Posté en tant qu’invité par El Gringo:
« Gran Café Tortoni»
C’est un établissement assez ancien, fondé à Buenos Aires en 1858 par un Français, comme son nom ne l’indique pas. Il tire son nom d’une référence parisienne : un autre grand café du boulevard des Italiens, à Paris, qui voyait se réunir tout le gratin de la belle société.
C’est que le Gran café Tortoni de Buenos Aires visait le même créneau. On peut dire que le but fut atteint !
Et le 825 de l’Avenida de Mayo où il se situe a vu défiler tout ce que le nouveau monde compte de célébrités des choses de l’esprit, de la politique, ou bien des actualités , entre Alfonsina Storni, Arthur Rubinstein, Federico Garcia Lorca et Manuel Fangio, pour situer.
Entre autres … entre de très nombreux autres, non des moindres.
Lorsque l’on entre, le regard est tout de suite attiré vers une table du fond, où deux personnages fort bien habillés ont visiblement leurs habitudes.
L’un est assis. Il parait fatigué, appuyé sur une canne qui semble seule l’empêcher de tomber en avant … les yeux mi-clos, les cheveux blanchis quoiqu’assez longs, que la position penchée fait retomber sur le visage.
L’autre porte beau, bien davantage : debout, la cravate impeccable, les yeux plissés de malice, les cheveux gominés lissé en arrière, et le sourire que l’on devine sans peine ravageur pour ces dames. Un parfait latin’lover, quoi !
M’ouais.
Vous autres, vous les auriez reconnus sans peine, sûr ! Pour moi, il m’a fallu m’approcher un peu, et lire sur la table qu’il s’agit de statuts de cire grandeur nature de Jorge Luis Borges, et de Carlos Gardel, qui avaient quasiment leur rond de serviette dans le rade, à ce que l’on comprend.
Une salle voutée en sous-sol propose tous les soirs un spectacle médiocre sur le tango, s’efforçant de raconter sans oublier tous les poncifs l’histoire assez sulfureuse de cette danse de mauvais garçons, progressivement devenue un véritable genre musical.
…
Si je vous raconte ça, c’est qu’il m’est arrivé une chose pas banale, au grand café Tortoni.
Parfaitement.
Moi qui vous cause, au grand café Tortoni, j’ai photographié un fantôme, dites !
Je voulais emporter l’image de l’une des verrières somptueuses, possiblement signée Michka, selon moi. Sur l’écran de contrôle, après avoir pris la photo, j’ai pu le voir parfaitement distinctement, le fantôme !
Son visage un peu flou se détachait sur le lambris d’acajou, comme attrapé à son insu, filant de vitesse devant l’on ne sait quelle urgence fantomatique … zzuipppp, déjà disparu, aspiré sans doute par l’attrait des choses de l’au-delà, qui ne peut leur faire oublier celui de plus terrestres liens, à ce qui semble.
Vous voulez que je vous dise : les fantômes sont des gens comme vous et moi ! Ils ont le nez sensiblement au milieu de la figure, des yeux pour voir … tout ce qu’il faut.
D’ailleurs …
D’ailleurs, grâce à quelques signes ténus, je crois pouvoir vous dire que ce n’étais pas UN fantôme … Et qu’une discussion sur le genre et sa construction pourrait bien les intéresser, eux aussi.
Bref.
En tout cas, voulez-vous en convenir : entre Borges, Gardel, quelque fantôme … notre équipe de guides et accompagnateurs commençait à tenir la route !
Il manquait cependant quelqu’un.
On est passé le prendre chez lui en partant.
Oh … chez lui, c’est un bien grand mot, vu que c’est un parfait SDF !
Il n’empêche, on a beau se sentir chez soi à peu près partout, changer de lieu sans cesse et sans repos, l’on peut aussi aimer avoir une sorte de base arrière, où établir ses quartiers et retranchements. Là où nul ne saurait contester la place qui est la vôtre : la première.
C’est qu’il a un fichu mauvais caractère, le gus en question ! Lorsqu’il hausse le ton, je vous assure qu’il ne viendrait à personne l’idée de faire le bravache.
Il s’appelle : le vent.
Le lendemain, nous sommes partis vers le sud.
[i][euhhhh …]
Y’aura pas de « suite ».
Ici, ce n’est pas le lieu de ces petites plaisanteries (s’il était possible, cependant, de rester tant soit peu aimable, heing …), et le lieu naturel de ces pochades a vu son écologie assez profondément modifiée, ces derniers temps.
Du coup, cherchant à saluer les amis, il m’a bien fallu essayer de retrouver quelque bistrot, vu que je me voyais mal finir ma trajectoire ailleurs que dans un rade … Le Gran Café Tortoni m’a semblé propice, tout à la fois bistrot et destination lointaine. Mais, que l’on se rassure, je me garderai bien d’abuser !
Alors voilà : au bistrot de c2c, je m’y suis senti bien, pendant longtemps, vraiment. J’y ai fait connaissance avec de bien attachantes personnalités, certaines « pour de vrai », d’autres seulement par média télématique, ce que je regrette.
Bien sûr que je ne pourrai plus désormais les emmerder autant qu’avant … ce qui pince un peu plus que je ne veux le reconnaître, comme qui dirait.
Voilà pourquoi je voulais leur assurer ici ma fidèle amitié.
Ciao, ciao à tutti !
Puis gaffe : la montagne, c’est penthu !
Hu ! Hu !
ZZ[/i]