B.a.-ba de l'Alpinisme

Bonsoir
Ne croyez pas à de la provoc de ma part. Je précise que je suis inexpérimenté, totalement néophyte, et j’ai besoin juste d’éclaircir un point:
C’est quoi l’alpinisme?
C’est ça? http://www.dailymotion.com/video/x4lps2_pic-coolidge-voie-bonatti_sport
ou bien ça? http://www.youtube.com/watch?v=E7B6_HAfQoE

Dans cette même course du pic Coolidge, je vois la première équipe dans les pentes neige et glace, sans assurance et l’autre équipe encordée.
Je m’interesse à l’alpinisme sans pratiquer. Je veux comprendre ce qui pousse certains à attaquer des pentes, que je ne connais donc pas, mais qui me paraissent à moi, très dangereuses car sans fin. J’imagine que déchausser un crampon ou tout simplement « trébucher » et c’est la chute mortelle sans rattrapage possible. Quant aux autres, j’imagine qu’ils mettent plus de temps, que leur progression est plus laborieuse, peut-être même que leur niveau conditionne le choix d’être en cordée. Et peut-être d’ailleurs que ce choix soulève un problème de timing qui n’est pas souhaitable du type météo changeante, mais j’ai l’impression, qu’ils font ce qu’il faut.
Encore une fois, c’est un non initié qui parle et qui demande à comprendre ou plutôt saisir, à travers vos réponses, les subtilités d’engagement en alpinisme. Le point de vue de la première équipe et celle de la seconde.
Merci

Bonsoir Gr1peurderien,
Voici un peu de mon point de vue.

(Attention aux effets de perspectives qui donnent l’impression que la pente est plus raide qu’elle n’est.)

La différence entre les 2 video n’est peut-être qu’apparente.
Marcher encordé n’est pas obligatoirement plus prudent que marcher non encordé. Cela dépend des possibilités d’assurage ou de rattrapage de la cordée.
Donc selon les conditions de neige ou les compétences il peut être plus sûr de faire l’un ou l’autre.
Cela dit, dans le cas de la première video, il y a erreur de stratégie lorsqu’ils grimpent trop près l’un sous l’autre : cela multiplie bêtement les probabilités de mort (c’est un classique).

Ce qui me saute aux yeux par contre c’est dans les 2 cas des techniques trop couramment pratiquées alors qu’erronées (à mon avis) :
-marche en crampons + bâtons sur pente raide (à moi la peur)
-piolet canne tenu en lame-interne : Eros est de sortie et Tanatos se frotte les mains.
-utilisation de 2 piolets-traction sur des pentes modérées où 1 seul piolet-ancre serait beaucoup plus sûr. (mais bon, c’est normal puisqu’ils utilisent leur piolet à l’envers)

Tu demandes « C’est quoi l’alpinisme ».
C’est là un vaste sujet car il y a autant d’alpinismes que d’alpinistes.
Les conceptions de l’alpinisme évoluent avec les sociétés, avec les technologies, avec les religions…
Il existe des « règles de l’art » mais il y a des divergences même entre les spécialistes et les professionnels.

Ton alpinisme sera ce que tu choisiras d’en faire…

Je dirais que l’alpinisme se définit plus par le terrain sur lequel on progresse que par la technique de progression, laquelle est variable et peut aller du solo intégral jusqu’a tirer des longeurs de corde avec relais.

Il est difficile de critiquer une technique de progression sur une vidéo sans conaitre mieux le contexte et le niveau des alpinistes. Sur une pente de neige n’offrant pas d’ancrages de protection, la corde sert à assurer le second, partant du principe que le premier ne tombe pas (sinon, il emporte probablement l’autre avec lui). C’est typiquement la configuration guide / client. Mais si les deux ont le même niveau, il est envisageable, et même parfois plus sûr, de progresser non encordé.

Après, sur la perception du danger sur ce genre de pentes, c’est assez subjectif. C’est sûr que c’est « engagé » comme ont dit, mais si on a la bonne technique et en restant concentré, quand la neige est en bonnes conditions, ça ne pose pas trop de problèmes. D’autres risques sont bien plus pernicieux et non maitrisables, comme les chutes de pierre par exemple. Evidemment, l’accident bête comme se prendre les pieds dans les crampons est possible. Mais quand on roule à 130 sur l’autoroute, le moindre écart est également mortel, pour faire un paralelle…

Merci beaucoup pour vos réponses claires et instructives.
J’insistais sur la formule non provocatrice de ma question, car en mettant deux vidéos, j’étais bien conscient qu’il pouvait y avoir comparaisons des méthodes et donc critiques.

A travers vos « critiques », teintées de respectuosité et de subtilités techniques, je me rends compte qu’il existe bien une technique de base académique qui reliera malgré tout, les différents courants éthiques ou sportifs de l’alpinisme. Ensuite, tout est question d’analyse et de choix face à une situation parfois complexe à décoder.
Je rapprocherais un peu cela à l’établissement d’un diagnostique médical et sa nébulosité (pour moi) à constituer les associations de symptômes pour classifier plus de 4.000 maladies. (Rapprochement douteux, j’en conviens, pour une discipline plus proche du médicament que de la maladie)

Je vous demanderai donc, si il existe un bouquin recommandable, des gestes techniques académiques, comme vous les appelez respectivement l’un et l’autre, « règles de l’art » et « la bonne technique ».

Ainsi que selon vous, quelle formation conviendrait à quelqu’un comme moi, habitant à 600km des massifs, pour commencer une formation avec pratique?

Quelqu’un comme moi, c’est: 46 ans, citadin, une belle envie d’aller se promener là-haut, voir, sentir et approcher la totale liberté… en sécurité*
*Ma vision de la sécurité: C’est à dire une pratique mixte rocher-glace, en cotation F, avec des gens aptes à me former et très «responsables» (comme moi).

Je pratique la rando (forêt et plaine) régulièrement dans l’année, l’été en moyenne montagne avec quelques sommets très faciles à 3000, toujours sous très beau temps. Disons de l’alpage ++, histoire de taquiner la langue glaciaire avec un bâton, faire une image puis redescendre.
Plus loin derrière, (il y a 30 ans), j’ai eu l’immense plaisir de faire la Grande Ruine et la Barre des Ecrins. Un souvenir toujours présent et attirant. Ce sont ces types de courses que je souhaiterais apprendre.

Comme bouquin sympa il y a le Guide la Montagne aux éditions Guerin => http://www.editionsguerin.com/boutique_fr_article_192.html

Posté en tant qu’invité par Man 555:

Salut

La première cordée est manifestement plus expérimentée, les alpinistes ont une aisance que les seconds n’ont pas.
Effectivement le choix de s’encorder ou non dépend des grimpeurs (niveau, expériences, choix qu’ils font) mais aussi des terrains à traverser.
Pour ce type de course mieux vaut s’encorder dans la partie rocheuse (là encore les gens sont libres de choisir), quitte à marcher à corde tendue avec points intermédiaires (coinceurs, sangles, passages de IV+ dans cette voie). Si le choix de s’encorder dans la pente neigeuse (raide au Coolidge) est adopté, c’est court qu’il faudra le faire, à 2/3 mètres max les uns des autres, à condition de pouvoir marcher ensemble. Dans ce cas, plus long n’a aucun avantage. Si les grimpeurs ne peuvent marcher au même rythme, une alternative est de tirer des longueurs (relais sur corps mort, piolets). Ou de grimper chacun de son côté…

qu’entends tu par là ? (par rapport à lame interne)

merci.

C’est ce que fait la cordée encordée. Mais on ne sait pas si cétait sur toute la pente de neige ou juste le haut, car on ne voit que le haut.

La voie Bonatti au Pic coolidge est coté D.

Sinon, une bonne pratique en alpinisme (et ailleurs), est de ne pas prendre de risque. Donc toujours vérifier si on est compétent pour faire qqch sans tomber.
Par exemple, une cordée monte en solo car ils sont quasi sûr de ne pas faire de faux pas. Et ils sont quasi sûr, car lors des XX courses précédentes, encordées, ils n’ont pas fait de faux pas.
L’autre cordée monte encordée car ils ne sont pas sûr de ne pas faire de faux pas. Mais ils sont sûr de ne pas faire de chute nécessitant un relai plus solide qu’un relai sur piolets dans du 45° en poudre tassée. Etc.

Il n’y a donc pas une pratique « sécuritaire » dans le F, et une autre dans le D. On ne peut pas dire « je ne fais pas de D car je ne sais pas gérer le risque dans le D ». Il n’y a pas une gestion du risque dans le D, et une autre dans le F, il y a une gestion de risque tout court. Donc si on ne sait pas gérer le risque dans le D, on ne sait pas le gérer non plus dans le F. Et si on estime qu’on ne sait gérer le risque que dans le F et pas dans le D, et qu’on a rien eu dans le F jusqu’à présent, c’est juste que l’occurence naturelle d’accident dans le F est plus faible que dans le D, mais ce n’est pas grace à une bonne gestion de risque.
Si on gère correctement le risque, et qu’on estime ne pas pouvoir faire du D, c’est qu’on n’a pas les compétences techniques.
Par contre on a toujours les compétences pour gérer le risque : si on n’est pas (quasi) sûr de ne pas tomber en allant à tel endroit, on n’y va pas, tout simplement.

Voir ceci: Alpinisme : Neige et terrains glissants

[quote=« Gr1peurderien, id: 1235779, post:4, topic:114599 »]Ainsi que selon vous, quelle formation conviendrait à quelqu’un comme moi, habitant à 600km des massifs, pour commencer une formation avec pratique?

Quelqu’un comme moi, c’est: 46 ans, citadin, une belle envie d’aller se promener là-haut, voir, sentir et approcher la totale liberté… en sécurité*
*Ma vision de la sécurité: C’est à dire une pratique mixte rocher-glace, en cotation F, avec des gens aptes à me former et très «responsables» (comme moi).[/quote]

Vois si tu peux rejoindre un club CAF pas trop loin de chez toi. Même loin des montagnes, ces clubs organisent des stages pendant l’été. C’est formateur et convivial. Vu que tu as déjà une bonne expérience de la rando, il ne devrait pas y avoir de problème.

J’y vois déjà 2 différences majeures dans l’approche, et ne suis pas persuadé le plus expérimenté de tous soit dans la cordée que l’on croit :

  • 1 cordée de potes dont les niveaux de pratique sont manifestement équivalents puisque l’un des 3 se permet de faire les images pendant que les 2 autres grimpent, et dont la maîtrise du terrain et la pratique permettent une évolution sans encordement. Cela laisse peu de place à l’erreur effectivement, mais il ont certainement la marge nécessaire.
  • 1 cordée composée d’un guide et d’une cliente. Cette dernière n’a manifestement pas la même aisance technique que les gaziers de l’autre vidéo et la corde est essentiellement la pour son assurage à elle. On peut supposer que le premier n’est pas en difficulté quand on regarde les trajectoires de la corde dans les parties mixtes ou neigeuses ou l’assurance aurait été possible. Il y a donc de la marge aussi de ce côté là. Le film, ben c’est le guidos qui le fait pour sa cliente, d’ailleurs il lui laisse même l’arrivée au sommet en tête. Bon esprit. (www.la-haut.eu)

Pour ce qui est du reste, rien ne me choque au demeurant. Ca donne envie d’aller la faire, cette course… :cool:

OK avec ce que tu dis Bubu sur la gestion du risque en cotation F ou D. Mais ne l’ayant jamais testé en haute montagne, le bon sens me dicte d’abord de suivre une formation puis pratiquer sur du F pour me roder à l’exercice. Et cela tant que l’analyse d’une situation, l’appréciation de mon propre niveau et la vigilance à adopter pour ma sauvegarde et celle des autres, ne sera pas acquise et rendu au domaine du réflexe. J’imagine que c’est cela l’autonomie?!

De mon lointain souvenir à la Barre des Ecrins en second de cordée, je garde un sentiment mitigé sur un passage. La personne avec qui je grimpais était (est toujours) d’un excellent niveau. J’étais ado, lui adulte, il prenait toutes les décisions et je lui vouais une entière confiance. Le contrat évident à passer entre partenaires.
Sauf qu’à moment donné, lorsque je suis remonté sur lui, dans les dernières longueurs avant la crête, j’ai pris conscience qu’il venait de m’assurer sur une dégaine accrochée à une sangle-anneau enroulant un rocher branlant, à peine tenu par la neige. De plus, il était un peu tard pour arriver dans ces conditions au sommet (de mémoire fin de mâtiné) et la neige fondait.
Lorsque nous en avons discuté après, il m’a juste dit qu’il savait que je n’allais pas chuter alors que moi, je savais bien que mes guiboles avaient un peu flanché. De quoi rester perplexe et dubitatif.
Je n’ai jamais remis en cause ma confiance en lui et je n’ai jamais su dire non-plus, ce que j’aurais fait à sa place. Juste du doute qui plane… Je prenais conscience à ce moment, que l’alpinisme pouvait créer des situations bâtardes qu’il convient d’appeler comme ici « une chaleur ».
Ecarter autant que possible les doutes, doit faire partie, j’imagine de vos priorités.
Lorsqu’on voit la première video, effectivement, je n’entrevois aucun doute chez ces gars. Tant mieux.
Maintenant, à eux de savoir si cette assurance ne leur produit pas trop souvent de chaleurs… mais je n’en reviens toujours pas qu’on puisse monter du 45° en solo avec autant de jus sous les fesses. Et en plus, à vous lire, je comprends que c’est une option parfois plus sécuritaire. Horreur!
Franchement, du F me conviendra largement. Il y a bien assez de pièges déjà comme ça.

Correction du lien de Grostof: http://www.la-haut.eu/

D’accord avec pas mal de choses qui ont été dites précédemment.
Notamment le fait que dans une pente de neige il est difficile voir impossible de s’assurer convenablement. Un premier peu assurer son second s’il se sent plus à l’aise que lui et part ainsi du principe qu’il ne tombera pas. A niveau égal on peut en effet choisir d’enlever ou non la corde, supposant que même quelqu’un de très à l’aise n’est jamais à l’abri d’un faux pas, au moins il n’entraînera pas son/ses compagnons dans sa chute.
Personnellement quand je pratique l’alpinisme avec des compagnons de mon niveau ou meilleurs que moi, cela m’arrive souvent de ne pas m’encorder dans un couloir si je sais que je ne vais pas pouvoir placer de protection ou alors que je ne vais pas prendre le temps de le faire parce que je me sens à l’aise et que j’ai un horaire à tenir. En revanche si je sais que je risque de rencontrer des sections de glace / mixte entre deux sections de neige alors je laisse la corde pour assurer convenablement ces passages si j’en ressens le besoin. Mais interdit de chuter sur les sections en neige !
Il m’est aussi arriver d’enlever la corde dans des sections de rocher facile, en réalisant qu’on ne plaçait pas de points entre nous parce qu’on en ressentait pas le besoin ou que cela s’y prêtait mal. Dans ce cas là c’est le même principe : on est jamais à l’abri d’une prise qui casse ou d’un déséquilibre, autant ne pas emporter son compagnon dans la chute.

Bref il arrive parfois qu’une cordée choisisse ce type de progression, et ce en toute conscience de cause. Est-ce une bonne ou une mauvaise chose je ne sais pas mais ça a toujours été pour moi un choix réfléchis.

Sinon pour ce qui est de la cotation je suis d’accord avec Bubu.
Et il est important de savoir que cette cotation globale découle presque uniquement de la cotation technique (rocher, glace) et qu’il est important de se renseigner sur le type de course, l’engagement, l’équipement, … Il ne sera pas forcément plus difficile de se protéger dans une course D que dans une course F. Par exemple je me sens beaucoup plus en sécurité sur la voie normale de la Meije (AD/D-) que sur la voie normale du Dôme des Ecrins et sa longue exposition aux séracs …
Mais c’est un autre débat qui a surement eu lieu plus d’une fois. En tous cas si tu veux des courses F je te conseil le Pic Coolidge, par sa voie normale car c’est un sommet magnifique.

Sinon j’ai commencé l’alpinisme en faisant des stages montagnes de la Terre. Ils proposent tous les niveaux, de l’initiation au perfectionnement. J’en garde de très bons souvenirs.

Je n’ai pas dis qu’il fallait que tu te lances dans du D :wink:
J’ai juste fait la remarque que c’est illusoire de croire qu’on réduit suffisemment le risque en se limitant au F : « le D c’est risqué, mais je ne fais que du F, donc pas de problème ».
Bien sûr que pour un niveau donné, on prend moins de risque dans le F que dans le D, mais si on estime prendre trop de risque dans le D, le seul fait de se limiter au F ne réduit pas suffisemment le risque. Il faut autre chose pour arriver à un risque acceptable.
Et cette autre chose, c’est la gestion de risque de base : n’aller que là où on est quasi sûr de ne pas tomber.
Mais cela est applicable à toutes les difficultés, et en effet, quand on l’a appliqué et assimilé (en réflex ou presque) dans le F, c’est utilisable immédiatement dans tous les niveaux.
Ce que je dis parait évident (en gros, faut pas faire de conneries en montagne), mais tous les accidents sont dûs à une mauvaise gestion de risque, donc c’est bien que ce n’est pas évident pour tout le monde, ou que ce n’est pas appliqué systématiquement (alors qu’il n’y a aucune difficulté à l’appliquer).