire en plus ….
Au bout de 5 à 10 minutes de marche survient le second phénomène étrange : nous trouvons un crampon planté dans la neige. A cela deux seuls explications possibles. Soit son propriétaire a été enlevé par des extra-terrestes et son crampon arraché lors de la téléportation, soit il marchait tout simplement dans la neige quand celui-ci a quitté sa chaussure et il ne s’en est pas rendu compte !
La seconde explication me semblant trop fantaisiste, je scrute le ciel à la recherche d’OVNI menaçant, mon piolet fermement en main, prêt à défendre chèrement ma carcasse face aux Aliens. Michel ramasse le crampon, pensant qu’il s’agit forcément d’une des cordées devant nous, et nous poursuivons.
Peu de temps après nous apercevons de nouveau notre écossais courant dans notre direction, toujours suivi de sa femme, de moins en moins rassurée, voire franchement inquiète cette fois-ci.
« My crampons ! Thank you !
- you’re welcome … ».
Après ces deux péripéties le couple décide de renoncer au sommet et de faire une course plus rapide à proximité du refuge. Je crois que ce jour là, cela valait mieux, leur carma ne devait pas être au beau fixe…
« - Eh, Michel, au fait , on a bien vérifié tout le matos hein ?
- Moui moui ».
[%sig%]
