Posté en tant qu’invité par Ararat:
Dans Le Monde du 16 août…
Lorsqu’un hélicoptère s’était posé, le 14 mai, quelques instants, sur le sommet de l’Everest, certains pressentaient que les hauts sommets de l’Himalaya ne seraient bientôt plus des montagnes sans secours. La confirmation est arrivée très vite, du Pakistan.
Mercredi 10 août, à 6 h 30, l’alpiniste slovène Tomaz Humar a été hélitreuillé dans des conditions acrobatiques, à 5 900 mètres d’altitude. Piégé depuis cinq jours par une météo désastreuse au coeur de l’immense paroi Rupal du Nanga Parbat, il luttait encore, repoussant de ses avant-bras les coulées de neige qui submergeaient sa niche précaire creusée dans la pente ; mais ses vivres étaient épuisés et les gelures avaient commencé à ankyloser ses membres.
Tomaz Humar a quitté son camp de base le 1er août, suivi aux jumelles par ses amis, qui racontaient sa progression sur son site Internet (humar.com) et lui lisaient à la radio quelques-uns du millier de courriers électroniques quotidiens envoyés de Slovénie par ses fans. L’ascension devait porter sa patte : solitaire, rapide, ambitieuse.
Mercredi 3 août, le temps a tourné. Les prévisions météo étaient fausses. Tomaz Humar s’est retrouvé piégé dans des pentes de neige mouvantes, entouré d’avalanches. A la radio, il a alerté le camp de base : « Faire un pas vers le haut ou vers le bas serait du suicide. » Le 5 août, il a lancé un appel au secours. Ses amis se sont d’abord tournés vers la société Eurocopter, fabricant de l’Ecureuil, l’appareil qui s’est posé sur l’Everest. C’est finalement l’armée pakistanaise, forte de l’expérience accumulée lors des décennies de guerre sur le glacier de Siachen, qui a pris les opérations en mains. Le 10 août, à l’aube, à la faveur d’une éclaircie, deux Puma ont décollé du camp de base. Leur vrombissement a réveillé Tomaz Humar, qui venait de sombrer dans le sommeil après une nuit d’insomnie.
« UNE PRÉCISION INCROYABLE ! »
Joint au téléphone à Islamabad, il raconte ce secours : " C’était comme dans le film Vertical Limit , mais ce n’était pas de la science-fiction. Tout était réel, il n’y avait pas de deuxième prise possible ! Les pales n’étaient qu’à 1,5 m de la paroi. Le souffle déclenchait des nuages de neige et des avalanches, j’étais incapable de voir le pilote, qui ne me voyait pas non plus. Ils m’ont lancé une corde que j’ai fini par attraper. J’étais complètement gelé, trop engourdi pour pouvoir défaire la corde de 4 mm qui me reliait à mon bivouac. Lorsque l’hélico s’est écarté de la paroi, je me suis retrouvé écartelé. Le souffle coupé, je me suis dit l’espace d’une seconde : "Oh mon Dieu, faites que ce soit la bonne corde qui se rompe. Le pilote a été d’une précision incroyable ! " Huit minutes plus tard, Tomaz Humar, toujours suspendu sous l’hélicoptère, a été déposé à côté du camp de base. Epuisé, il est tombé à genoux, embrassant la terre ferme.
L’alpiniste était attendu mardi 16 août en Slovénie.
Charlie Buffet
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