Comment discuter des circonstances d'un accident?

je trouve que c’est important de discuter des circonstances des accidents. A froid evidemment, pour ne pas meler les familles au moment du drame. Souvent les familles/amis sont eux même demandeurs d’ailleurs.

Ca permet :
-de mettre en évidence des problèmes de matos (ex avec l’accident de via ferata à la bastille)
-de rappeller certaines erreurs à ne pas faire ( le grigri, le noeud mal fait, la corde tendue sans point, etc)
-de rappeller que certaines zones sont dangereuses (je pense en particulier au ski)
-de démystifier certaines légendes (le relais sur spits qui s’arrache, etc)
-de bien déculpabiliser aussi parfois, de se rendre qu’il n’y a pas eu d’erreur… si ce n’est celle d’aller en montagne.

j’ai eu affaire récemment à 2 accidents , dont l’un où j’étais partie prenante, et ca fait du bien d’en parler.

Posté en tant qu’invité par Piolet - Cannes06:

Discuter des circonstances d’un accident par des individus qui n’en connaissent ni les tenants ni les aboutissants ? A par noircir des pages de forum et des empoignades en perspective, quel intérêt ? La limite entre le commentaire constructif et le commentaire qui immanquablement frisera l’indécence est ténue.Abstenons-nous, par respect pour la victime et son entourage.

Il est bien evident que si l’on discute d’un accident, c’est quand on en connait les tenants et les aboutissants.
A part les journalistes et les politiques, les gens normaux parlent de choses qu’ils connaissent, et dont ils ont les détails.

D’ailleurs, la plupart du temps, lorsqu’il y a un accident, en escalade au moins, les locaux/equipeurs cherchent à savoir ce qu’il s’est passé, ne serait ce que pour savoir si c’est un problème matériel. On a donc tous les tenants et aboutissants du problème.

« Pourquoi discuter des circonstances d’un accident ? »

Parce que justement il y a discuter.
Pour dépasser la réaction affective, irraisonnée du jugement de valeur, de la condamnation… ou au contraire de la bannalisation
pour comprendre et accepter. A fortiori quand l’accident concerne un proche
Pour faire modifier ou améliorer des materiels inadaptés ou mal conçus ( voir la remarque de Bruno sur le petit élastique qui se trouve derriere le pontet de certains baudriers) ou, des habitudes de faire.
Et surtout pour comprendre , dans la situations telle qu’elle se présentait ce jour là, à ce moment là avec la connaissances de la situation que les protagonistes avaient, l’enchainement des décisions qui ont produits les conséquences de ce qui deviennent des causes d’un accident.

Maintenant on pourrait aussi se demander pourquoi il ne faudrait pas parler d’un accident en montagne escalade.
Parce que cela ne concerne que les spécialistes
Admettre que cela restent des pratiques dangereuses
Risquer d’attirer le " mauvais oeil"
Reconnaitre qu’une personne, le plus souvent tres compétente, a pu faire une erreur
Comprendre qu’on ne maitrise pas tout
Balancer le projecteur médiatique sur le cout social d’une activité et sur la liberté « indécente » dont jouisse ses pratiquants

je crois surtout que la guide line, c’est de ne jamais oublier la douleur de ceux qui restent.

Posté en tant qu’invité par Cornélius:

La question n’est pas « pourquoi discuter des circonstances d’un accident », mais plutôt « comment discuter des circonstances d’un accident ».

Il ne s’agit pas de savoir s’il faut en discuter ou pas puisque si on en discute, c’est qu’on a besoin d’échanger, autant pour les proches que pour les autres. Un accident, quelles que soient ses circonstances et sa gravité, et quel que soit la proximité qu’on en a, est un choc émotionnel qui renvoie à ce qui peut - probablement - nous arriver. Forcément ça interroge et on a besoin d’en discuter pour comprendre et diminuer le risque.

Comment en discuter ? Tout d’abord, un comportement éthique serait de ne pas être trop indiscret vis-à-vis de la victime et de ses proches en évitant les jugements de valeur. Ensuite, on peut faire des cartes et des séries statistiques, mais ce qui est à la fois passionnant et effrayant sur un terrain aussi complexe que la montagne, c’est que toutes tentatives de rationalisation resteront toujours approximatives. Les activités en montagne sont une formidable école de philosophie de la connaissance, parce que l’expérience remet sans cesse en cause nos certitudes. C’est une application directe du principe d’indéterminisme d’Heisenberg pour ceux qui s’intéressent à la physique quantique et à la philosophie des sciences : on est sûr de ce que l’on sait maintenant, mais on peut toujours en savoir davantage. Et pour en savoir davantage, rien de mieux que d’en discuter avec d’autres pour élargir son champ de connaissance.

L’absence de risque n’existe pas. La raison est simple puisque le risque repose sur la dimension humaine. La première erreur, générale, est d’être là, dans un milieu à risque. Il n’y a pas d’accident sans présence humaine. Il y a dix ans, malgré toutes les précautions que je prenais, un parpaing frôlé par mon sac à dos dans une cheminée en Vanoise est tombé sur la jambe de mon compagnon de cordée. Fracture ouverte tibia-péroné. 4 mois d’hôpital. 10 ans de questionnements. Ca aurait pu tomber sur sa tête. Ca aurait pu passer à côté. On ne peut que diminuer le risque, pas l’éliminer à moins de faire du tricot… Et encore, on n’est jamais à l’abri d’une rupture d’anévrisme ou d’une crise cardiaque, d’une chute de météorite si on y croit, d’un obus si on habite à Gaza ou de la rupture du pan de montagne de Séchilienne si on habite à Grenoble.

En montagne comme dans toute action humaine et sociale, outre les données « naturelles », il ne faut pas oublier la dimension humaine, à la fois personnelle et dans les interactions du groupe. Qui n’a jamais fait une erreur de jugement et pris des risques inconsidérés parce que l’envie de continuer était plus forte que la raison ? Qui n’a jamais fait une erreur de jugement à cause de la fatigue, surtout à la descente ? Qui n’a jamais suivi contre son gré un compagnon de cordée qui semblait si sûr de sa décision (réussissant à vous convaincre que le risque 0 existait, par exemple) ? Qui n’a jamais surestimé ses capacités parce que quelques semaines plus tôt son corps était au top de sa forme, mais ce jour-là, il a décliné sans prévenir…

Bref, discutons-en le plus possible et le mieux possible en jugeant le moins possible, parce qu’en toute honnêteté, il faudrait chercher les causes profondes dans la psychologie de chacun pour comprendre les raisons de mettre sa présence physique dans un milieu aussi dangereux et complexe que la montagne. Combien seraient volontaires pour prendre un tel « risque » de réflexivité ?

Bonne montagne !

Posté en tant qu’invité par Piolet - Cannes06:

C’est un sujet qui exige beaucoup de tact et de pudeur et je ne suis pas certains que nous soyons, à des degrés divers, qualifiés pour en débattre avec la réserve nécessaire dans un domaine d’une grande sensibilité.

[quote=« Piolet - Cannes06, id: 1645099, post:26, topic:145613 »][/quote]
Si un grimpeur/alpiniste n’est pas qualifié pour parler de ces sujets-là, qui le sera ?